La Presse Pontissalienne 153 - Juillet 2012

LE DOSSIER

La Presse Pontissalienne n° 153 - Juillet 2012

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LE HAUT-DOUBS ÉCRIT SES LÉGENDES

Entre ses sapins et ses lacs, le Haut-Doubs est une terre de légendes et de contes abritant des créatures parfois féroces, souvent intrigantes. La Presse Pontissalienne fait un plongeon dans les tréfonds de cet univers depuis la source du Doubs à Mouthe, repère de la célèbre Vouivre sacralisée par Marcel Aymé. Balade ensuite au lac de Saint-Point avec la légende de Damvauthier qui n’a rien à envier à celle de la source bleue de Malbuis- son, celle de Berthe de Joux ou encore de Septfontaine. Gros plan également sur des histoires moins connues et sur ce qu’il reste de notre patrimoine avec deux auteurs spécialisés. Le Haut-Doubs, entre mythes et légendes.

Cette étrange histoire se déroule autour du célèbre château de Joux. C’est là que vivait un vieux sire, un homme sympathique qui avait trois filles très belles. Cette beauté alliée à une grande prétention va finir par sceller leur destin. PONTARLIER Les dames des Entreportes

D’AVOUDREY À MOUTHE La Vouivre,

la créature mythique

Mi-femme, mi-serpent, quiconque s’empare de son bijou attachée au cou obtient bonheur et richesse. La plus connue est celle de Mouthe, à la source du Doubs.

L Le seul défaut de ces filles était une extraordinaire coquetterie qui les pous- sait irrésistiblement à enflammer le cœur de tous les chevaliers et écuyers du voisinage. Quand leurs conquêtes étaient assurées, elles les délaissaient aussitôt pour

pour récompense la main de ses trois filles. Et ce, qu’elles le veuillent ou non ! La fortu- ne des armes sourit finalement à trois che- valiers : Raymond le Bossu, Bras-de-Fer et Hugues-au-Pied-Fourchu, dont la méchan- ceté n’avait d’égale que la laideur. Le jour des noces, les fiancées parurent voilées. Pour échapper à l’horreur de telles mésalliances, elles avaient en fait ordonné à des servantes de les remplacer. La supercherie découverte, la poursuite s’organisa en direction de Pon- tarlier puis du défilé des Entreportes, où les seigneurs abusés rejoignirent les fuyardes. Mais lorsqu’ils voulurent prendre dans leurs bras les demoiselles de Joux, ils n’étreignirent que… trois statues de pierre que l’on peut encore voir aujourd'hui et qui sont connues sous le nom de “Dame des Entreportes”.

exercer leurs charmes sur les malheureux qui osaient encore leur résister. Comme un jeu de séduction qui se répétait. Plus d’un noble prétendant put se croire l’élu de l’une de ces gentes dames, mais ses espoirs se bri- saient toujours à la veille des noces. Cédant à la colère et à l’impatience, le père décida d’organiser un grand tournoi dont les vainqueurs auraient

Cœurs de pierre…

La Vouivre, selon s’il est apparaît à Avoudrey ou à Mouthe, n’a pas la même apparence (photo D.R.).

T out Franc-Comtois qui se respecte a déjà entendu parler de la Vouivre. Cette fée est sans doute la figure la plus emblé- matique de la région, immortalisée par Marcel Aymé. Cette créature hybride, mi-fem- me, mi-serpent, beaucoup de paysans disent l’avoir rencontrée. Son image de femme fatale et séductrice hante toujours les rives des étangs du Doubs. La légende voudrait que quiconque s’empare de ce bijou obtienne en échange riches- se et bonheur pour l’éternité. Parmi les nombreuses versions existantes dans la tradition orale doubienne, on retrouve cer- tains points communs. La créature a pour habi- tat de prédilection tous types de refuges : grottes, cavernes, ruines des châteaux… Elle est sou- vent décrite comme gardienne des trésors. Elle affectionne les milieux aquatiques : rivières, sources, marais… Avant chaque bain, le rituel immuable veut qu’elle dépose son escarboucle sur la rive. Tous ceux qui ont tenté de s’emparer du joyau à ce moment ont trouvé le même sort, déchiquetés ou calcinés. On trouve de nombreuses formes de la Vouivre dans le Doubs, mais deux se distinguent, celle

d’Avoudrey par sa beauté, et celle de Mouthe par son esprit farceur. On a la retrouve aussi à Mouthier-Haute-Pierre représentée comme un serpent volant à un œil. “Beaucoup de vieilles gens de Mouthier l’ont vu passer à travers la double cascade de Siratu” note Charles Beau- quier, folkloriste du début du XX ème siècle. La Vouivre de Mouthe est facétieuse : elle joua un bon tour à celui qui réussit à s’emparer de

son escarboucle : “On conte qu’un homme de Mouthe qui n’avait peur de rien put, sur les conseils d’un sorcier, prendre l’escarboucle de la vouivre quand elle buvait au Cul- du-Bief, mais comme il ne voulut rien partager, le sorcier changea la pierre en crottin de cheval” , écrit Charles Beauquier dans Faune et Flore populaires de la Franche- Comté. Alors, si entre chien et loup vous apercevez une ombre de fem- me avec une queue de serpent et une lumière sur le front, pruden- ce, c’est peut-être la Vouivre qui vous guette…

“Des vieilles gens de Mouthier l’ont vu passer.”

Les trois dames sont désormais figées dans la pierre.

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