La Presse Bisontine 187 - Mai 2017

L’INTERVIEW DU MOIS

La Presse Bisontine n° 187 - Mai 2017

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TÉLÉVISION

La nouvelle voix du cyclisme du France Télévisions

“J’aime transmettre des émotions” Le Pontissalien Alexandre Pasteur

Franche-Comté avec une arrivée à la Planche-des-Belles Filles (5 juillet) et aux Rousses (8 juillet). A.P. : Si on prend la 5ème étape, le classement général ne sera pas décanté donc je crains que la cour- se ne soit verrouillée contraire- ment à l’arrivée en 2012 où il fal- lait escalader le col des Chevrères avant. Ce sera une course de côte. L.P.B. : Qui peut gagner à la Planche ? Aux Rousses ? A.P. : À la Planche, je vois bien Froo- me, comme en 2012.Aux Rousses, le classement général sera un peu plus décanté. Je vois une étape pour baroudeur,quelqu’un qui peut aller chercher lemaillot jaune com- me l’avait fait Chavanel en 2010. L.P.B. : Et pour la victoire finale ? A.P. : Je sens un Froome imbat- table. Il fait la même préparation que l’an dernier, vamonter en puis- sance au Tour de Romandie puis auDauphiné Libéré.Thibaut Pinot sera là en franc-tireur pour viser des étapes car il sortira du Giro. C’est très bien, cela lui enlève de la pression. Côté Français, je vois aussi Bardet, et c’est le dernier Tour de Voeckler qui voudra se montrer et au sprint,on peut comp- ter sur Arnaud Démare et Nacer Bouhanni. L.P.B. : Le cyclisme est-il encore un sport spectacle ? A.P. : Les courses sont aseptisées car le niveau des coureurs est mon- té d’intensité.Auparavant,il y avait 5 coureurs capables de gagner. Aujourd’hui, les différences sont moindres entre un très bon équi- pier et un leader. Il y amoins d’en- volées, c’est moins romantique. L’environnement est une dimen- sion qu’il faut prendre en compte. LeTour de France, c’est lamise en valeur de notre pays. L.P.B. : Votre position sur le dopageméca- nique. A.P. : Il y a des contrôles rigoureux, on n’a pas la preuve sur les soup- çons avancés, les vélos sont contrô- lés par l’U.C.I. L.P.B. : Avez-vous le droit d’aimer un cou- reur ? A.P. : Pour le ski, j’ai eu des coups de cœur avec des histoires atta- chantes. Pour le vélo, je suis plus mesuré, et reste neutre. J’ai ce devoir. L.P.B. : Lorsque l’on évoque Pontarlier et le Tour de France, on pense à une anec- dote. Avez-vous la même que nous en tête… A.P. : J’ai deux souvenirs. 2001 et l’arrivée de l’étape Colmar-Pon- tarlier (222 km) remportée par Erik Dekker avec 31 minutes d’avance sur le peloton qui aurait dû être déclassé. Il faisait 8 °C avec du brouillard. Ce n’était pas la meilleure promo de la région.Enfin, il y a cette arrivée au Larmont en 1985 remportée par JoergenPeder- sen sur l’étape Épinal-Pontarlier (204 km). L’arrivée était jugée au Larmont, ce qui ne serait plus pos- sible aujourd’hui ! On était à bloc derrière Joël Pelier, le local, arri- vé 6ème. C’est un super-souvenir. Le lendemain sur l’étape Pontar- lier-Morzine (195 km), Bernard Hinault confortait sonmaillot jau- ne et Herrera remportait l’étape. C’est la dernière victoire d’unFran- çais sur le Tour de France… n Propos recueillis par E.Ch.

L a Presse Bisontine : Pour ceux qui ne vous connaissent pas : vous étiez la voix du cyclisme, du ski et de l’athlétisme sur la chaîne Eurosport. Vous avez débuté à France Télévisions dimanche 9 avril en commentant Paris-Roubaix et poursuivrez pour commenter le Tour sur France 2 et France 3 en juillet. Le public reconnaîtra- t-il l’accent du Haut-Doubs ? Alexandre Pasteur : Je l’ai perdu (rires). J’ai passé mon enfance à Pontar- lier ainsi que ma jeunesse jusqu’en terminale. Ma mère et ma sœur habitent encore Pontarlier : c’est ma ville, même si j’y reviens moins souvent. C’est toujours un pince- ment au cœur quand j’y pense car c’est là que mon père est enterré. L.P.B. : Entre la révélation du journal L’Équi- pe en janvier de votre arrivée à France Télévisions pour commenter le Tour de France et la course Paris-Roubaix (9 avril), vous avez peu parlé. Pourquoi ? A.P. : Effectivement, j’ai très peu par- lé malgré les nombreuses sollicita- tions qui m’ont d’ailleurs surpris. Je ne pensais pas que ça allait fai- re autant de foin. L’annonce de L’Équipem’a pris de cours ainsi que Thierry Adam qui commentait le Tour. Ce n’était pas très élégant de la part du journal de balancer car je n’avais pas signé encore mon contrat, lequel s’est terminé le 31 mars à Eurosport. L.P.B. : A 46 ans, c’est un tournant dans votre carrière. A.P. : Le changement, c’est mainte- nant (rires). À 46 ans, le train ne passe pas deux fois. Je n’avais aucu- ne raison objective de refuser. Je rentre dans un nouvel univers car France Télévisions et le Tour de France, ce sont 4 millions de télé- spectateurs par jour. C’est un envi- ronnement différent mais je ferai les mêmes choses. L.P.B. : La mise à l’écart de Thierry Adam, qui commentait le Tour de France jusque- là, a créé de nombreuses réactions. Il s’est dit attristé de devoir céder sa place. L’avez- vous croisé depuis ? A.P. : Évidemment, je l’ai vu, je l’ai appelé. Lui s’est épanché davanta- ge que moi dans les médias. Il fal- lait que je lui parle. L.P.B. : Que lui avez-vous dit ? A.P. : Que j’étais désolé, c’est quel- qu’un que j’aime bien avec qui j’ai toujours eu des rapports cordiaux. Je lui ai dit que j’étais navré et je lui ai rappelé que l’on était venume chercher (N.D.L.R. : c’est le direc- teur des sports de France Télé qui l’a sollicité). Je n’ai jamais rêvé de commenter le Tour sur France Télé passionné de sport qui n’oublie pas ses racines. remplace Thierry Adam sur France Télévisions pour commenter le cyclisme et le Tour de France cet été. Interview avec ce

Le Pontissalien Alexandre Pasteur passe d’Eurosport à France Télévisions pour commenter le cyclisme, le Tour de France en particulier.

mais je ne pouvais pas refuser. Thierry m’a dit : “Tu aurais été con de refuser.” C’est quelqu’un que je respecte, bienveillant, ça a été une leçon. L.P.B. : Vous serez sans doute davanta- ge exposé à la critique. Y êtes-vous pré- paré ? A.P. : La critique, lorsque tu es jour- naliste, tu y es préparé. Voilà 22 ans que je fais ce métier sur Euro- sport où les personnes qui nous écoutent sont parfois plus calées que nous. Cela se ressent, ils sont à bloc. L.P.B. : À moins de 80 jours du départ du Tour 2017, quel sentiment vous anime ? A.P. : Cela ne change pas ma vie mais j’y vois comme un contre- pied du destin car au début de ma carrière, j’étais en presse écrite et je ne me voyais pas du tout à la télévision. LeTour, voilà 6 ans que je le vis pleinement sur Eurosport. Je suis ravi de le commenter sur France Télé, c’est grisant. L.P.B. : Ces trois semaines seront épui- santes… A.P. : C’est du stress mais surtout de l’adrénaline positive. On est porté par la foule, c’est magique. Avec mon ex-consultant Jacky Durand, on repérait les derniers kilomètres du parcours, on arrive dans des villages en fête.La fatigue à ce moment, on l’oublie. L.P.B. : Vous retrouvez un certain David Sandona natif du Haut-Doubs au servi- ce des sports de la chaîne. Le connais- sez-vous ? A.P. : Oui, il a été un soutien pré- cieux dans les négociations. Il a créé cette association des journa- listes comtois, c’est un intégriste duHaut-Doubs (rires). Il n’est pas tout à fait de la même génération (5 ans demoins)mais nous sommes du même centre formation. Il a été au C.A.P. foot que mon père (Yves) a dirigé en tant que prési-

dent. On a des racines communes.

te aussi des sites exceptionnels avec de nombreuses bases de don- nées. Pour Paris-Roubaix, je me suis mis 6 jours dans une bulle avant la course. Il faut de la réac- tivité dans le direct. L.P.B. : Pour un baptême du feu, c’en était un ! A.P. : Oui sur France Télé. Mais je l’avais déjà commenté pour Euro- sport. L.P.B. : Vous étiez en binôme avec Jac- ky Durand. Vous le quittez pour Laurent Jalabert. Quels sont vos rapports avec lui ? A.P. : Jacky est incollable, c’est un guide. On ne se connaît pas très bien avec Laurent Jalabert mais on va bien s’entendre. L.P.B. : Est-ce un bon consultant ? A.P. : Je n’ai aucun a priori car je

Bio express

L.P.B. : Vos commentaires ou analyses devront-ils changer sur la chaîne publique ? A.P. : Le téléspectateur n’est pas le même car celui d’Eurosport est davantage spécialisé. Celui de France Télé est grand public. Il y a derrière tout cela la partie patri- moniale. L.P.B. : Lesmoyens pour travailler seront- ils meilleurs ? A.P. : On passe dans un grand stu- dio de 40m2 alors qu’on avait 2m2 pour trois personnes. Ce sera confortable avec également deux motos sur la course, des motos- son avec notamment Cédric Vas- seur, ancien coureur, qui sent très bien la course. J’aimerais qu’il puisse intervenir à tout moment dès qu’il se passe quelque chose. L.P.B. : Il a été reproché à Thierry Adam ses approximations. Vous confirmez ? A.P. : Je suis très mal placé pour juger car je n’ai je l’ai jamais écou- té : j’étais toujours à l’antenne quand lui commentait. Je l’ai écou- té une heure à Doha lors desMon- diaux 2016 et rien m’a choqué. Je n’ai aucun jugement, ce n’est pas de la langue de bois. L.P.B. : Quel genre de commentateur êtes-vous ? A.P. : J’ai le respect du champion, un peu un côté groupie. J’ai tou- jours réussi à mettre en valeur mes consultants. Niveau com- mentaires, je suis investi, au ser- vice du sport, de l’événement. Ce qui compte, c’est le spectacle et j’aime transmettre des émotions à travers le parcours d’un sportif. L.P.B. : Comment travaillez-vous ? Avec des fiches sur chacun des coureurs ? A.P. : Je n’ai pas de fiches sur les coureurs, j’ai la chance d’avoir une bonne mémoire. Retenir ce que l’on aime, c’est plus simple. Il exis-

l Né le 30 novembre 1970, à Besançon (46 ans) l Originaire de Pontarlier l Il entre à Eurosport en 1995 pour commenter le ski alpin l Il commente les Jeux olympiques l Passionné de vélo depuis toujours, il commence le commentaire de courses cyclistes par des remplacements de Patrick Chassé. En 2011, il commente son premier Tour de France

l Avril 2017, il intègre France Télévisions pour commenter le cyclisme

ne l’ai pas beau- coup écouté. On va se trouver assez vite. L.P.B. : Aurez-vous une attention parti- culière pour nos cou- reurs locaux Thibaut Pinot et Arthur Vichot ? A.P. : Évidem- ment. Je connais mieux Arthur - qui réside à Besançon - car on échange souvent l’hiver ensemble car il est pas- sionné de ski,c’est unDoubiste, on a cette proximité. C’est une pointu- re. Il va faire une grande deuxième partie de saison. L.P.B. : Un mot sur le parcours. Il donne la part belle à la

“Les courses sont aseptisées.”

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