La Presse Bisontine 121 - Mai 2011

LE DOSSIER

La Presse Bisontine n° 121 - Mai 2011

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HORLOGERIE : Besançon à la recherche du temps perdu

Dans le petit monde politico-économique local, on se prend à rêver : et si Besançon retrouvait le lustre horloger qu’il avait perdu lors du naufrage de cette industrie qui a fait résonner le nom de la capitale comtoise dans le monde entier, époque bénie où Besançon comptait des horlogers par milliers ? L’arrivée récente à Besançon de l’atelier d’assemblage de la prestigieuse marque Louis Leroy, l’agrandissement annoncé des locaux de Breitling qui assure ici tout son service après-vente, la présence de Festina, la renaissance du poinçon à la tête de vipère à l’observatoire, la création d’une filière ingénieur à l’E.N.S.M.M. ou encore l’obstination et la créativité de quelques entreprises horlogères locales qui ont fait de la résistance : voilà autant d’indices qui tendent à montrer que Besançon a aujourd’hui la capacité, et surtout l’envie, de redonner ses lettres de noblesse à une industrie horlogère qu’elle croyait définitivement perdue. Besançon y croit. Il faut maintenant que les actes accompagnent cette belle volonté. Dossier.

Celle qui fut longtemps la capitale incontestée de l’horlogerie se met à nouveau à rêver d’une industrie horlogère florissante. La renaissance des montres Leroy, l’extension de Breitling, le déve- loppement de la formation… Les premiers signes du renouveau ? Un millier d’emplois Besançon reprend espoir ÉCONOMIE

“B onjour, je suis la per- sonne chargée par Miguel Rodriguez, le P.D.G. du groupe Festina, de relancer la marque Louis Leroy qu’il a rachetée il y a deux ans. Je peux vous parler 5 minutes ?” Finalement, Guillaume Tripet restera près de 3 heures au cabinet du mai- re de Besançon. C’était il y a trois ans et demi. Depuis, lamai- rie de Besançon s’est prise à rêver. Et si la capitale franc- comtoise redevenait une capi- tale de l’horlogerie ? Bien sûr, ne rêvons pas, jamais plus aucu- ne usine fera travailler 3 500 personnes comme Kelton-Timex à la grande époque, ni même 1 000 personnes comme Lip ou même 350 commeYéma. Le chal- lenge est ailleurs. Quoique… À l’heure où l’horlogerie suisse triomphante produit toujours plus, au risque peut-être de voir se multiplier à l’excès les marques estampillées du “Swiss made”, le label “Besançon-Fran- ce” a peut-être une carte à jouer. C’est en tout cas sur cet élément de distinction que mise la marque Louis-Leroy, installée depuis peu dans les locaux du Cétéhor avenue de l’Observatoire pour son activité d’assemblage. “La marque Leroy créée à la fin

liers d’assemblage de Louis Leroy (les mouvements sont fabriqués en vallée de Joux suis- se) qui a ouvert ses portes en décembre dernier. Il y a unmois, à Bâle, la toute première montre L.Leroy assemblée à Besançon a été vendue (150 000 euros) et livrée à un client monégasque. L’objectif de Leroy serait de fabri- quer et d’assembler “entre 300 et 500montres par an.” Une dou- zaine d’horlogers travaillant sous la houlette de l’horloger d’origine bisontine Bruno Laville s’y emploient depuis décembre 2010. Le retour de Louis Leroy à Besançon (lamarque y était pré- sente jusqu’en 1954) est chargé de symboles, plus que d’emplois pour l’instant. Mais c’est aussi sur un autre atout que mise la ville : son observatoire, qui est un des trois seuls centres au monde à pouvoir délivrer le cer- tificat de “chronomètre” à une montre (les deux autres centres officiels sont en Suisse et enAlle- magne), avec le fameux poinçon à la tête de vipère (voir en page 21). “Avec l’image de Besan- çon qui reste très ancrée à l’extérieur de la région, avec l’observatoire de Besançon, avec le coût et la qualité de la main- d’œuvre locale, nous avons vrai-

du XVIII ème siècle a servi les plus grands clients du monde. Miguel Rodriguez a rache- té en 2004 son nom, mais aussi toutes ses archives, d’une valeur inestimable. C’est ainsi que chez Louis Leroy on connaît précisé- ment à qui ont été vendues les

“Entre 300 et 500

montres par an.”

Il y a un mois à Bâle, le maire de Besançon a fait un discours devant les chefs d’entreprises et le monde économique pour vanter à nouveau le savoir-faire horloger bisontin.

montres pendant plus de 200 ans et on possède tous les certi- ficats d’authenticité. Derrière cette marque, il y a toute l’histoire qui l’accompagne. Concevoir des montres à complication, de nom- breuses entreprises savent le fai- re. Mais des marques chargées d’une telle histoire, il n’y en a pas 36, il n’y en a que deux au monde : Breguet et L. Leroy. L’accueillir à Besançon, c’est plus qu’un symbole” s’enthousiasme Didier Sikkink, un proche col- laborateur de Jean-Louis Fous- seret qui suit de près ce dossier. C’est au salon de Bâle en 2009 que le projet Leroy à Besançon prend forme suite à la rencontre entre le maire et Miguel Rodri- guez. Le dossier mûrit, pour aboutir un an et demi plus tard à l’installation officielle des ate-

çait qu’il avait demandé aux ser- vices économiques de l’agglomération de “créer les conditions propices à la mise en œuvre d’un début de cluster de sous-traitants horlogers avec une offre de territoire qui soit attrac- tive, pour faciliter l’émergence de fournisseurs qui manquent en ce moment à l’industrie hor- logère.” Et si c’était donc du côté de la sous-traitance, voire du service après-vente qu’il fallait entre- voir l’avenir de l’horlogerie à Besançon ? Festina, mais aussi Breitling (voir en page 22), Tis- sot ou encore Audemars-Piguet sont présents à Besançon à tra- vers des unités de S.A.V. Fata-

lement, avec la hausse expo- nentielle du nombre de montres vendues dans le monde chaque année, fussent-elles suisses, le nombre de montres en S.A.V. augmentera proportionnelle- ment. Avec les entreprises présentes - horlogers indépendants, ate- liers de réparation, grandes uni- tés de S.A.V., Maty, etc. - l’horlogerie bisontine emploie pour l’instant un petit millier de salariés. Bien loin des chiffres record des années soixante-dix. Mais le frémissement est per- ceptible. Tout le monde se prend à rêver que ce n’est qu’un début.

ment les meilleurs atouts pour que l’horlogerie se développe à nouveau à Besançon” estime-t- on à la mairie de Besançon. Ce n’est pas un hasard si le mai- re de Besançon s’est à nouveau déplacé à Bâle le mois dernier

avec sous le bras la plaquette inti- tulée “Besançon, cœur et âme de l’horlogerie” dis- tribuée pour l’occasion aux grands patrons horlogers, suisses notamment. Dans son discours bâlois, Jean-Louis Fousseret annon-

“Un cluster de sous- traitants horlogers.”

J.-F.H.

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