La Presse Bisontine 126 - Novembre 2011

A g e n d a

La Presse Bisontine n° 126 - Novembre 2011

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“C'est un pas de plus dans la réconciliation franco-allemande” Historienne d'origine allemande, Gaby Sonnabend a pris ses fonctions le 3 octobre de conservatrice du musée de la Résistance et de la déportation de Besançon. Sa nomination, choquante pour les uns, essentielle pour les autres, a suscité la controverse. Elle répond. MUSÉE DE LA RÉSISTANCE ET DE LA DÉPORTATION

L a Presse Bisontine : Vous êtes en poste depuis le 3 octobre. Comment se passe votre ins- tallation à Besançon ? Gaby Sonnabend : Dans l'immédiat, j'ai à gérer beaucoup d'informations qui concernent le musée et la Citadelle. Pour l'instant, je n'ai pas eu le temps de découvrir vraiment Besan- çon, mais ça viendra. L.P.B. : Du fait de votre nationalité, votre nomination à cette fonction a soulevé une controverse notamment chez les anciens résistants et les anciens com- battants. Certains se sont dits choqués, d'autres au contraire se félicitaient de votre arrivée. Vous attendiez-vous à cela ? G.S. : Quand j'ai répondu à cette annonce, je ne pensais pas qu'il y aurait de tels effets. Pour moi, l'intérêt était d'abord scienti- fique. Pouvoir travailler sur des collections aussi riches que celles de ce musée est quelque chose d'assez exceptionnel. Je n'ai pas pensé que le fait d'êtreAllemande susciterait des réactions que je peux néanmoins comprendre. Mais j'ai 40 ans, et pour les gens de ma génération qui vivent la construction européenne, ce n'est pas la première chose à laquel- le on pense. Il est évident qu'en répondant à cette annonce je ne voulais ni provoquer, ni insulter personne. L.P.B. : Quelle a été la réaction de votre entourage en Allemagne quand vous lui avez dit que vous alliez devenir conservatrice du musée de la Résis- tance de Besançon ? G.S. : Tout le monde était très étonné que la France invite une Allemande à gérer un tel projet. À vrai dire, pour commencer je

me suis même demandée si cette annonce était vrai- ment sérieuse. Dans mon entou- rage, les gens étaient surpris et à la fois enchantés. Finalement, cette démarche est la preuve d'une gran- de ouverture d'esprit de la part des personnes qui ont fait le choix de

L.P.B. :Un des enjeux est donc demoder- niser ce musée, sans le dénaturer, notamment pour capter les jeunes et perpétuer ainsi le devoir de mémoire ? G.S. : Nous accueillons ici beau- coup de groupes scolaires. Mais il faut proposer aux jeunes une présentation plus moderne qui ressemble à leurs habitudes de voir les choses. Par exemple, je souhaiterais que l'on intègre à l'exposition des moyens audio- visuels. L.P.B. : Selon vous, quelle perception ont les jeunes générations de cette his- toire qu'ils découvrent dans les manuels scolaires ? G.S. : Les années trente et qua- rante sont lointaines pour eux. Mais à travers le musée, nous devons réussir à leur faire com- prendre que les questions que soulève l'exposition sur les valeurs démocratiques par exemple, ou les valeurs pour lesquelles on est prêt à se battre, trouvent un écho dans l'actualité. C'est tout l'enjeu de ma mission. L.P.B. : À l’inverse, quel regard portent les jeunes Allemands sur la période hit- lérienne, page sombre de l'histoire de leur pays ? G.S. : Il faut comprendre que pour les Allemands de ma génération, c'est choquant de voir comment notre peuple a pu se comporter pendant la seconde guerre mon- diale. L.P.B. :Y a-t-il encore des tabous autour de ces faits historiques ? G.S. : Non, au contraire, on en par- le beaucoup. Mais cela reste très douloureux d'évoquer cette pério- de terrible. Au lycée, le Troisiè- me Reich, le nazisme de Hitler, les camps concentrationnaires,

“Une grande

ouverture d'esprit.”

ce recrutement. C'est un sym- bole fort. J'ai d'ailleurs reçu beau- coup de médias depuis mon arri- vée, dont une équipe de Canal +. En 2011, je me dis que nous avons fait un pas de plus dans la réconciliation franco-allemande et dans la construction euro- péenne. Mais ce qui est possible aujourd'hui ne l'aurait peut-être pas été il y a dix ans. L.P.B. : Quels sont vos projets pour ce musée ? G.S. : Le plus grand chantier est de renouveler l'exposition per- manente qui date des années quatre-vingt. Elle est bien faite, mais d'un point de vue muséo- graphique, il faut repenser la présentation pour mettre en valeur les collections qui sont un véritable trésor, et intéresser les jeunes à cette histoire. Cela pren- dra du temps. La réflexion est lancée. Dès le début de l'année prochaine, nous accueillerons également des expositions tem- poraires et des conférences. Nous avons plein d'idées mais nous sommes une petite équipe de trois personnes. Une quatrième nous rejoindra peut-être.

parlé étaient plus importantes que tout ce que nous avions pu lire. C'était un témoin authen- tique. Une fois encore, c'est très important de transmettre cette histoire aux nouvelles généra- tions. L.P.B. Vous êtes historienne. La diffi- culté dans la fonction que vous occu- pez n'est-elle pas d'éviter de vous lais- ser emporter par les émotions ? G.S. : Je dois en effet analyser les faits et prendre du recul afin de ne pas rester au stade de l'émotion. Je ne regarde pas cet- te histoire en tant qu'Allemande ou en tant que femme mais en tant qu'historienne. Il faut com-

mencer par une approche scien- tifique pour analyser ensuite les émotions et les replacer dans leur contexte. Mon rôle est de faire comprendre aux autres la com- plexité de l'histoire. L.P.B. : D'ici trois ans, quand l'exposition aura été transformée, quel message voudriez-vous que le public, et en par- ticulier les jeunes, retienne de sa visi- te du musée de la Résistance et de la déportation ? G.S. : Je voudrais que les gens sor- tent d'ici avec le sentiment d'avoir été bien informés sur l'histoire. J'aimerais qu'ils retiennent qu'il existe des valeurs qu'il faut défendre pour l'avenir. La valeur

occupent une part importante du programme d'histoire. C'est une responsabilité lourde que d'assumer le poids du passé.Mais nous avons la responsabilité de nous souvenir et de comprendre.

Dans le mémo- rial où je tra- vaillais avant, nous avions invité une per- sonne qui avait été déportée à Auschwitz pour qu'elle témoigne devant des étu- diants. Les deux heures durant lesquelles elle a

“Nous avons la responsabilité de nous souvenir.”

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