Journal C'est à dire 238 - Décembre 2017

V A L D E M O R T E A U

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Le sanglier pointe durablement son groin dans le Haut-Doubs Chasse Favorisé par des conditions très favorables, l’animal commence à s’installer durablement sur les hauteurs du département. Ce qui ne va pas sans irriter les agriculteurs locaux peu habitués à subir des dégâts qu’ils estiment insuffisamment indemnisés au regard du préjudice subi.

Les dégâts sont particu- lièrement importants cet automne dans certains coins du Haut-Doubs comme ici à la ferme du Cernier.

“L e problème est récurrent et les dégâts ne cessent de s’amplifier d’une année sur l’autre. On a encore été bien touché cet automne” , lâche Johan Bez, producteur de lait à comté installé au lieu-dit Les Cerniers entre Morteau et Pontarlier. Au printemps 2015, cela représentait pratiquement 4 hectares de trous, soit 10 hec- tares de prairies dégradées, soit une perte de production de 5 000 litres de lait par mois à une pério- de où les bêtes sont à l’herbe et le lait est facile à produire. “Le préjudice réel est bien supé- rieur au montant de l’indemni- sation dont le mode de calcul a été défini sur des zones de cul- tures, ce qui n’est pas adapté aux régions herbagères. Sur des dégâts en prairie de fauche, on n’a guè- re d’autre choix que de labourer. Quand ils se produisent dans les pâtures, la remise en état s’ef- fectue manuellement.” S’il est sceptique sur la réali- sation du plan de chasse san- gliers sur son secteur, Johan Bez fait quand même partie des cel- lules de veille composées d’agri-

culteurs et de chasseurs locaux qui servent de sentinelles des dégâts de sangliers à l’échelle d’une unité de gestion cynégé- tique. “À chaque cas, on fait remonter les informations à la Fédération qui dépêche sous hui- taine un estimateur sur le ter- rain.” Guy Scalabrino, repré- sentant les agriculteurs de la F.D.S.E.A. auprès de l’adminis- tration et de la Fédération de chasse croit beaucoup à l’utili- té de ces équipes de terrain. “C’est important de régler les problèmes en direct. De toute façon, on est condamné à s’en- tendre avec les chasseurs” , note celui qui est aussi membre de la commission départementa- le de chasse et de la faune sau- vage. Laquelle se réunit tous les deux mois à la D.D.T. sous la responsabilité du préfet pour évoquer différentes probléma- tiques dont celle des impacts sur le monde agricole. Personne ne conteste la recru- descence des dégâts de sangliers dans le Haut-Doubs tout com- me dans d’autres secteurs du département. Plus de dégâts sous-entendent plus de sangliers.

“Cette recrudescence est essen- tiellement liée à une très bon- ne reproductivité du sanglier sur la saison 2017. Tout est parti d’une très bonne fructification forestière à l’automne 2016 qui a optimisé la réussite des por- tées. Les jeunes femelles sangliers sont fécondables quand leur poids varie entre 30 et 40 kg. Comme l’automne 2016 était riche en nourriture, elles ont donc atteint plus vite leur maturité sexuelle. À cause du gel au prin- temps 2017, il y avait très peu de faînes au sol. Les compagnies de sangliers sont sorties des bois pour se nourrir dans les champs, ce qui a entraîné plus de dégâts. Le phénomène reproduit cet automne” , décrit Jean-Mauri- ce Boillon, le président de la Fédération de chasse du Doubs. S’ajoutent aussi l’incontournable réchauffement climatique et la douceur des hivers propice à la survie du gibier. Dans certains coins du Haut- Doubs, ou dans les alpages, la surpopulation s’explique par l’abondance de chasses privées, d’une surface supérieure à 40 hectares où l’on tire très peu

le sanglier, préférant de loin la bécasse ou le lièvre. “C’est assez culturel, rappelle Guy Sca- labrino. Les chasseurs du Haut- Doubs chassaient peu le grand gibier qui était beaucoup moins présent qu’aujourd’hui.” La proximité de la Suisse où la saison de chasse au sanglier est beaucoup plus tardive par- ticipe aussi à cet effet réserve où le sanglier se réfugie sans demander son reste ni présen- ter ses papiers d’identité. Dans ces circonstances, la Fédération n’a pas trop les moyens d’agir sinon d’inciter les propriétaires à renforcer la pression de chas- se sur le grand gibier. Quand la situation empire, elle passe alors le relais à la D.D.T. habilitée à prendre des mesures : battues administratives, battue de décan- tonnement, tir de régulation… “Ce qui a été fait cet automne dans certains secteurs comme à Chapelle-des-Bois” , note Jean- Maurice Boillon. L’outil de régu-

lation le plus efficace reste enco- re le plan de chasse. Cette sai- son, le prélèvement a été fixé à 4 500 sangliers sur le dépar- tement, un chiffre jamais atteint dans le Doubs. “Le prélèvement varie habituellement entre 2 500 et 3 500 sangliers. Après trois mois de chasse, on compte 2 403 sangliers prélevés, on devrait donc atteindre l’objectif fixé.” Sur la question de la méthode d’estimation des dégâts qui serait inappropriée aux zones herba- gères, Jean-Maurice Boillon un rien agacé rappelle qu’il s’agit d’une loi et encourage le monde agricole à s’adresser aux bonnes instances pour ajuster les textes. “Toutes les indemnisations agri- coles sont déjà à la seule char- ge des chasseurs. Je ne cherche pas à minimiser les dégâts mais il faut comprendre que ce n’est pas à la Fédération de faire en sorte que les montants augmen- tent.” En année “normale”, la Fédéra-

tion du Doubs verse entre 250 000 et 280 000 euros d’in- demnisation aux agriculteurs. “Cela peut monter jusqu’à 380 000 euros, ce qui devrait sans doute être le cas quand on bou- clera la saison en juin 2018. On n’a jamais dépassé le plafond de 400 000 euros dans le Doubs. Il faut savoir que le Doubs res- te l’un des départements les moins touchés en France.” Le président insiste sur la nécessaire enten- te entre chasseurs et agricul- teurs pour maintenir un bon équilibre. Car si les populations de sangliers se portent plutôt bien c’est loin d’être le cas de leur seul prédateur. Le nombre de chasseurs a bais- sé de 20 % en dix ans dans le Doubs, passant de 10 000 à moins de 8 000 aujourd’hui. “Moins il y aura de chasseurs, plus il y aura de sangliers et de dégâts” , affirme sans trop se tromper leur président dans le Doubs. n F.C.

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