Journal C'est à Dire 141 - Février 2009

D O S S I E R

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Deux tiers des nouveaux chômeurs seraient frontaliers Le point du côté des frontaliers

Intolérance Sylvette, l’antifrançaise Connue pour ses actions contre les frontaliers, Syl- vette du Col des Roches voudrait supprimer l’accès aux parkings gratuits pour les Français venant travailler au Locle. Démence ou volonté de faire parler d’elle ? E lle dit être connue comme le “loup blanc” au Col des Roches. Sylvette, de son prénom, est Suisse et réside au Locle. Les Français traversant la frontière connaissent ce bout de femme pour ses manifestations ponctuelles au pied du coq français. “Je me place à la frontière et je bloque tout le mon- de” s’amuse l’étrange personnage qui fait figure d’intégriste. Et elle le revendique : “Les Français prennent le travail aux Suisses, à nos jeunes” dit cette militante du “non” à la pro- longation des accords bilatéraux. Problème, ses compatriotes ont voté oui en majorité. À l’heure de la crise, elle se frotte néanmoins les mains : “Il y a un an, j’avais annoncé cette déri- ve” souffle Sylvette. Elle a d’ailleurs sorti un C.D. dont les chants incitent les Suisses à se lever contre les Français. Sou- vent prise “pour une folle” , elle dit avoir aujourd’hui de la “cré- dibilité” en se lançant dans la politique sous “ la bannière U.D.C. (N.D.L.R. : Union démocratique du centre)” . Un de ses projets : que les Français ne puissent plus utiliser les places blanches (parking gratuit) au Locle. “On veut lancer un référendum. Les Français arrivent tôt le matin. Ils prennent nos places” s’emporte la dame. Et d’ajouter : “Les frontaliers n’ont pas changé leurs habitudes. Il n’y a pas de covoiturage et pas plus de personnes ne prennent le train. Il y a toujours autant de bouchons le soir”. Bien sûr, elle n’a aucun pouvoir de voir sa requête aboutir même si elle dit “avoir le bras long”. Mais il ne suffit pas d’avoir les bras, il faut de la force d’esprit…

Président de l’Amicale des frontaliers, Alain Marguet s’élève contre les fausses idées et les chiffres annoncés. “Arrêtons de fabuler” dit-il, et “que le Pôle emploi annon- ce la couleur !”, alors que le Groupement Transfronta- lier Européen est, lui, beaucoup plus pessimiste. Deux sons de cloche différents.

“I l faut percer le mystère du Pole emploi” lance Alain Marguet, pré- sident de l’Amicale des frontaliers à Morteau. Selon lui, les chômeurs qui pointent actuellement à l’A.N.P.E. de Mor- teau ou Pontarlier sont pour la plupart des travailleurs ayant terminé leur contrat de 90 jours en Suisse. Le nombre de deman- deurs d’emploi serait pourtant passé de 640 à 1 036 à la fin du mois de janvier sur le bassin de Morteau. Soit une hausse d’environ 56,6 % en un an ! Un chiffre non confirmé par l’agence pas frontaliers. Le Pôle emploi compte par exemple ceux qui ont fini leur mission, comme empi- ler les boîtes de chocolat ou ceux qui ont terminé de cueillir le tabac. Pour l’instant, ceux qui ont un contrat travaillent enco- re” analyse le président qui s’élève contre les fausses idées et la mauvaise interprétation des chiffres. Il y aurait 84 000 travailleurs dans le canton de Neuchâtel et 9 000 frontaliers. Conséquence, mieux vaut “rela- tiviser” d’autant que “le grou- nationale pour l’emploi (A.N.P.E.). Une fois encore, la transparence n’est pas de mise. “Sur 20 licen- ciés dans une usine suisse, tous ne sont

pe Swatch annonce une reprise” croit savoir ce dernier. En jan- vier à La Chaux-de-Fonds, 127 personnes auraient reçu l’imprimé E 301 (N.D.L.R. : for- mulaire qui permet aux auto- rités de chômage compétentes de prendre en compte les périodes de cotisation réalisées dans un pays de l’U.E./A.E.L.E. afin de savoir si vous avez droit aux prestations de chômage.), 50 à Pontarlier et 28 pour la Val- lée de Joux. La Suisse, sûr qu’il ne faut pas la dévaloriser, d’autant que la signature des accords bilatéraux lier Européen, antennes de Mor- teau et Pontarlier. Pourtant, la juriste est loin de rejoindre Alain Marguet sur bien des points. Selon elle, la crise est là. “Ce serait de la langue de bois de dire que la Suisse n’est pas en crise. Si vous m’aviez posé cet- te question il y a quelques mois, j’aurai répondu par la négative. Aujourd’hui, nous la ressentons ! Il y a des licenciements, les fron- taliers sont inquiets, il n’y a plus d’heures supplémentaires… Beaucoup viennent nous voir.” rend optimiste. Les Suisses ne sont pas “eurosceptiques”. “C’est un gage de confiance” concède Hasna Cha- rid, juriste au Grou- pement Transfronta-

Hausse de 56 % du chômage à Morteau.

Les frontaliers sont souvent les premiers touchés par une récession.

Ils franchissent le seuil du Grou- pement Transfrontalier soit pour se rassurer ou simplement connaître leurs droits après un licenciement. “Dernièrement, quatre cadres sont venus après un licenciement.” Toutes les caté- gories socioprofessionnelles seraient touchées. Et l’ensemble des secteurs : “Il y a l’horlogerie, la mécanique… et maintenant le dentaire” énumère Hasna Cha- rid. Heureusement, la signature des accords bilatéraux n’entraînera pas “la clause de la guillotine.” Les six accords signés en 1999

entre la Suisse et l’Union euro- péenne en même temps que celui sur la libre circulation ne sont pas caducs, d’où cet optimis- me latent. Néanmoins, les Pôles emploi de Morteau et Pontar- lier connaissent une hausse mar- quée du nombre de demandeurs d’emploi. En décembre et jan- vier, les nouveaux chômeurs sont toujours plus nombreux. Et deux tiers d’entre eux déclarent avoir perdu leur emploi en Suisse… Après le plein-emploi, place à la régulation du marché.

Sylvette, une Suissesse qui ne veut pas des Français chez elle…

E.Ch.

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