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L’AVIS D’EXPERT

Dr Nathalie Rapoport-Hubschman médecin psychothérapeute “ Chacun

doit assumer sa part de responsabilité ” Il y a à la fois des injonctions de la société et une internalisation très forte des femmes selon lesquelles elles doivent tout faire bien, avec des standards très élevés. Ce schéma est encore très prégnant. Pour sortir de cette problématique, les proches doivent prendre leur part de responsabilité. Certes, les femmes doivent l’accepter, mais aux autres aussi de prendre en charge un partage du travail de façon différente ! Il faut mettre les choses à plat, répartir les responsabilités, surtout à la maison où les tâches se font souvent spontanément. Faire des listes très concrètes, en anticipant très tôt, avant même d’avoir des enfants. Qui va faire quoi ? Quels sont les compétences et les goûts

de chacun ? Ce sont des discussions essentielles.

manifeste son mécontentement. Depuis quelque temps, elle me dit qu’elle ne tiendra pas le coup. Elle se plaint du dos, des genoux, mais elle ne change rien à son comportement. Je crois qu’elle a besoin de susciter l’admiration de son entourage pour se sentir bien. Volontairement, je ne la complimente plus pour son “multitâchisme” frénétique. De même que je ne réagis plus quand elle se plaint, ou alors je lui dis juste : « Tu connais le remède. » Cette petite phrase a le don de la mettre hors d’elle. Elle me dit que c’est trop facile de récolter les lauriers de tout ce qu’elle fait. Au début, je ne supportais pas ces arguments, que je trouvais injustes et blessants ; maintenant, je sais qu’elle cherche à me provoquer, Je lui ai fait une petite compilation d’articles sur la “charge mentale”, elle a ri en disant que cela n’avait rien à voir avec elle. Je lui ai parlé

du burn-out qui n’arrive pas seulement au travail, mais qui frappe aussi la famille. Enfin, je lui ai signalé que le fait de ne pas savoir déléguer est le propre des mauvais patrons. Elle l’a très mal pris et m’a rétorqué que je n’y connaissais rien puisque je ne gère personne d’autre que moi. C’est vexant pour nous Elle a toujours réponse à tout. J’ai quand même réussi à la convaincre des bienfaits d’une petite sieste dominicale, elle y consent depuis quelques mois. Comme je la vois perdre de l’énergie, j’ai décidé de faire le marché seul le samedi matin pendant qu’elle range la maison. Je m’occupe des repas du samedi et, quand nous recevons, je mets la main à la pâte. Mais j’ai du mal à supporter la pression qu’elle nous impose. Récemment, je lui ai fait remarquer qu’elle préférait se fatiguer à la tâche, râler, plutôt

que de perdre son pouvoir, parce qu’au fond, tout cela n’est qu’une question de pouvoir. Elle a nié en bloc et m’a répondu que j’avais l’esprit retors pour avancer ce genre d’arguments, mais j’ai bien vu qu’elle était pensive. Je lui ai aussi expliqué que sa volonté de tout faire, tout contrôler, de ne rien déléguer était assez vexante pour son entourage, pour moi, pour sa mère, pour ses collègues. C’était comme de nous dire en permanence que nous ne sommes pas à la hauteur. Elle est tombée des nues car elle n’avait jamais vu les choses sous cet angle. Elle n’a pas cherché à se justifier, mais je sens que quelque chose a bougé en elle. Désormais, elle me complimente pour mes repas sans ajouter que j’aurais dû faire comme ceci ou comme cela. Des détails, certes mais je sens que les choses commencent à bouger.

MA BIBLIO Les barrières invisibles dans la vie d’une femme, Dr Nathalie Rapoport- Hubschman. Éd. Albin Michel, 16 €, format Kindle 10,99 €.

JOANNA GNIADY / CREASENSO POUR SANTÉ MAGAZINE

137 SANTÉ MAGAZINE I Janvier 2019