Savitri - Book Seven - Canto 3

B OOK S EVEN – C ANTO 3 – T HE E NTRY INTO THE I NNER C OUNTRIES L IVRE S EPT – C HANTE 3 – L’E NTREE DANS LES R EGIONS I NTERIEURES

SAVITRI S RI A UROBINDO

French translation by: Divakar Jeanson www.divakar-publications.com

BOOK SEVEN - The Book of Yoga

LIVRE SEPT – Le Livre du Yoga.

Canto Three - The Entry into the Inner Countries

Chant Trois – L’Entrée dans les Régions Intérieures.

At first out of the busy hum of mind As if from a loud thronged market into a cave By an inward moment's magic she had come. A stark hushed emptiness became her self: Her mind unvisited by the voice of thought Stared at a void deep's dumb infinity. Her heights receded, her depths behind her closed; All fled away from her and left her blank. But when she came back to her self of thought, Once more she was a human thing on earth, A lump of Matter, a house of closed sight, A mind compelled to think out ignorance, A life-force pressed into a camp of works And the material world her limiting field. Amazed like one unknowing she sought her way Then a Voice spoke that dwelt on secret heights: “For man thou seekst, not for thyself alone. Only if God assumes the human mind And puts on mortal ignorance for his cloak And makes himself the Dwarf with triple stride, Can he help man to grow into the God. As man disguised the cosmic Greatness works And finds the mystic inaccessible gate And opens the Immortal's golden door. Man, human, follows in God's human steps. Out of the tangle of man's ignorant past That took the surface person for the soul.

D’abord, hors de la rumeur affairée du cerveau, Comme d’une foire bruyante dans une cave, Par un instant magique elle s’était déplacée. Alors, son être devint vacuité absolue : Son mental, que ne visitaient plus les pensées, Fixait la muette infinité d’un fonds vide. Ses hauteurs s’écartaient, ses profondeurs se fermaient ; Tout se retirait d’elle et la laissait neutre. Mais quand elle revint à son intelligence, Elle redevint une créature sur terre, Un morceau de Matière, un aveugle habitat, Un mental contraint de penser l’ignorance, Une énergie forcée dans un camp de travail Et le champ limitant du monde matériel. Comme sans savoir elle chercha son chemin Hors du passé enchevêtré de l’homme ignorant Qui prenait la personne de surface pour l’âme. Alors, de ses hauteurs secrètes, une Voix parla : « C’est pour l’humanité que tu cherches, non pour toi seule. Seulement si Dieu se revêt du mental humain Et se couvre du manteau de l’ignorance Et Lui-même devient le Nain aux trois mesures, Peut-il aider l’homme à devenir le Divin. Ainsi déguisée la Grandeur cosmique travaille Jusqu’à trouver l’entrée mystique inaccessible Et ouvrir les portes d’or de l’Immortel. L’homme, humain, suit les traces humaines de Dieu.

Accepting his darkness thou must bring to him light, Accepting his sorrow thou must bring to him bliss. In Matter's body find thy heaven-born soul.” Then Savitri surged out of her body's wall And stood a little span outside herself And looked into her subtle being's depths And in its heart as in a lotus-bud Divined her secret and mysterious soul. At the dim portal of the inner life That bars out from our depths the body's mind And all that lives but by the body's breath, She knocked and pressed against the ebony gate. The living portal groaned with sullen hinge: Heavily reluctant it complained inert Against the tyranny of the spirit's touch. A formidable voice cried from within: “Back, creature of earth, lest tortured and torn thou die.” The hounds of darkness growled with jaws agape, And trolls and gnomes and goblins scowled and stared And wild beast roarings thrilled the blood with fear And menace muttered in a dangerous tongue. Unshaken her will pressed on the rigid bars: The gate swung wide with a protesting jar, The opponent Powers withdrew their dreadful guard; Her being entered into the inner worlds. A dreadful murmur rose like a dim sea; The Serpent of the threshold hissing rose, A fatal guardian hood with monstrous coils,

Acceptant sa ténèbre, porte-lui la lumière, Acceptant sa peine, porte- lui la félicité. Dans le corps même de la Matière, trouve ton âme. » Alors Savitri surgit des parois de son corps Et se tint juste un peu en-dehors d’elle-même Et regarda dans les fonds de son être subtil Et à son centre comme en un bouton de lotus, Devina son âme mystérieuse et secrète. Au portail indistinct de la vie intérieure Qui barre son accès au mental corporel, A ce qui ne vit que par le souffle du corps, Elle frappa et pressa la porte d’ébène. Le panneau vivant gémit sur ses gonds : Lourdement résistant et inerte, il se plaignit De la tyrannie du toucher de l’esprit. Une voix formidable s’écria : « Arrière, Créature de terre ou, torturée, tu mourras. » Un terrible murmure monta comme une mer ; Le Serpent du seuil en sifflant se dressa, gardien Au capuchon fatal et aux anneaux monstrueux, Et les meutes grondèrent, leurs gueules béantes ; Des gnomes, des lutins et des trolls menacèrent, Des rugissements de bêtes glacèrent le sang Et la furie marmonna dans sa langue inquiétante. Inébranlable sa volonté pressa les barres : La porte pivota avec un grincement, Les Pouvoirs opposants retirèrent leur garde ; Son être entra dans les mondes intérieurs.

In a narrow passage, the subconscient's gate, She breathed with difficulty and pain and strove

Dans un passage étroit, l’entrée du subconscient, Respirant avec peine, elle lutta pour trouver

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To find the inner self concealed in sense. Into a dense of subtle Matter packed, A cavity filled with a blind mass of power, An opposition of misleading gleams, A heavy barrier of unseeing sight, She forced her way through body to the soul. Across a perilous border line she passed Where Life dips into the subconscient dusk Or struggles from Matter into chaos of mind, Aswarm with elemental entities And fluttering shapes of vague half-bodied thought And crude beginnings of incontinent force. At first a difficult narrowness was there, A press of uncertain powers and drifting wills; For all was there but nothing in its place. At times an opening came, a door was forced; She crossed through spaces of a secret self And trod in passages of inner Time. At last she broke into a form of things, A start of finiteness, a world of sense: But all was still confused, nothing self-found. Soul was not there but only cries of life. A thronged and clamorous air environed her. A horde of sounds defied significance, A dissonant clash of cries and contrary calls; A mob of visions broke across the sight, A jostled sequence lacking sense and suite, Feelings pushed through a packed and burdened heart,

Le soi intérieur dissimulé dans le sens. Dans une densité de substance subtile, Une cavité emplie de massive puissance, Une opposition de lueurs fourvoyantes, Une lourde barrière de vue aveuglée, Elle fraya son chemin pour trouver son âme. Puis elle franchit une frontière périlleuse Où la Vie puise dans la pénombre subconsciente Ou s’échappe dans un chaos d’intelligence, Un grouillement d’entités élémentales Et de formes vagues et fébriles de pensée Et d’ébauches grossières de force incontinente. D’abord il y eut une étroitesse pénible, Une cohue de pouvoirs et de volontés, Car tout était là mais rien n’était à sa place. Parfois une brèche, une porte était forcée ; Elle traversait des espaces d’un soi secret Et parcourait des passages de Temps intérieur. Enfin elle surgit dans une forme des choses, Un début de finitude, un monde de sens : Mais tout demeurait confus, rien ne s’était trouvé. L’âme n’était pas là, seulement des cris de vie. Un air bruyant et encombré l’environnait, Une horde de sons défiant toute signifiance, Un fracas d’appels et de plaintes contraires ; Une cohorte de visions obstruait l’espace, Une succession bousculée sans ordre ni sens ; Des émotions se pressaient dans un cœur accablé

Each forced its separate inconsequent way But cared for nothing but its ego's drive.

Et chacune y frayait son chemin séparé Sans autre souci que son propre mobile.

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A rally without key of common will, Thought stared at thought and pulled at the taut brain As if to pluck the reason from its seat And cast its corpse into life's wayside drain; So might forgotten lie in Nature's mud Abandoned the slain sentinel of the soul. So could life's power shake from it mind's rule, Nature renounce the spirit's government And the bare elemental energies Make of the sense a glory of boundless joy, A splendour of ecstatic anarchy, A revel mighty and mad of utter bliss. This was the sense's instinct void of soul Or when the soul sleeps hidden void of power, But now the vital godhead wakes within And lifts the life with the Supernal's touch. But how shall come the glory and the flame If mind is cast away into the abyss? For body without mind has not the light, The rapture of spirit sense, the joy of life; All then becomes subconscient, tenebrous, Inconscience puts its seal on Nature's page Or else a mad disorder whirls the brain Posting along a ravaged nature's roads, A chaos of disordered impulses In which no light can come, no joy, no peace. This state now threatened, this she pushed from her. As if in a long endless tossing street One driven mid a trampling hurrying crowd Hour after hour she trod without release

Un ralliement sans une volonté partagée, Des pensées rivales tiraient sur le cerveau Comme pour arracher la raison de son siège Et jeter sa dépouille dans le drain de la vie ; Ainsi pourrait périr oubliée dans la boue, Abandonnée, la sentinelle de l’âme. Ainsi, La vie pourrait se défaire de toute règle, La Nature répudier l’empire de l’esprit Et les énergies élémentales pourraient Faire des sens une gloire d’allégresse, Une splendeur d’anarchie extatique, Une folle débauche de plaisir absolu. Tel est l’instinct des sens quand l’âme est absente Ou quand l’âme gît endormie, privée de pouvoir, Et la déité vitale s’éveille au-dedans Et soulève la vie par un toucher supérieur. Mais comment viendront la gloire et la flamme Si le mental est rejeté dans l’abysse ? Car le corps sans le mental n’a pas la lumière, La joie de l’esprit, le délice de la vie ; Tout devient alors subconscient, ténébreux, L’Inconscience appose son sceau sur la Nature Ou un désordre dément fait tourner le cerveau Postant sur les routes d’une terre ravagée Un chaos d’impulsions désordonnées Où ni lumière, ni joie, ni paix ne peuvent venir. Cet état menaçait ; elle le repoussa. Comme entraînée le long d’une rue interminable Par le piétinement d’une foule frénétique, Heure après heure elle allait sans une pause,

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Holding by her will the senseless meute at bay; Out of the dreadful press she dragged her will And fixed her thought upon the saviour Name; Then all grew still and empty; she was free.

Tenant la meute à distance par sa volonté ; Extirpant sa conscience de l’horrible mêlée Elle fixa sa pensée sur le Nom salvateur ; Alors tout se vida et se tut ; elle était libre. Vint une ample délivrance, un espace de calme. Elle s’avança dans une tranquillité blanche De Lumière nue venue d’un soleil invisible, Un vide qui était un bonheur immatériel, Un vacuum béatifique de paix anonyme. Mais alors le front d’un plus grand danger s’approcha : La presse du mental corporel et sa couvée De velléités erratiques l’avaient laissée. Une Vie géante se profila devant elle, Indépendante et rebelle, subconsciente, énorme - Qui propulsait tout le pouvoir en un seul flot, En une seule puissance de mers dangereuses. Dans l’immobilité de son être silencieux, La blancheur de sa contemplation de l’Espace, Une crue, un torrent de la Vie s’engouffra Comme une horde de vagues cinglées par le vent Se ruant sur les sables d’une plage d’été, Une montagne écumante inondant le rivage. D’une voix vaste et passionnée cette marée S’écriait à son esprit attentif, exigeant Que Dieu se soumette à une Force sans chaînes - Une sourde puissance appelant à se rendre, Un millier de voix dans un Espace rendu muet, Réclamant le soutien de son cœur pour son plaisir, Pour son acte le consentement de son Ame,

A large deliverance came, a vast calm space. Awhile she moved through a blank tranquillity

Of naked Light from an invisible sun, A void that was a bodiless happiness, A blissful vacuum of nameless peace.

But now a mightier danger's front drew near: The press of bodily mind, the Inconscient's brood Of aimless thought and will had fallen from her. Approaching loomed a giant head of Life Ungoverned by mind or soul, subconscient, vast. It tossed all power into a single drive, It made its power a might of dangerous seas. Into the stillness of her silent self, Into the whiteness of its muse of Space A spate, a torrent of the speed of Life Broke like a wind-lashed driven mob of waves Racing on a pale floor of summer sand; It drowned its banks, a mountain of climbing waves. Enormous was its vast and passionate voice. It cried to her listening spirit as it ran, Demanding God's submission to chainless Force.

A deaf force calling to a status dumb, A thousand voices in a muted Vast,

It claimed the heart's support for its clutch at joy, For its need to act the witness Soul's consent,

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For its lust of power her neutral being's seal. Into the wideness of her watching self It brought a grandiose gust of the Breath of Life; Its torrent carried the world's hopes and fears, All life's, all Nature's dissatisfied hungry cry, And the longing all eternity cannot fill. It called to the mountain secrecies of the soul And the miracle of the never-dying fire, It spoke to some first inexpressible ecstasy Hidden in the creative beat of Life; Out of the nether unseen deeps it tore Its lure and magic of disordered bliss, Into earth-light poured its maze of tangled charm And heady draught of Nature's primitive joy And the fire and mystery of forbidden delight Drunk from the world-libido's bottomless well, And the honey-sweet poison-wine of lust and death, But dreamed a vintage of glory of life's gods, And felt as celestial rapture's golden sting. The cycles of the infinity of desire And the mystique that made an unrealised world Wider than the known and closer than the unknown In which hunt for ever the hounds of mind and life, Tempted a deep dissatisfied urge within To long for the unfulfilled and ever far And make this life upon a limiting earth A climb towards summits vanishing in the void, A search for the glory of the impossible. It dreamed of that which never has been known, It grasped at that which never has been won, It chased into an Elysian memory

Et pour sa soif de pouvoir le sceau de son esprit. Dans l’amplitude de son être témoin surgit Une grandiose rafale du Souffle de Vie ; Son flux charriait les espoirs du monde et ses peurs, Le cri affamé de la Nature et de la vie, Et le besoin qui jamais ne peut être comblé. Cela conjurait les vallées secrètes de l’âme Et le miracle du feu qui ne s’éteint jamais, Parlait à une inexprimable extase première Cachée dans le battement créatif de la Vie ; Des fonds infernaux invisibles, cela arrachait Son attrait et sa magie d’allégresse sauvage, Versait au jour de la terre son charme envoûtant Et son breuvage enivrant de joie primitive, Et le mystère et le feu de plaisir interdit Au puits insondable du désir universel, Et le vin venimeux de jouissance et de mort, - Mais rêvait pour ses dieux d’une vendange de gloire Et croyait céleste le dard brillant de l’extase. Les cycles de l’infinité du désir Et la mystique qui rendit un monde irréel Plus large que le nôtre et plus proche que d’autres, Où chassent les meutes du mental et de la vie, Stimulaient un profond élan insatisfait A se tendre vers le lointain et l’inaccompli, Et faire de cette vie sur un globe fini Une ascension vers des sommets qui disparaissent, Une poursuite de la gloire de l’impossible. Souhaitant trouver ce qui n’a jamais été su Et saisir ce qui n’a jamais été obtenu, Traquant jusque dans une mémoire Elyséenne

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The charms that flee from the heart's soon lost delight; It dared the force that slays, the joys that hurt, The imaged shape of unaccomplished things And the summons to a Circean transmuting dance And passion's tenancy of the courts of love And the wild Beast's ramp and romp with Beauty and Life. It brought its cry and surge of opposite powers, Its moments of the touch of luminous planes, Its flame-ascensions and sky-pitched vast attempts, Its fiery towers of dream built on the winds, Its sinkings towards the darkness and the abyss, Its honey of tenderness, its sharp wine of hate, Its changes of sun and cloud, of laughter and tears, Its bottomless danger-pits and swallowing gulfs, These powers were not blunt with the dead weight of earth, They gave ambrosia's taste and poison's sting. There was an ardour in the gaze of Life That saw heaven blue in the grey air of Night: The impulses godward soared on passion's wings. Mind's quick-paced thoughts floated from their high necks, A glowing splendour as of an irised mane, A parure of pure intuition's light; Its flame-foot gallop they could imitate: Mind's voices mimicked inspiration's stress, Its ictus of infallibility, Its fear and joy and ecstasy and despair, Its occult wizardries, its simple lines And great communions and uplifting moves, Its faith in heaven, its intercourse with hell.

Les charmes qui vite s’enfuient du plaisir du cœur, Cela osait les joies qui blessent, la force qui tue, La forme imagée de choses jamais effectuées, Et l’injonction à une danse circéenne, La prise par la passion des cours de l’amour Et les foucades de la Bête avec la Vie - Portant son cri et sa houle de pouvoirs contraires, Ses instants de contact avec les plans lumineux, Ses montées flamboyantes, ses vastes tentatives, Ses tours de songe ardentes bâties sur les vents, Ses naufrages dans l’obscurité et l’abysse, Son miel de tendresse, son âpre boisson de haine, Son soleil et ses nuées, son rire et ses larmes, Ses précipices sans fond, ses gouffres qui dévorent, Sa peur et sa joie, son extase et son désespoir, Ses sorcelleries occultes et ses simples lignes, Ses grandes communions, ses mouvements exaltants, Sa foi dans le ciel, sa relation avec l’enfer. Le poids de la terre n’atténuait pas ces pouvoirs, Ni leur goût d’ambroisie, ni le dard de leur poison. Il y avait une ardeur dans les yeux de la Vie Qui voyaient le ciel bleu dans l’air gris de la Nuit : Les ailes de la passion portaient leur essor. De vives pensées flottaient de leurs cous élancés, Une splendeur comme d’une crinière irisée, Une parure de l’éclat de l’intuition pure ; Elles pouvaient imiter son galop enflammé Et leurs voix mimaient l’accent de l’inspiration Et le rythme de son infaillibilité, Rapide comme l’éclair des Dieux dans les cieux. Tranchant de sa lame acérée les filets du doute,

Its speed and lightning heaven-leap of the Gods. A trenchant blade that shore the nets of doubt,

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Its sword of discernment seemed almost divine.

Son fer de discernement semblait presque divin.

Yet all that knowledge was a borrowed sun's; The forms that came were not heaven's native births: An inner voice could speak the unreal's Word; Its puissance dangerous and absolute Could mingle poison with the wine of God. On these high shining backs falsehood could ride; Truth lay with delight in error's passionate arms Gliding downstream in a blithe gilded barge: She edged her ray with a magnificent lie. Here in Life's nether realms all contraries meet; Truth stares and does her works with bandaged eyes And Ignorance is Wisdom's patron here: Those galloping hooves in their enthusiast speed Could bear to a dangerous intermediate zone Where Death walks wearing a robe of deathless Life. Or they enter the valley of the wandering Gleam Whence, captives or victims of the specious Ray, Souls trapped in that region never can escape. Agents, not masters, they serve Life's desires Toiling for ever in the snare of Time. Their bodies born out of some Nihil's womb Ensnare the spirit in the moment's dreams, Then perish vomiting the immortal soul Out of Matter's belly into the sink of Nought. Yet some uncaught, unslain, can warily pass Carrying Truth's image in the sheltered heart, Pluck Knowledge out of error's screening grip, Break paths through the blind walls of little self, Then travel on to reach a greater life.

Mais cette connaissance était d’un astre emprunté Et ses formes n’étaient pas natives des cieux : Sa voix intérieure pouvait dire l’Irréel ; Sa puissance dangereuse et absolue Pouvait mêler le poison au nectar de Dieu. Le mensonge pouvait monter ces croupes brillantes ; La vérité jouissait dans les bras de l’erreur, Portée par le courant sur une barque enjouée, Avivant son rayon d’une superbe imposture. Dans ces bas domaines de la Vie tous les contraires Se joignent ; la Vérité y oeuvre les yeux bandés Et l’Ignorance y est patronne de la Sagesse : Ces montures peuvent dans leur galop enthousiaste Mener à une zone intermédiaire trompeuse Où la Mort porte une robe de Vie éternelle, Ou pénétrer la vallée de la Lueur vagabonde D’où, captives ou victimes du Rayon spécieux, Les âmes traquées ne pourront jamais s’évader. Agentes elles servent les désirs de la Vie Peinant perpétuellement dans le piège du Temps. Leurs corps issus d’une matrice de Nihil Capturent l’esprit dans les rêves de l’instant, Puis périssent en vomissant l’âme immortelle, Du ventre de la Matière, dans l’égout du Néant. Certains pourtant, indemnes, peuvent passer, Portant l’image de la Vérité dans leur cœur, Cueillir la Connaissance du voile de l’erreur, Frayer des sentiers dans les parois du petit soi, Et poursuivre leur voie vers une vie supérieure.

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All this streamed past her and seemed to her vision's sight As if around a high and voiceless isle A clamour of waters from far unknown hills Swallowed its narrow banks in crowding waves And made a hungry world of white wild foam: Hastening, a dragon with a million feet, Its foam and cry a drunken giant's din, Tossing a mane of Darkness into God's sky, It ebbed receding into a distant roar. Then smiled again a large and tranquil air: Blue heaven, green earth, partners of Beauty's reign, Lived as of old, companions in happiness; And in the world's heart laughed the joy of life. All now was still, the soil shone dry and pure. Through it all she moved not, plunged not in the vain waves. Out of the vastness of the silent self Life's clamour fled; her spirit was mute and free. Then journeying forward through the self's wide hush She came into a brilliant ordered Space. There Life dwelt parked in an armed tranquillity; She kept no more her vehement stride and rush; She had lost the careless majesty of her muse And the ample grandeur of her regal force; Curbed were her mighty pomps, her splendid waste, Sobered the revels of her bacchant play, Cut down were her squanderings in desire's bazaar, Coerced her despot will, her fancy's dance, A chain was on her strong insurgent heart. Tamed to the modesty of a measured pace,

Tout ceci défilait devant elle et lui semblait Comme si, autour d’une île haute et sans voix, Une clameur d’eaux dévalait de monts inconnus Dévorant ses bancs étroits d’une masse de vagues, Un monde d’écume sauvage affamée : Se hâtant tel un dragon aux millions de pieds, Bouillonnant et hurlant comme un géant enivré, Secouant sa crinière de Ténèbre dans le ciel, Sa marée reflua dans un lointain grondement. Et revint le sourire d’un air large et tranquille. Le ciel et la terre, partenaires de la Beauté, Vivaient comme jadis, compagnons dans le bonheur ; Dans le cœur du monde riait la joie de la vie. Tout était paisible et le sol brillait, ferme et pur. Impassible, elle n’avait pas plongé dans les vagues. De l’étendue de l’être silencieux le tumulte De la Vie enfin s’enfuit ; son esprit était libre. Puis, poursuivant son chemin dans le calme du soi, Elle parvint dans un Espace clair, ordonné, Où la Vie était parquée dans une paix armée ; Une chaîne était posée sur son cœur insurgent. Domptée à la modestie d’un pas mesuré, Elle n’avait plus son impétueuse véhémence ; Elle avait perdu son insouciante majesté Et l’ample grandeur de sa force royale ; Réfrénés, ses fastes et ses dépenses splendides, Dégrisées, les orgies de ses jeux bachiques, Réduits, ses excès dans le bazar du désir Et contraints, son despotisme et sa fantaisie,

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A cold stolidity bound the riot of sense. A royalty without freedom was her lot; The sovereign throned obeyed her ministers: Her servants mind and sense governed her house: Her spirit's bounds they cast in rigid lines And guarding with a phalanx of armoured rules The reason's balanced reign, kept order and peace. Her will lived closed in adamant walls of law, Coerced was her force by chains that feigned to adorn, Were set in its place sentinelled by marshalled facts, They gave to the soul for throne a bench of Law, For kingdom a small world of rule and line: The ages' wisdom, shrivelled to scholiast lines, Shrank patterned into a copy-book device. The Spirit's almighty freedom was not here: A schoolman mind had captured life's large space, But chose to live in bare and paltry rooms Parked off from the too vast dangerous universe, Fearing to lose its soul in the infinite. Even the Idea's ample sweep was cut Into a system, chained to fixed pillars of thought Or rivetted to Matter's solid ground: Or else the soul was lost in its own heights: Obeying the Ideal's high-browed law Thought based a throne on unsubstantial air Disdaining earth's flat triviality: Imagination was prisoned in a fort, Her wanton and licentious favourite; Reality's poise and reason's symmetry

Un flegme glacé liait la débauche des sens. Une royauté sans liberté était son lot ; La souveraine obéissait à ses ministres Et ses serviteurs gouvernaient sa demeure : Ils fixaient à son esprit des limites rigides ; Par une phalange de règles gardant le règne De la raison, ils maintenaient l’ordre et la paix. Elle vivait recluse dans les murs de la loi, Retenue par des chaînes qui feignaient de parer, La remplaçaient, veillées par des faits assemblés, Donnant à l’âme pour trône un banc de la Loi, Pour royaume un petit monde de ligne et de règle : La sagesse des âges, scolastique et racornie, Se réduisait au modèle d’un répertoire. La grande liberté de l’Esprit était absente : Un érudit avait pris l’espace de la vie, Mais choisi de vivre dans des pièces quelconques, Retranchées du trop vaste et dangereux univers, Redoutant de perdre son âme dans l’infini. Même l’ampleur de l’Idée était découpée En un système, liée à des piliers de pensée Ou rivée au terrain solide de la Matière : Ou bien l’âme se perdait dans ses propres hauteurs : Obéissant à la loi de l’austère Idéal La Pensée bâtissait un trône sur de l’air Dédaignant la plate trivialité de la terre, Et se barricadait pour vivre dans ses rêves. Ou, tout s’inscrivait dans un univers systémique : Et l’imagination était emprisonnée, Sa favorite licencieuse et hardie ; L’équilibre et la symétrie de la raison

It barred reality out to live in its dreams. Or all stepped into a systemed universe:

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Life's empire was a managed continent, Its thoughts an army ranked and disciplined; Uniformed they kept the logic of their fixed place At the bidding of the trained centurion mind. Or each stepped into its station like a star Or marched through fixed and constellated heavens Or kept its feudal rank among its peers In the sky's unchanging cosmic hierarchy. Or like a high-bred maiden with chaste eyes Forbidden to walk unveiled the public ways, She must in close secluded chambers move, Her feeling in cloisters live or gardened paths. Life was consigned to a safe level path, It dared not tempt the great and difficult heights Or climb to be neighbour to a lonely star Or skirt the danger of the precipice Or tempt the foam-curled breakers' perilous laugh, Adventure's lyrist, danger's amateur, Or into her chamber call some flaming god, Or leave the world's bounds and where no limits are Meet with the heart's passion the Adorable Or set the world ablaze with the inner Fire. A chastened epithet in the prose of life, She must fill with colour just her sanctioned space, Not break out of the cabin of the idea Nor trespass into rhythms too high or vast. Even when it soared into ideal air, Thought's flight lost not itself in heaven's blue: It drew upon the skies a patterned flower Of disciplined beauty and harmonic light. A temperate vigilant spirit governed life:

L’empire de la Vie était administré, Ses pensées étaient alignées et disciplinées, En uniformes, selon la logique de leur place, Aux ordres du mental centurion bien entraîné. Ou, chacune prenait son poste comme une étoile, Défilait parmi des constellations invariables Ou gardait son rang féodal parmi ses pareilles Dans la hiérarchie cosmique bien établie. Ou, telle une noble demoiselle aux yeux chastes Interdite sans voile sur les voies publiques, Elle devait vivre séquestrée dans ses chambres Ou arpentant les sentiers d’un jardin de cloître. La vie, consignée à un chemin nivelé, N’osait plus tenter les hauteurs difficiles Ou monter au voisinage d’une seule étoile Ou s’approcher du dangereux précipice Ou risquer le rire de la barre écumante, Lyriste de l’aventure, passionnée du danger, Ou inviter dans sa chambre un dieu flamboyant, Ou quitter le monde et, hors de toutes les frontières, Rencontrer l’Adorable avec l’ardeur de son coeur, Elle devait colorer juste son espace, Sans jamais déserter la cabine de l’idée Ni transgresser la règle par de plus grands rythmes. Même en son essor dans l’air idéal, Le vol de la pensée ne pouvait s’égarer : Il traçait sur les cieux le modèle d’une fleur De beauté ordonnée et de lumière harmonique. Un esprit tempéré gouvernait la vie : ses actes Ou embraser la terre avec le Feu intérieur. Epithète châtiée dans la prose de la vie,

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Its acts were tools of the considering thought, Too cold to take fire and set the world ablaze, Or the careful reason's diplomatic moves Testing the means to a prefigured end, Or at the highest pitch some calm Will's plan Or a strategy of some High Command within To conquer the secret treasures of the gods Or win for a masked king some glorious world, Not a reflex of the spontaneous self, An index of the being and its moods, A winging of conscious spirit, a sacrament Of life's communion with the still Supreme Or its pure movement on the Eternal's road. Or else for the body of some high Idea A house was built with too close-fitting bricks; Action and thought cemented made a wall Of small ideals limiting the soul. Even meditation mused on a narrow seat; And worship turned to an exclusive God, To the Universal in a chapel prayed Whose doors were shut against the universe; Or kneeled to the bodiless Impersonal A mind shut to the cry and fire of love: A rational religion dried the heart. It planned a smooth life's acts with ethics' rule Or offered a cold and flameless sacrifice. The sacred Book lay on its sanctified desk Wrapped in interpretation's silken strings: A credo sealed up its spiritual sense.

Etaient des outils de la pensée pondérée, Trop froids pour prendre feu et enflammer le monde,

Ou des gestes diplomatiques de la raison Essayant les moyens à une fin escomptée,

Ou, à leur sommet, le plan d’un calme Vouloir, La stratégie d’une Haute Commande intérieure Pour conquérir les trésors que recèlent les dieux Ou gagner, pour un roi masqué, un monde glorieux, - Mais jamais un réflexe du soi spontané, Ni un indice de l’être et de ses états, Un envol de l’esprit conscient, un sacrement De communion vivante avec le Suprême, Son pur mouvement sur la route de l’Eternel. Ou bien, pour le corps de quelque Idée élevée Un logis était construit de briques trop serrées ; L’acte et la pensée, cimentés, faisaient un mur De petits idéaux qui limitaient l’âme. Etroit était le siège de la méditation, Et le culte s’adressait à un Dieu exclusif, Priant l’Universel dans une chapelle Dont les portes se fermaient contre le monde ; Ou, s’agenouillait devant l’Impersonnel Un mental hermétique au feu de l’amour : Une religion rationnelle asséchait le cœur. Elle planifiait la vie par la règle morale Ou offrait un sacrifice froid et sans flamme. Le Livre sacré gisait sur son pupitre Enveloppé par les soies de l’interprétation, Avec un credo pour sceller son sens intérieur.

Here was a quiet country of fixed mind,

C’était un calme pays de mental établi ;

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Here life no more was all nor passion's voice; The cry of sense had sunk into a hush. Soul was not there nor spirit but mind alone; Mind claimed to be the spirit and the soul.

Ici la vie, ni la passion, ne dominaient plus ; Le cri des sens avait sombré dans un silence. L’âme, ni l’esprit, n’étaient là : seulement le mental, Qui se proclamait lui-même l’esprit et l’âme. L’esprit se percevait comme un aspect du mental

The spirit saw itself as form of mind, Lost itself in the glory of the thought, A light that made invisible the sun.

Et se perdait dans la gloire de la pensée, Une clarté qui rendait le soleil invisible.

Into a firm and settled space she came Where all was still and all things kept their place. Each found what it had sought and knew its aim. All had a final last stability. There one stood forth who bore authority On an important brow and held a rod; Command was incarnate in his gesture and tone; Tradition's petrified wisdom carved his speech, His sentences savoured the oracle. “Traveller or pilgrim of the inner world, Fortunate art thou to reach our brilliant air Flaming with thought's supreme finality. O aspirant to the perfect way of life, Here find it; rest from search and live at peace. Ours is the home of cosmic certainty. Here is the truth, God's harmony is here. Register thy name in the book of the elite, Admitted by the sanction of the few, Adopt thy station of knowledge, thy post in mind, Thy ticket of order draw in Life's bureau And praise thy fate that made thee one of ours. All here, docketed and tied, the mind can know, All schemed by law that God permits to life. This is the end and there is no beyond.

Elle parvint dans un espace ferme, assuré, Où tout était quiet, toutes choses gardaient leur place. Chacune trouvait son but et savait son objet, Dans une stabilité ultime et finale. Là, se trouvait quelqu’un qui portait l’autorité Sur un front important et tenait un sceptre ; Son geste et son ton incarnaient la commande ; Une sagesse pétrifiée sculptait ses paroles, Ses phrases avaient la saveur de l’oracle. « Voyageuse ou pèlerine du monde intérieur, Tu es fortunée d’atteindre notre air éclairé Trouve-la, repose-toi de la quête ; vis en paix. Nôtre est le foyer de la certitude cosmique. Ici est la vérité, l’harmonie est ici. Enregistre ton nom dans le livre de l’élite, Admise par la sanction du petit nombre, adopte Ta station de connaissance, ton poste assigné, Retire ton coupon au bureau de la Vie Et loue ton destin qui te fit l’une des nôtres. Tout ici, répertorié, le mental peut savoir, Agencé par la loi que Dieu permet à la vie. Ici tout se conclue ; il n’y a pas d’au-delà. Par la suprême finalité de la pensée. O aspirante à la parfaite existence, ici

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Here is the safety of the ultimate wall, Here is the clarity of the sword of Light, Here is the victory of a single Truth, Here burns the diamond of flawless bliss. A favourite of Heaven and Nature live.”

Ici est la sécurité, l’ultime muraille, Ici est la clarté de l’épée de Lumière, Ici la victoire d’une unique Vérité, Ici brûle le diamant de la félicité. Vis ici, bénie par le Ciel et par la Nature. » Mais au sage trop satisfait et sûr de lui Savitri répondit, jetant dans son univers La vision libérée, la recherche du cœur, - Car ici le cœur ne s’exprimait pas : seul régnait Le jour froid de l’intellect, défini et précis - : « Heureux sont ceux qui dans ce chaos de choses, Ce va-et-vient des pas du Temps, peuvent trouver La Loi éternelle et l’unique Vérité : L’espoir ni le doute ni la peur ne les affectent. Heureux sont les hommes ancrés à une croyance Dans ce monde incertain et ambigu, Ou qui ont planté dans le riche terreau du coeur Une graine de certitude spirituelle. Heureux sont ceux pour qui la foi est un roc. Mais je dois poursuivre, laissant cet accomplissement, Le fruit rond de la Vérité, ferme et immuable, L’édifice harmonique de ce monde factuel, Cette connaissance ordonnée des choses visibles. Ici je ne puis rester, car je cherche mon âme. » Nul ne dit mot dans ce monde brillant et comblé ; Certains, sur leur chemin coutumier, se retournèrent, Etonnés d’entendre une question dans cet air Ou des pensées qui cherchaient encore l’Au-delà. Des passants pourtant, de sphères cousines, murmurèrent - Chacun par son credo jugeant ses paroles - :

But to the too satisfied and confident sage Savitri replied casting into his world Sight's deep release, the heart's questioning inner voice: For here the heart spoke not, only clear daylight Of intellect reigned here, limiting, cold, precise. “Happy are they who in this chaos of things, This coming and going of the feet of Time, Can find the single Truth, the eternal Law: Untouched they live by hope and doubt and fear.

Happy are men anchored on fixed belief In this uncertain and ambiguous world, Or who have planted in the heart's rich soil One small grain of spiritual certitude. Happiest who stand on faith as on a rock. But I must pass leaving the ended search, Truth's rounded outcome firm, immutable And this harmonic building of world-fact, This ordered knowledge of apparent things. Here I can stay not, for I seek my soul.”

None answered in that bright contented world, Or only turned on their accustomed way Astonished to hear questioning in that air Or thoughts that could still turn to the Beyond. But some murmured, passers-by from kindred spheres: Each by his credo judged the thought she spoke.

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“Who then is this who knows not that the soul Is a least gland or a secretion's fault Disquieting the sane government of the mind, Disordering the function of the brain, Or a yearning lodged in Nature's mortal house Or dream whispered in man's cave of hollow thought Who would prolong his brief unhappy term Or cling to living in a sea of death?”

« Qui donc est-ce là, qui ne sait pas que l’âme N’est qu’une glande ou un défaut de sécrétion Perturbant la règle raisonnable du mental, Désordonnant la fonction du cerveau, - un désir Logé dans l’abri naturel de l’homme mortel, Un songe chuchoté dans sa pensée caverneuse -, Qui voudrait prolonger son terme malheureux Ou s’accrocher à la vie dans un monde de mort ? » Mais d’autres, « Non, c’est son esprit qu’elle cherche. C’est le Saint-esprit du Mental qu’elle recherche, Mais nul n’a touché ses membres, ou vu son visage. Chaque âme est le Fils crucifié du divin Père, - Le Mental est son seul parent, sa cause consciente, Le sol sur lequel frémit une brève lumière, Le Mental, seul créateur du monde apparent. Tout ce qui est ici fait partie de nous-même, Nous avons créé ce monde où nous vivons. » Un autre encore, aux yeux mystiques, insatisfaits, Qui aimait sa croyance détruite et la pleurait : « Quelqu’un cherche-t-il encore un Au-delà ? Peut-il encore se trouver un chemin, une porte ? » Et ainsi s’en fut-elle, dans le silence du soi. A une route elle parvint qu’une foule ardente Parcourait, le feu aux pieds, le soleil dans les yeux, Pressée d’atteindre le mystérieux mur de ce monde Et ses entrées masquées dans le mental extérieur Où la Lumière ne vient pas ni la voix mystique, Une ombre splendide du nom de Dieu, Un lustre informe du domaine de l’Idéal,

But others, “Nay, it is her spirit she seeks. A splendid shadow of the name of God, A formless lustre from the Ideal's realm, The Spirit is the Holy Ghost of Mind;

But none has touched its limbs or seen its face. Each soul is the great Father's crucified Son, Mind is that soul's one parent, its conscious cause, The ground on which trembles a brief passing light, Mind, sole creator of the apparent world. All that is here is part of our own self; Our minds have made the world in which we live.” Another with mystic and unsatisfied eyes Who loved his slain belief and mourned its death, “Is there one left who seeks for a Beyond? Can still the path be found, opened the gate?” So she fared on across her silent self. To a road she came thronged with an ardent crowd Who sped brilliant, fire-footed, sunlight-eyed, Pressing to reach the world's mysterious wall, And pass through masked doorways into outer mind Where the Light comes not nor the mystic voice, Messengers from our subliminal greatnesses, Guests from the cavern of the secret soul.

Emissaires de nos grandeurs subliminales, Messagers de la caverne de l’âme secrète.

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Into dim spiritual somnolence they break Or shed wide wonder on our waking self, Ideas that haunt us with their radiant tread, Dreams that are hints of unborn Reality,

Dans notre torpeur spirituelle ils s’introduisent Ou versent la merveille sur notre état de veille, - Idées qui nous hantent de leur démarche radieuse, Songes qui sont des notes d’un Réel à venir, Etranges déesses aux yeux profonds et magiques, Dieux aux cheveux de vent, portant des harpes d’espoir, Grandes visions glissant comme des lunes dorées, Soleil de l’aspiration aux membres d’étoile, Emotions qui rendent sublime un cœur ordinaire. Et Savitri se mêlant à la foule glorieuse, Assoiffée du jour spirituel qu’ils portaient, Comme eux souhaita se hâter pour sauver le monde ; Mais elle retint la haute passion dans son cœur ; Elle devait d’abord découvrir son âme. Qui se sauvent eux-mêmes, peuvent seuls sauver les autres. Dans le sens contraire elle fit face à l’énigme : Eux, portant la lumière aux hommes souffrants, Se pressaient ardemment vers le monde extérieur ; Elle, tournait son regard vers la source éternelle. Ses mains tendues devant la foule elle s’écria :

Strange goddesses with deep-pooled magical eyes, Strong wind-haired gods carrying the harps of hope, Great moon-hued visions gliding through gold air, Aspiration's sun-dream head and star-carved limbs, Emotions making common hearts sublime.

And Savitri mingling in that glorious crowd, Yearning to the spiritual light they bore,

Longed once to hasten like them to save God's world; But she reined back the high passion in her heart; She knew that first she must discover her soul. Only who save themselves can others save. In contrary sense she faced life's riddling truth: Her eyes were turned towards the eternal source. Outstretching her hands to stay the throng she cried: “O happy company of luminous gods, Reveal, who know, the road that I must tread,— For surely that bright quarter is your home,— They carrying the light to suffering men Hurried with eager feet to the outer world;

« O heureuse compagnie de dieux lumineux, Révélez, qui savez, la route que je dois suivre, - Car sûrement vous venez de ce brillant quartier - Pour trouver le lieu de naissance du Feu occulte Et la maison profonde de mon âme secrète. » L’un répondit, désignant un lieu de silence Sur une extrémité reculée du sommeil, Loin dans les distances du monde intérieur : « O Savitri, nous venons de ton âme cachée. Nous sommes les messagers, les dieux occultes

To find the birthplace of the occult Fire And the deep mansion of my secret soul.”

One answered pointing to a silence dim On a remote extremity of sleep In some far background of the inner world. “O Savitri, from thy hidden soul we come. We are the messengers, the occult gods

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Who help men's drab and heavy ignorant lives To wake to beauty and the wonder of things Touching them with glory and divinity; In evil we light the deathless flame of good And hold the torch of knowledge on ignorant roads; We are thy will and all men's will towards Light. O human copy and disguise of God Who seekst the deity thou keepest hid And livest by the Truth thou hast not known, Follow the world's winding highway to its source. There in the silence few have ever reached, Thou shalt see the Fire burning on the bare stone And the deep cavern of thy secret soul.” Then Savitri following the great winding road Came where it dwindled into a narrow path Trod only by rare wounded pilgrim feet. A few bright forms emerged from unknown depths And looked at her with calm immortal eyes. There was no sound to break the brooding hush; One felt the silent nearness of the soul.

Qui aident les vies pesantes des hommes A s’éveiller à la merveille des choses Par le toucher de la gloire divine ;

Dans le mal nous embrasons la flamme du bien, La torche de la connaissance dans l’ignorance ; Nous sommes l’élan de tous vers la Lumière. O copie humaine et masque de Dieu, qui cherches La déité que toi-même dissimules, et vis Par la Vérité que tu n’as pas reconnue, suis La grande voie sinueuse du monde à sa source. Là, dans le silence que peu ont jamais atteint, Tu verras le Feu brûlant sur la pierre nue Et la caverne profonde de ton âme. »

Alors Savitri suivant la route sinueuse Parvint où elle devenait un étroit sentier

Que foulaient, leurs pieds blessés, de rares pèlerins. Emergeant de fonds inconnus, des formes radieuses La regardèrent, avec de calmes yeux immortels. Il n’y avait aucun son pour rompre le silence ; L’on ressentait la proximité de l’âme.

Fin du Chant Trois

End of Canto Three

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