La Presse Bisontine 56 - Juin 2005

L’ INTERVI EW DU MOIS

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Éditorial

T ÉLÉVISION Quinze ans à la tête du 19/20 de France 3 Élise Lucet : “Il y a un vrai appétit du public pour la politique” Présentatrice et rédactrice en chef de l’édition nationale du 19/20 sur France 3, du magazine d’investigation Pièces à Conviction sur la même chaîne, la journaliste Élise Lucet est sur tous les fronts. C’est elle qui sera aussi aux manettes de la soirée électorale du 29 mai, à l’occasion du réfé- rendum sur la constitution européenne.

Civisme Le lundi de Pentecôte aurait-il réveillé la lutte des classes? En tout cas, ce débat a ravivé la flamme des syndicats. Ils ont envoyé une volée de bois vert à la face du gouvernement qui a osé s’attaquer à un acquis social. Mais peut-on vrai- ment parler d’acquis social? Il est bon de rappeler que ces pourfendeurs de la mesure gouvernementale sont lesmêmes bien-pensants qui s’insurgeaient contre l’instauration d’un deuil national en Fran- ce lorsque le pape Jean-Paul II - qui rappelons-le était un chef d’État - est décédé. Aujourd’hui, ils s’accrochent à un jour férié issu d’une fête religieuse - la Pentecôte - alors qu’ils sont les pre- miers à brandir l’étendard de la laïcité. Ce paradoxe peut-être anecdotique révè- le néanmoins un esprit de contradiction bien français où la mauvaise foi le dis- pute à l’intoxication partisane. Le som- met du ridicule est atteint à la S.N.C.F. qui tente de nous faire avaler que tra- vailler 1 minute 52 de plus chaque jour permettra aux agents S.N.C.F. de pro- duire plus au profit de la solidarité natio- nale. Voici une illustration sublime de l’absurdité revendicatrice poussée à l’ex- trême. Que dire aussi de l’exemple don- né par le président du Conseil régional de Franche-Comté Raymond Forni, ex- président de l’Assemblée Nationale, ce lieu où se font et se respectent les lois? Il s’est distingué en offrant généreuse- ment le lundi de Pentecôte aux salariés de la collectivité territoriale. Il oublie sans doute que cette mesure ne le pénalise en rien et que ce sont les contribuables francs-comtois qui, en l’espèce, coti- sent pour le Conseil régional. Plus sages, Jean-Louis Fousseret et Claude Jean- nerot, à la tête de la mairie de Besan- çon et du Conseil général, ont décidé de respecter la loi votée démocratique- ment. Même s’ils ne sont pas d’accord avec son esprit, ils ont estimé devoir assumer la permanence du service public dans leur collectivité respective. Com- ment qualifier enfin l’attitude de certains syndicats enseignants qui prenaient pré- texte du fait que les enfants ne peuvent participer à l’effort collectif pour inciter au boycott de ce jour travaillé? Est-ce ainsi qu’on peut leur inculquer la base des rapports en société, à savoir le civis- me? Cette affaire du lundi de Pentecô- te n’aura en fait troublé que ceux qui considèrent le travail comme une vraie contrainte. Il est à parier que si le gou- vernement avait proposé une autremesu- re de solidarité envers les personnes âgées, ils auraient trouvé un autre pré- texte pour passer ce lundi au soleil. O Jean-François Hauser

Élise Lucet : “Il y a de plus en plus de magazines d’investigation à l’antenne et c’est une bonne chose.”

L a Presse Bisontine : Quel va être le dispositif de France 3 pour la soirée électorale du 29 mai ? Élise Lucet : Important. On va être en duplex de tous les Q.G. des différents partis poli- tiques. Mais aussi de régions frontalières, comme Stras- bourg, Lille, Marseille. Et nous serons aussi en direct de plusieurs pays européens, d’Allemagne, de Bruxelles bien sûr, de Varsovie et des Pays-Bas, qui votent trois jours après nous. Sur le pla- teau, on aura bien évidem- ment des invités, des repor- tages… La dimension de l’Europe des régions nous a semblé importante. L.P.B. : Que pensez-vous de cer- taines critiques des partisans du non qui dénoncent la partialité des journalistes pour le oui ? É.L. : Nous avons une comp- tabilité rigoureuse, presque à la seconde près. Depuis le début, on fait très attention. En tout cas, à France 3, l’équi- té sera respectée. Au 19/20, à chaque fois qu’on a un invi-

péennes.

sionné et très sérieux. Je tra- vaille énormément. Dès 9h30, je suis avec la rédaction, pour mettre en place l’édition du soir. Après, le rapport avec le public est assez mystérieux. Mais je pense que comme Georges Pernoud de Thalas- sa ou Patrick de Carolis avec Des Racines et des ailes, je corresponds à une certaine image véhiculée par la chaî- L.P.B. : Qu’est ce qui explique alors que France 2 n’ar- rive pas à garder cette stabilité de présentateur. É.L. : Je ne sais pas. Il y a des histoires qui sont différentes au sein des deux chaînes. Il y a des personnes qui sont parties, des divorces, des changements. Et puis eux sont en concurrence fronta- le avec le 20 heures de TF1 qui joue la stabilité depuis des années. C’est différent. L.P.B. : Comment s’est passé le changement de la formule du 19/20 à la rentrée dernière ? É.L. : Plutôt bien. On a élargi la tranche d’info et c’est une bonne chose. C’est pour cela aussi que les gens viennent sur cette chaîne, c’est une de nosmarques de fabrique. C’est vraiment important de conti- nuer dans cette direction. Quand on a changé la for- mule du 12/14 puis du 19/20, à chaque fois, on a rajouté de l’info et ça a marché. L.P.B. : Vous avez relancé l’inves- tigation avec Pièces à Conviction. C’était un pari osé au début ? É.L.: C’est toujours osé. Quand on ouvre des dossiers, on s’at- taque à des forces d’influen- ce, au niveau politique ou éco- nomique. On peut s’attaquer à des partis politiques, à des sectes, à des lobbies indus- triels… Il y a toujours un risque, mais le but d’unmaga- zine d’investigation, c’est d’al- ler là où ça dérange. il faut aller jusqu’au bout de ce qu’on peut faire. Dans notre der- nier numéro par exemple, consacré au Bugaled Breizh, on met en difficulté un cer- tain nombre de marines euro- ne. On n’est pas dans le star sys- tème.

public.Au niveau des hommes politiques, j’avais très peur qu’ils ne tombent dans la poli- tique politicienne, avec le jeu des petites phrases. Mais je les ai trouvés plutôt très bons. Ils se répondaient, sur le fond, avec intelligence. L.P.B.: Vous présentez le 19/20 de France 3 depuis quinze ans déjà. Comment expliquez-vous cette longévité ? Je fais le journal pour les télé- spectateurs, avec la rédac- tion. Je n’aime pas l’idée de dire que c’est mon journal. En aucun cas, il ne m’appar- tient. À France 3, il y a peu de starisation. On se définit par la proximité avec les gens. Et puis c’est vrai que la poli- tique de la chaîne est de ne pas bouleverser les présen- tateurs tous les deux ou trois ans. Mais on ne reste pas si on n’est pas à la fois très pas- É.L.: Peut-être par- ce qu’au départ, je ne voulais pas le fai- re. Je n’ai jamais eu une envie folle d’être à l’antenne.

té du non, on a un invité du oui juste après. Lors de notre grande émission de débat à 20h50, le temps de parole a été respecté de l’avis de tous nos intervenants. Pour moi, c’est un exercice sportif car tous voulaient parler enmême temps alors que j’avais la régie qui me donnait le décompte pour chacun. Ce qui peut provoquer cette réac- tion, c’est que tout d’un coup, le camp du oui est rentré en campagne et il y a donc eu beaucoup de reportages sur eux. Mais c’est oublié qu’il y avait eu beaucoup de repor- tages avant sur le non. Et depuis, ça s’est équilibré. L.P.B.: Que pensez-vous du niveau du débat politique ? É.L. : C’est plutôt très rassu- rant de voir que ce débat peut passionner autant les Fran- çais. On a tellement dit que la politique ne concernait plus personne. Là, on voit un véri- table intérêt. Notre émission de débat en prime time , qui était un pari, a très bienmar- ché. Il y a un vrai appétit du

L.P.B. : Vous êtes totalement libre dans le choix des sujets ? É.L. : Franchement oui. D’ailleurs le seul fait que le premier numéro du magazi- ne était consacré à l’affaire Méry, où le président de la République était mis en cau- se, et qu’on nous a laissé fai- re, le prouve. Mais en même temps, cette liberté qu’on nous laisse nous oblige à une rigueur extrême. On n’est pas des cow-boys de l’info. Quand on dit quelque chose, il faut que ce soit sérieux, aller au fond des choses. L.P.B. : C’est devenu plus facile de faire de l’investigation ? É.L. : Non, au contraire, c’est devenu plus compliqué. On se heurte à beaucoup de grands groupes industriels qui ont compris les médias et qui ont maintenant des stratégies de communication très organisées. Et quand on cherche à aller là où ça fait mal, c’est très difficile. C’est pour cela que l’on est parfois obligé d’utiliser des caméras cachées ou ce genre de choses. En revanche, il y a de plus en plus de magazines d’in- vestigation à l’antenne et c’est une bonne chose, car c’est la réhabilitation d’une certaine noblesse du métier de jour- naliste. Quand on a créé Pièces à Conviction en 2000, on était presque les seuls. Dans la foulée, d’autres émis- sions sont nées, sur Canal +, France 2. Plus on est nombreux à l’antenne, plus on est réhabilité. Et le public suit. L.P.B.: Vous avez d’autres projets? É.L.: Très franchement, entre les soirées électorales, le jour- nal et le magazine, je suis très occupée actuellement et je ne vois pas comment je pourrais faire quelque chose de plus. Mais je reste ouver- te à des projets qui pourraient venir de l’extérieur, même si j’adore cette chaîne, que je m’y sens bien. J’ai la chance d’exercer mon métier à dif- férents niveaux. Je ne peux pas m’ennuyer. O Propos recueillis par S.D.

“On n’est pas des cow-boys de l’info.”

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Imprimé à I.P.S. - ISSN: 1623-7641 Dépôt légal: Mai 2005 Commission paritaire: 1102I80130

Crédits photos: La Presse Bisontine, Chercjeurs d’air, France 3, Yves-Marie Quemener, Fédération de pêche.

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