La Presse Pontissalienne 153 - Juillet 2012

DOSSIER

La Presse Pontissalienne n° 153 - Juillet 2012

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INTERVIEW

Chloé Chamouton

“Le Doubs, une terre celte” Journaliste franc-comtoise spécialisée en histoire médiévale et titulaire d’un D.E.A. en philosophie imaginaire et rationalité, Chloé Chamouton dévoile les secrets de nos légendes dans son livre “Les mystères du Doubs”.

Auteur et journaliste, Chloé Chamouton fait revivre les légendes dans son livre “Les mystères du Doubs” (édition De Borée).

L a Presse Pontissalienne: Votre livre compile légendes et mythes où chaque habitant du Doubs peut y (re)trouver un lieu qu’il connaît. Pour- quoi avoir choisi de lever les secrets de notre territoire? Chloé Chamouton: Nous avons en Franche- Comté de très belles légendes qui sont tombées dans l’oubli. Notre patrimoi- ne mystérieux est malheureusement ignoré, perdu au fil des siècles, faute de véritables passeurs de cette mémoire collective. J’ai toujours été intéressée par les légendes celtiques et j’ai mis environ 7 mois pour collecter toute la matière avant de la mettre en forme. Notre patrimoine légendaire est aussi riche que celui des Bretons. L.P.P.:Vous dites que les pierres de Courtefon- taine sont des menhirs. Est-ce donc un héri- tage celte? C.C. : Nous sommes Celtes. Là encore, le manque d’informations à ce sujet se ressent cruellement. Les livres d’histoire mentionnent “nos fameux ancêtres les Gaulois” sans parler de leurs croyances ou mythologie. Or, les Gaulois font partie de cette civilisa- tion celtique qui n’est pas concentrée uniquement dans les pays dits cel- tiques. La plupart des mots que nous utilisons quotidiennement aujourd’hui viennent du gaulois et non pas forcé- ment du grec ou du latin. La Franche- Comté est une terre celtique. L.P.P. : Rappelez-nous la différence entre un mythe et une légende? C.C. : Un mythe possède une fonction explicative et pédagogique. Il délivre un enseignement en mettant en scène des dieux ou des personnages, de façon allégorique. Lemythe est toujours révé- lateur des pratiques d’une société. Der- rière les mythes se dissimulent des réa-

lités, une part de vérité. La légende se rapproche donc de la définition du conte à ceci près qu’une légende contient tou- jours un fond de vérité, une vérité trans- formée et déformée par le récit des hommes. L.P.P. : Pour vous, quelle légende est la plus représentative de la région? C.C.: LaVouivre, c’est la star franc-com- toise. J’habitais à proximité de chez Marcel Aymé (celui qui l’a popularisée) et passais souvent devant une Vouivre en bois. Cela m’a toujours interpellé. Il n’est pas une rive de ce département qui ne possède son histoire de vouivres: Avoudrey, Mouthier-Haute Pierre, Mouthe…Les diverses versions locales reposent sur un scénario identique: un homme avide de richesses tente de s’emparer du trésor de la Vouivre, et finalement se fait tuer par celle-ci, ou mettre en miettes. L.P.P.:Quand ces mythes se sont-ils construits? Plutôt au Moyen-Âge, période difficile pour la Bourgogne et la Franche-Comté? C.C.: Tout dépend des légendes etmythes. De façon générale, les légendes sont issues d’un corpus mythologique beau- coup plus ancien qui puise ses racines dans une tradition celtique.Les Romains se sont approprié des mythes celtiques, les accommodant à leur sauce.Les saints ont alors remplacé les dieux celtiques vénérés mais derrière ce vernis chré- tien, malgré tout, les traditions et cou- tumes populaires demeurent prégnantes. L.P.P.: Ces histoires et légendes risquent-elles de disparaître,oubliées par les nouvelles géné- rations qui ne les retransmettront pas aux sui- vantes? C.C.: Je ne pense pas. Les habitants du Doubs sont chauvins et tiennent à leur légende comme à Montbéliard avec la

TanteArie. Heureusement, les veillées reprennent et il y a eu le phénomène Harry Potter et Seigneur desAnneaux. Je ne pense pas qu’Internet ou les réseaux sociaux puissent les faire dis- paraître. Il faut justement s’appuyer sur ces outils. L.P.P.: Votre livre a donc cartonné… C.C.: Il a été vendu à 2000 exemplaires. Pour un ouvrage régionaliste, c’est un bon résultat. Les personnes aiment que l’on parle de leur village, de leur ville. L.P.P.: Aujourd’hui, qui sont les garants et les transmetteurs de cette tradition orale? Est-elle encore vivace? Et à quels endroits? C.C. Les écrivains régionalistes pas- sionnés des mythes et des légendes de leurs régions, les conteurs, les jeunes ont une mission : celle de se réappro- prier ce patrimoine légendaire, de lui redonner du sens, de le faire vivre. Il est important de témoigner de la riches- se et de la diversité de nos légendes et surtout d’en être fier. L.P.P.:La religion n’a-t-elle pas utilisé lesmythes? C.C.: Beaucoup de mythes sont inspirés de la religion. Les histoires de diables, de miracles divins, d’objets craints ou vénérés sont légion dans le Doubs. Ce département était très croyant, d’où ce panel d’histoires liées à la religion. De même, les raz-de-marée sont souvent la conséquence de punitions divines par- ce que les hommes n’ont pas respecté certaines règles d’hospitalité (c’est l’origine de la naissance du lac de Saint-Point), les êtres humains métamorphosés en animaux,ou les revenants sont condam- nés à expier leurs péchés parce qu’ils n’ont pas respecté les jours saints.

thème? C.C.: Je vais écrire “Les mystères de la Loire-Atlantique” où j’habite désormais et publier un livre sur le cheval com- tois. Propos recueillis par E.Ch.

fée… C.C. Il faut éviter de marcher sur l’herbe d’or, être patient et croire au merveilleux.

L.P.P.:Publierez-vous d’autres ouvrages sur ce

La roche qui danse C ette roche, d’une surface plate de 40 m 2 , offre une vue plongeante sur Nans-sous-Sainte-Anne. Une légende raconte que ce rocher “danse une fois tous les 100 ans.” Se pose une question : quand la roche a-t-elle dansé pour la dernière fois ? On dit que quiconque la verra s’agiter connaîtra un bonheur et une félicité éternels. Les habitants atten- dent toujours. MONTMAHOUX

L’éperon rocheux de Montma- houx danse

une fois tous les 100 ans

(photo Guy Decreuse).

L.P.P. : Un secret pour voir la Vouivre ou une

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