La Presse Bisontine 163 - Mars 2015

La Presse Bisontine n° 163 - Mars 2015

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Oui à l’arme à feu, mais cela ne réglera pas tout Réaction Police municipale À Besançon, les policiers municipaux demandent à être équipés d’une arme à feu. Selon eux, elle est devenue nécessaire pour les aider à assurer leur mission au quotidien.

F aut-il armer les policiers muni- cipaux ? Depuis les attentats de janvier lors desquels une policière municipale a été tuée et un agent de surveillance de la voie publique (A.S.V.P.) a été grièvement blessé, les mairies s’interrogent un peu

villes qui ont décidé d’équiper leurs agents. À Besançon, le sujet question- ne les élus mais aucune décision n’a été prise, et aucune démarche ne sera enga- gée en ce sens dans la précipitation. De leur côté, les policiers municipaux ont déjà tranché le débat. “Oui nous demandons à être armés. Lorsqu’on parle d’arme, on parle bien d’armes à feu !” annoncent des représentants du S.N.P.M. de Besançon (syndicat natio- nal de la police municipale). Ils ajou- tent : “La municipalité nous a dotés de gilets pare-balles. Elle reconnaît ainsi que l’on court des risques dans le cadre de notre travail.” Souvent, les policiers municipaux qui sillonnent les quartiers et les zones sensibles dans le cadre de leur mis- sion de tranquillité et de sécurité publique sont confrontés à des situa- tions violentes dans lesquelles ils se sentent en danger. “Récemment, nous avons été envoyés sur un rodéo à proxi- mité d’un lycée. Lorsqu’on s’est appro- ché, un type a brandi une arme. Nous nous sommes retirés. De toute façon, nous n’avions pas les moyens de ripos- ter. Dans ces moments-là, on se sent véritablement impuissants. La nou- veauté, c’est qu’avant on craignait qu’un délinquant sorte un couteau face à nous, maintenant on redoute qu’il sorte une arme à feu. On sait qu’il y a des tra- fics d’armes à Besançon. Il y a une mon- tée en puissance dans la violence. La municipalité que nous avons alertée a pris lamesure du problème. Nous atten- dons les actes” observent des policiers municipaux. Quand ils passent aux

partout en France. Elles n’évitent plus le débat. Dans certaines villes, il est même déjà tranché comme à Nice où les policiers municipaux portent une arme à feu à la ceinture comme 43 % de leurs collègues en France. Cela ne saurait tarder àMetz et àTarbes, deux

l’on protège les autres, si nous ne sommes pas nous-mêmes en sécurité ? À tout moment on peut avoir besoin d’une arme pour s’extraire d’une situation délicate. Mais l’armement des policiers municipaux doit être une étape d’un processus à engager pour faire évoluer la société. Cela ne peut pas être la solu- tion à tout. Il faut plus de justice, plus d’éducation. Il faut agir sur les parents, dans les écoles, sensibiliser et travailler dans la proximité.” Dans l’esprit des policiers municipaux en prise directe avec le terrain, le débat a dépassé depuis longtemps celui de l’arme à feu. Il est politique et sociétal. T.C.

408, à Battant, à Planoi- se, en voiture comme en moto, il n’est pas rare qu’ils essuient des jets de pierres. “Dès que l’on met notre tenue, on peut consi- dérer que nous devenons des cibles. Ils en veulent à l’uniforme que vous soyez policier municipal, A.S.V.P., gendarme, ou

“L’arme assoit l’au- torité.”

Police nationale” précise le S.N.P.M. S’ils sont favorables à l’armement des policiers municipaux, les représen- tants syndicaux savent que cela ne réglera pas tout. “Mais l’arme assoit l’autorité ! Comment voulez-vous que

Les policiers municipaux ne portent pas d’arme à feu à la ceinture. Ils se sentent démunis lorsqu’ils doivent intervenir sur des situations violentes.

Police nationale

Un manque de moyens

“Nous n’avons pas signé pour nous faire tuer”

Sur le terrain, les agents de la Police nationale espèrent que l’État va les doter de moyens supplémentaires après les attentats du 7 janvier. Malheureusement, ils constatent que la réforme pénale va à l’encontre des intérêts qu’ils défendent.

L es agents de la Police natio- nale sont armés. Sont-ils plus en sécurité lorsqu’ils sont en mission ? Non. Ils connaissent leur vulnérabilité face à des délin- quants qui peuvent être équipés de fusils de guerre de type Kalachnikov. Ils savent qu’ils n’hésiteront pas à en faire usage. “Il y a eu quatre règlements de compte par arme à feu à Besançon en 2014 pour des problèmes de drogue. Ces gens sont bien installés, armés, organisés. Il ne faut pas y aller avec des fusils à bouchon ! Vu la montée de la violence et des armes qui circulent y compris ici, il faut réagir” insiste Thierry Silvand du syndicat F.P.I.P. (fédération professionnelle indépen- dante de la police). “Nous n’avons pas signé pour nous faire tuer” complète Arnaud Masson du syndicat Alliance. Il n’y a pas de zone de non-droit à Besançon, la police va partout, “mais nous sommes plus méfiants. On sait par exemple que dès qu’on intervient aux 408, nos voitures seront ensuite

Arnaud Masson et

caillassées et les poubelles brûlées.” Alors qu’en France la cote d’amour pour la police est en hausse depuis les attentats de janvier, les fonctionnaires attendent maintenant que l’État leur donne les moyens d’agir sur le terrain. “En trente ans, on a paupérisé la poli- ce en terme d’effectifs, de matériel, de locaux, de salaire. Cela fait trente ans qu’on subit. Arrêtons de tergiverser. Il faut qu’on nous donne les moyens d’agir. La décision n’est que politique” disent-ils.

Thierry Silvand,

représentants des syndicats de police estime que depuis 30 ans l’État a laissé se paupériser la police.

“Nous ne demandons

Le souhait des policiers est que l’arsenal judi- ciaire change pour que les délinquants se sen- tent enfin en insécuri- té, ce qui n’est pas le cas actuellement. Ils sou- haiteraient une réforme de la règle de la légiti- me défense qui définit le cadre dans lequel les policiers peuvent faire usage de leur arme.

inférieur ou égal à 5 ans et qui encou- rent l’emprisonnement pourra, au titre de la contrainte pénale, éviter la pri- son sous certaines conditions. “Ce seuil sera porté à 10 ans à partir du 1 er jan- vier 2017 soupirent les représentants des syndicats de police. L’objectif est- il de n’envoyer plus personnes en pri- son ? Tout cela se fait au détriment de l’intérêt des citoyens et des victimes.” T.C.

de la légitime défense, c’est tout une culture qu’il faut changer pour casser le sentiment d’impunité qui habite les délinquants “et qui naît de l’organi- sation même de notre système.” Mal- heureusement, les syndicats de poli- ce estiment que la réforme pénale portée par la ministre Christiane Tau- bira va à l’encontre des intérêts qu’ils défendent. Elle prévoit entre autres qu’un individu condamné pour un délit

“Nous ne demandons pas un permis de tuer.Mais si les délinquants savaient que l’on peut faire usage de notre arme au bout de deux sommations, cela chan- gerait déjà beaucoup de choses” tem- pèrent Arnaud Masson et Thierry Sil- vand. Éric Ciotti, le député U.M.P. des Alpes-Maritmes a d’ailleurs déposé une proposition de loi en ce sens à l’As- semblée Nationale. Mais au-delà de cette évolution autour

pas un permis de tuer.”

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