Lettres à Divakar jusqu'à 2005
… Et maintenant, disons que je me turlupine la cervelle avec le conseil insistant, affectueux de Francis, usant de sa même formule, avec les mêmes mots, toujours repris depuis x et x années, « tu dois donner sens à ta vie », « donner sens à la vie », sinon elle est absurde, etc. Je t’en ai déjà parlé, et je crois que tu comprends ce qu’il veut dire là. En général il revient là-dessus en me téléphonant le dimanche soir, parce qu’il sait que le dimanche reste un jour difficile pour moi. (Entre parenthèses, les choses évoluent dans mon rapport à René, mais je n’avais évidemment pas prévu cette nouvelle expérience, la mémoire précise, exacte de sa voix…) Donc, je ne comprends pas ce que cela veut dire, donner- sens-à-sa vie ; ce n’est pas donner un sens en faisant telle ou telle chose, c’est quoi ? Qu’on le veuille ou non cela ressemble à une croyance… Un sens ? Une direction ? Une morale (oui sans doute) ? Une philosophie ? Une volonté ? Un engagement, par rapport à qui ou à quoi ? Cela me donne toujours l’impression qu’il faut prendre ça par un bout, mais comment ? Et pourtant je ne peux pas dire que je sois totalement fermée à cette notion. Mais elle me paraît étrangement (car ce n’est pas cela qu’il attend de sa pensée !) close, sans prolongement, plutôt rigide, comme si je me sentais arrimée à un but bien défini… Et c’est là que je vois une quasi opposition entre « donner sens » et « donner de la conscience », qui donne davantage de choix engageants. Mais je suis assez convaincue qu’il s’agit ici de moi et de l’effet en moi du mot « sens » et du côté moralisateur que je vois, à tort, dans l’injonction « donner sens » …
Colette.
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Vendredi 19-12-03
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