La Presse Bisontine 163 - Mars 2015

LES NOUVEAUX VISAGES DE LA VIE PUBLIQUE

La Presse Bisontine n° 163 - Mars 2015

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BESANÇON

Mina Sebbah

La solidarité est dans son A.D.N. Elle est prête à héberger quelqu’un chez elle pour lui éviter de dormir dehors, à se lever la nuit

pour aider une personne en détresse qui l’appelle. Mina Sebbah est comme cela : généreuse et spontanée. Rencontre avec une conseillère municipale d’opposition qui n’est pas tout à fait comme les autres.

N’ y voyez pas de la faus- se pudeur ou de la timidité maladive. Mina Sebbah est dis- crète de nature, voilà tout. Si elle n’éprouve pas le besoin de par- ler d’elle, elle savait au fond qu’en mettant un pied en politique son anonymat tomberait. Désormais élue au conseil municipal sur le banc de l’opposition, elle s’accommode malgré tout de sa nouvelle vie publique sans recher- cher à tout prix la compagnie des médias. C’est avec retenue et sincérité que cette femme de 53 ans accep- te de lever un coin du voile sur son parcours de vie, sur les com- bats qu’elle livre au quotidien et qui l’ont amenée à s’engager aux côtés de Jacques Grosperrin lors des dernières élections munici- pales. “J’ai beaucoup de respect pour Jacques qui est venu me chercher” dit-elle avec bien- veillance avant d’ajouter : “Je n’appartiens à aucun parti. Je suis de la société civile !” Il n’est en effet pas nécessaire d’être affu- blé d’une étiquette politique pour

se tourner vers les autres com- me elle le fait depuis de longues années. “La solidarité n’est pas une affaire de droite ou de gauche. Il faut d’abord être humain et agir en tant qu’humain. Il ne faut pas avoir peur de tendre la main vers l’autre.” En l’écoutant, on serait curieux de voir quelle politique solidai- re Mina Sebbah mènerait à Besançon si elle était élue de la majorité ? Mais voilà, le verdict des urnes en a décidé autrement en mars dernier. C’est le jeu de la démocratie qu’elle accepte bien

volontiers. “Ce n’est pas exactement le rôle que j’attendais. Mais je suis conseillè- re municipale.Même si je suis dans l’opposition, ce n’est pas rien. Je porte avec mes collègues la voix de mes conci- toyens, c’est le plus important. Même en étant à cette place, je suis en capacité de défendre leurs inté-

“Être le plus efficace possible.”

Mina Sebbah a un grand respect pour sa fonction d’élue. Même si elle est dans l’opposition, elle estime porter la voix de ses concitoyens.

rêts” insiste Mina Sebbah qui avoue son profond respect pour la fonction qu’elle occupe d’élue de la République. Cette conception très droite de la poli- tique est un héritage de son père qui a quitté le Maroc pour venir s’installer à Gray avec sa famille. Cet homme cha- rismatique, “plein de convictions” ,

employé dans l’aéronautique, était également féru d’horlogerie. “C’est avec lui que j’ai découvert Besançon. J’avais treize ans à l’époque. Je suis tombée sous le charme de cette ville.” La majo- rité venue, Mina Sebbah ne s’y installera pas immédiatement. Elle voyagera, vivra un temps en Suisse, puis dans le Nord, avant d’emménager durable- ment à Besançon en 1997. Pen- dant toutes ces années, et c’est vrai encore aujourd’hui, sa soif de solidarité ne l’a jamais quit- tée, que ce soit dans ses diffé- rentes missions professionnelles en milieu hospitalier et plus récemment à la Direction de l’autonomie du Conseil général du Doubs, que dans sa façon d’être au quotidien. Cette ouver- ture aux autres est un hérita- ge de sa mère. “La solidarité était dans l’A.D.N. de la cellule familiale. Ma mère faisait par- tie de diverses associations. Elle s’est toujours rendue disponible pour les autres. C’est un trait de caractère qu’elle m’a transmis dès mon plus jeune âge.” À Besançon, “Madame Mina” est connue des plus démunis, des personnes en galère, des écorchés de la vie frappés de précarité. Elle agit pour eux à travers l’association C.E.E. (Cul- ture Éducation Épanouissement) dans laquelle elle milite en tant que bénévole depuis une quin- zaine d’années. Par altruisme, elle peut héberger une person- ne chez elle pour lui éviter de dormir dans la rue. Elle peut se lever en pleine lui pour aller aider une autre en détresse qui l’appelle au téléphone et la conduire à l’hôpital. Elle peut remuer et ciel et terre pour trou- ver du matériel de puéricultu- re à de jeunes parents. Lors- qu’elle est revenue à Besançon en 1997, elle s’est émue d’un groupe d’étudiants qui avait des difficultés à se loger. Alors avec quelques autres, elle s’est déme- née pour trouver une solution provisoire d’hébergement.

À Noël, dans son petit apparte- ment de Saint-Ferjeux, elle a accueilli une vingtaine de convives, dont beaucoup n’auraient eu nul- le part ou aller si elle ne leur avait pas ouvert sa porte. Mina Sebbah est comme ça, spon- tanée et généreuse. Mais toujours discrète dans l’action qu’elle mène. “Je n’ai pas l’habitude de parler de cela” confie-t-elle un peu gênée avant d’ajouter : “J’essaie d’être le plus efficace possible plutôt que de parler pour ne rien dire.” Dans les quartiers de Besançon qu’elle sillonne, elle croise au quotidien des gens de tous les âges qui ont besoin d’aide. Lorsqu’on lui deman- de ce qui la pousse à faire tout cela, elle répond. “Trop de jeunes sont perdus aujourd’hui, délais- sés. On ne leur donne pas la pos- sibilité de se sentir utile. C’est très important de prêter de l’attention à une personne en difficulté, de lui donner de l’importance. Quelle que soit sa situation, un être humain a toujours sa fierté et sa dignité. Il ne faut pas avoir peur de ces gens-là. Parmi eux, il y en a qui sont issus de bonnes familles.Mal- heureusement, la vie a fait qu’ils se retrouvent dans une situation difficile. Personne n’est à l’abri. Si chacun d’entre nous faisait juste un petit geste de temps en temps, on éviterait quelques drames. Essayons de tirer vers le haut une personne en difficulté plutôt que l’enfoncer un peu plus en l’ignorant. C’est tellement gratifiant de voir quelqu’un qu’on a épaulé un temps reprendre goût à la vie” remarque Mina Sebbah. Lorsqu’elle était plus jeune, elle pensait naïvement que tout le monde avait comme elle, la main sur le cœur. Avec le temps et l’expérience, confrontée à la réalité du monde, elle a déchanté sans se résigner.Aujour- d’hui, elle passe pour une extra- terrestre aux yeux de ses proches. Pourtant, alors que l’empreinte de l’individualisme et de l’indifférence marque ce début de siècle, la solidarité aurait un visa- ge plus humain s’il y avait un peu plus de “Madame Mina”. T.C.

Bio express Née le 9 septembre 1962 Vit à Gray 1983 : S’installe en Suisse et travaille dans le milieu hospitalier 1997 : S’installe à Besançon 2000 : Rejoint l’association C.E.E. qui fonctionne sans subventions 2000-2009 : Travaille au Conseil général du Doubs 2014 : S’engage en politique sur la liste de Jacques Grosperrin aux élections municipales. Elle est élue dans l’opposition

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