La Presse Bisontine 99 - Mai 2009

SPORT

La Presse Bisontine n°99 - Mai 2009

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BESANÇON Champion du Monde sur piste Kneisky, prophète en son pays Champion du monde de cyclisme sur piste depuis un mois, le Bisontin Morgan Kneisky a été reçu triomphalement à la gare Viotte lors de son retour. Instants de bonheur.

La famille réunie autour de son champion : Marine la sœur, Gisèle la maman et Mar- tial, le papa. Morgan Kneisky improvise une séance de dédicaces lors de son retour à

la gare Viotte de Besançon.

22 h 29 à la gare de Besançon-Viot- te. GisèleKneisky attend le cœur ser- ré un T.G.V. en provenance de Lille- Europe. C’est dans celui-ci que le nouveau championduMondede cyclis- me sur piste est installé. Ce cham- pion duMonde,ce n’est pas n’importe lequel : “C’est lemien” lâche lamaman, complètement stressée à l’idée de pouvoir enlacer son champion de fils après avoir assisté à son immense exploit sur l’écran télé. Le 26mars dernier, le BisontinMor- gan Kneisky a en effet remporté la course scratch des championnats du mondede cyclisme sur piste enPologne en devançant notamment Mark Cavendish.Depuis, tout s’est enchaî- né pour la petite famille. Coups de téléphones,messages de sympathie, réceptions… les Kneisky n’ont pas eu une minute. La preuve lors du retour de Morgan : une fois le pied posé à la gare Viotte, un immense comité a accueilli en grande pompe

le champion. Il y avait bien évidem- ment la famille : Martial, le papa, Marine, la petite sœur, Denise - la mamie -, l’oncle, les amis, les anciens coéquipiers de l’Amicale cycliste bison- tine, les représentants du comité régional du cyclisme franc-comtois et ses anciens entraîneurs. Plus de cent cinquante personnes. Parmi elles : le “Belge”. Sous ce surnomse cache Pierre-Yves

l’erreur est effacée !” concèdePierre-YvesBor- dy heureux. À l’inverse d’avoir effa- cé quoi que ce soit,le jeu-

ne Bisontin de 21 ans a écrit une immense ligne à sonpalmarès.Aujour- d’hui, le gosse du quartier Saint-Clau- de arrivé au vélo en suivant la trace de son père Martial est dans le pelo- ton des grands, très grands : “Je n’en reviens toujours pas. Il faut encore que je regarde la cassette vidéo de ma course pour me rendre compte” lâche le cycliste le plus au rapide au mon- de en scratch (course de 15 km) dont la première fan est Marine, sa peti- te sœur (19 ans). Pour l’occasion, un fan-club s’était rassemblé avec pan- cartes, maillot floqué avec la photo du champion et cartes dédicacées. “On a fait 200 cartes dédicacées car beaucoup de personnes en voulaient” calcule Martial, le papa, ancien cou- reur amateur.

Un Bisontin champion du Monde de cyclisme sur piste,il fallait remon- ter à 1948 avec le titre obtenu par Jean-JacquesLamboleypour retrou- ver tel exploit. Cinquante et un an plus tard,MorganKneisky l’a fait. La récompense d’un long travail… qui ne fait que débuter. Actuellement en B.T.S. de mana- gement des unités commerciales à Chambéry, il a intégré l’équipe pro- fessionnelleAG2R. Son autre rêve - devenir professionnel - lui tend les bras. E.Ch.

Bordy, le premier entraîneur deMorgan, celui qui a fait décou- vrir la piste, celui qui a taillé cediamant brut devenu aujourd’hui une pierre précieuse. L’homme se disait heu- reux “pour le gamin.” “Le rêve de Morgan était de devenir cham- pion de France…Il est champion duMonde : on peut dire que

51 ans après Jean- Jacques Lamboley.

Le fan-club de Morgan Kneisky.

Julien Pinot, un de ses amis, arrose le champion du monde à son arrivée.

LA POLÉMIQUE Les pistards Un champion du monde orphelin Depuis 2000 et la démolition du vélodrome par la ville de Besançon, les pistards bisontins sont contraints à l’exil. La rancœur est encore grande.

Au temps du vélodrome de Besançon. Ici, en 1989.

D ans sa chambre, Morgan Kneisky aurait gardé religieusement deux bouts de ciment, deux miettes de la piste Léo-Lagrange en souvenir du vélodrome détruit en 2000. Si le vélodrome est passé de vie à trépas, Morgan, lui, est entré dans une nouvelle vie. Pour autant, certains ne décolèrent pas dʼavoir vu le site être rasé au profit du football. Pierre-Yves Bordy, lʼentraîneur des pistards de lʼAmicale cycliste bisontine fait partie de ceux-là. “Un champion du monde de piste à Besançon alors qu’il n’y a même plus de vélodrome, c’est fort quand même” ironise Pierre-Yves Bordy, dit le “Belge”. De son côté, Bruno Jeannin, père de Mickaël (double champion de France espoir de piste) se montre désabusé : “Quand j’ai inscrit mon fils au club, Monsieur Fousseret avait pro- mis à moyen terme de reconstruire un nouveau site… Je crois que ça fait un bout de temps qu’il est élu, et nous n’avons toujours pas vu la cou-

leur.” Du coup, son fils - comme Morgan - a enchaîné les kilomètres pour aller sʼentraîner soit sur les vélodromes dʼAigle (Suisse), Lyon, Dijon, Genè- ve, Bordeaux… Des heures de route pour parfois ne jamais monter sur un vélo. “S’il pleuvait, on ne pouvait pas s’entraîner” , note Pierre-Yves Bordy qui rentrait avec ses protégés vers une heure du matin après les courses. Aujourdʼhui, ce titre mondial est vécu comme une revanche même si la rancœur est toujours ancrée. “Vincent Fuster - alors chargé des sports - vou- lait un stade à l’anglaise. Du coup, il a éjecté les pistards. Besançon joue Atout sports, peut-être, mais d’une façon ségrégationniste” note M.. Bor- dy. Cʼest tout le paradoxe : un titre planétaire vient auréoler le prestige dʼune ville qui a sabordé son vélodrome. Pourtant, Dieu sait que lʼanneau a accueilli des seigneurs de la petite reine. Il y eut

le Bisontin Jean-Jacques Lamboley, champion du monde en 1948 mais surtout Jacques Anque- til, venu battre en 1967 le record de lʼheure (il échoua de peu). Le site accueillit aussi dix arri- vées dʼétape du Tour de France et les cham- pionnats du monde organisés en 1980. Dans son atelier, lʼAmicale cycliste a dʼailleurs

gardé ses anciennes montures. Séquence nos- talgie. Aujourdʼhui, Ornans aimerait créer un tel espace, voire la commune de Châtillon-le-Duc. Une chose est claire : avec son titre, Morgan a suscité des passions… et fait renaître de vieux démons. Personne ne sʼen plaindra.