Journal C'est à Dire 95 - Décembre 2004

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Grandeur et décadence de l’horlogerie dans le Haut-Doubs

" Difficultés scolaires et d’apprentissage " Concentration, mémoire " Retard : language, orthographe, lecture " Gestion du stress, comportement " Langues CENTRE DE L’ÉCOUTE TOMATIS Mercredi 15 décembre 2004 JOURNÉE “PORTES OUVERTES” de 9h00 à 19h00 À 20h00 Conférence : “Écouter, cela s’apprend !” Rue Neuve " 2300 La Chaux-de-Fonds " Tél.: 032 968 08 29 " www.tomatis.ch

Dans les années soixante, qui pouvait présu- mer que l’horlogerie française serait dans un tel état de délabrement 30 ans après ? L’in- dustrie de la montre est alors en plein essor. Entre le Plateau de Maîche et le Val de Mor- teau, le Haut-Doubs devient un pôle de pro- duction et de développement. Ici on fabrique des composants pour l’industrie du temps, là on assemble les produits. La région est un acteur majeur sur le marché de la montre méca- nique. Pourtant, tout va basculer avec l’arrivée du quartz dans ce grand échiquier où émer- ge également la concurrence des pays asia- tiques, pour finalement balayer l’industrie hor- logère française. Les raisons de cette crise sont complexes. Aujourd’hui encore les acteurs de l’horlogerie analysent avec un certain recul cette dérive qui a laissé des cicatrices dans le Haut-Doubs. On cherche à établir des res- ponsabilités dans cette affaire. La première par- tie de ce dossier que vous découvrez dans ce numéro n’a pas vocation à rétablir des véri- tés. Il donne simplement les premières bases à un sujet aux rouages complexes. C’est pour- quoi, dès le mois prochain, nous reviendrons sur ce dossier en présentant les acteurs de l’hor- logerie locale et les enjeux de l’époque qui entourent cette industrie, en particulier pen- dant la période de 1960 à 1980. Elle marque l’apogée de l’horlogerie, avant son déclin. L’horlogerie a rythmé l’économie du Haut-Doubs Histoire

Le Haut-Doubs est encore marqué par une culture horlo- gère forte alors que la plupart des industries ont disparu.

de était marquée par le travail à domicile et les petits ateliers aménagés dans les maisons. On mise sur les instituts de for- mation comme l’école d’horlo- gerie de Besançon ou Morteau. C’était le début de la belle époque, de l’heure de gloire de l’horlogerie française. Le Haut- Doubs manque de main d’œuvre. Des entreprises comme Frame- lec emploient à Morteau plus de 500 salariés ! Des chiffres qui donnent à la fois une idée de l’importance de cette industrie et de sa prédominance dans le paysage économique local. Par les échanges commerciaux, Mor- teau et le Haut-Doubs sont renommés pour un savoir-faire horloger dans les milieux spé- cialisés du monde entier. Pourtant, après cette période faste, l’industrie horlogère fran- çaise amorce son déclin. Elle doit faire face à l’arrivée du quartz qui prend progressivement le pas sur la mécanique. L’Asie

entre dans la danse et le pro- duit montre mondialisé est un secteur fortement concurrentiel. Alors qu’en France près de 14 000 personnes vivaient de l’horlogerie, les effectifs passent à 8 000 dans les années quatre- vingt. Le sinistre est plus grand encore en Suisse où dans les années soixante-dix, 90 000 per- sonnes travaillent encore dans l’horlogerie contre 25 000, 10 ans plus tard. Mais à l’inverse de la France, les professionnels suisses parviendront à s’orga- niser pour enrayer la crise, à se positionner sur le créneau haut de gamme, valoriser le “swiss made” qui fait référence aujour- d’hui, pour tirer finalement leur épingle dans ce jeu implacable. Dans le Val de Morteau, les socié- tés liées au secteur horloger ont fermé leurs portes les unes après les autres. Cattin, Framelec, Kiplé, ou encore Maillardet un peu plus tôt dans les années soixante disparaissent, pour ne

citer qu’elles. Face à ce déclin, le Haut-Doubs a connu un sinistre industriel. Mais du point de vue de la main d’œuvre, le constat est différent. Privée d’emploi en France, elle se tourne vers la Suisse où les frontaliers trouvent leur pla- ce. “Malgré la disparition des entreprises, la France a main- tenu son niveau de formation dans des écoles techniques. Aujourd’hui, l’horlogerie suisse récupère la plus-value d’une main d’œuvre qu’elle n’a pas formée” précise Alexandre Moine. La frontière toute proche a évi- té à tout un secteur de sombrer dans une crise sociale marquée par le chômage. Mais cette situa- tion place néanmoins le Haut- Doubs dans un équilibre instable exposé à une fragilité écono- mique. Aujourd’hui, cependant, l’horlogerie locale plus confinée cherche à nouveau sa place et croit à un nouveau souffle. ! T.C.

L’ histoire du Haut- Doubs est indisso- ciable de celle de l’hor- logerie. Rares sont les habitants de cette région à ne pas avoir au moins une personne dans leur entourage qui ait tra- vaillé ou travaille toujours pour cette industrie florissante il y a 40 ans encore, avant d’être mal- menée par la crise dès le début des années quatre-vingt. Pour comprendre cette aventu- re industrielle dans un secteur de moyenne montagne - a prio- ri enclavé -, il faut remonter à la fin du XVIII ème siècle. L’hor- logerie française se développe puis se déplace en Suisse pour des raisons d’ordre politique. “C’est à partir de là que cette activité se diffuse vers le Haut- Doubs. En fait, à cette époque-

rence incontournable pour le Haut-Doubs qui en vit. On apprend au musée de la montre de Morteau qu’en 1954, “ le syn- dicat des fabricants horlogers recense dans le Haut-Doubs et sur le Plateau de Maîche 150 fabricants d’horlogerie et de pièces détachées.” La plupart

là, cette région est peuplée d’agri- culteurs pauvres, mais qui savent travailler le fer. Ces gens repré- sentent une main d’œuvre inté- ressante disponible de surcroît pendant toute la période hiver- nale” indique Alexandre Moine, maître de conférences en géo- graphie à l’Université de

Franche-Comté qui a étudié le lien entre le Haut-Doubs et l’horlo- gerie. Progressivement, l’hor- logerie entre dans la cul- ture locale avec des don- neurs d’ordres suisses jusqu’au moment où les

sont des petites sociétés familiales qui emploient quelques personnes. À ce décompte s’ajoutent 70 usines positionnées sur ce secteur d’activité et qui emploient 2 470 personnes. En 1965, la fabrication de montres

“La France a maintenu son niveau de formation dans des écoles.”

horlogers français commencent à prendre leur autonomie. Les fabriques se développent au début du siècle dernier. Cette activité devient une réfé-

génère encore 1 582 emplois. 770 personnes sont affectées à la fabrication de pièces déta- chées. Faut-il rappeler que cette pério-

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