La Presse Bisontine 72 - Décembre 2006

L’ÉCONOMIE

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ROCHE-LEZ-BEAUPRÉ Mobilier et stand 100 % carton Luc Noto : “Nous passons pour des défricheurs” Créateur de l’entreprise O.C.A. Stands, Luc Noto en a cédé la direction à Éric Gautherot. Il développe désormais un nouveau secteur : la création de stands dégradables en carton.

L a Presse Bisontine : Vous avez inventé des isoloirs en carton - un modèle est spécialement adapté pour les personnes à mobilité réduite. Où en êtes-vous dans la commercialisation de ce produit innovant, écologique, sachant que fin novembre vous participez au salon des collectivités ? Luc Noto : L’approche des municipa- lités n’est pas simple. Nous avons décidé de faire un test auprès de 1 000 mairies en commençant par envoyer une lettre avec des images du pro- duit et un tarif. Cette démarche a été suivie par une opération de relance téléphonique. D’abord, nous nous sommes aperçus qu’il était très dif-

PATRONAT Augmentation du versement transport Les patrons se rebellent contre l’agglo Les chefs d’entreprise protestent contre l’augmenta- tion du versement transport décidée par la C.A.G.B. Certains menacent même de quitter l’agglomération. A utour de la table, ils étaient tous là, représentants du M.E.D.E.F., de l’U.I.M.M., de la C.C.I., de la fédération du bâtiment, automobile ou des résineux du Haut-Doubs… Le patronat bisontin au grand com- plet, réuni le 9 novembre dernier à laC.C.I. duDoubs pour protester contre l’augmentation du “versement transport” décidée par la communauté d’ag- glomération du Grand Besançon. Cette taxe, versée en fonction de leur masse salariale par toutes les entreprises de plus de 9 salariés, instituée pour participer au financement des transports publics, doit augmenter de + 0,7 % d’ici en trois ans. Le versement transport passera ainsi de 1,3 % à 1,8 % de la masse salariale en 2009. Chez les patrons, cette augmentation passe mal. Surtout, affirment-ils, qu’elle vient s’ajouter à une “augmentation duS.M.I.C. de + 17%en quatre ans.” “C’est important que les responsables politiques apprennent à gérer leur budget en bon père de famille. Si on n’a pas les sous, on ne le fait pas. Il faut arrêter de taxer les entreprises” , tempête Jean-Louis Dabrowski, le président de la chambre du commerce et de l’industrie du Doubs. “Chaque année, c’est un jeu continuel d’augmentationdes taxes entre le Conseil régio- nal, le Conseil général et la C.A.G.B.” De son côté, la communauté d’agglomération justifie son augmentation par Mais l’augmentation de la fiscalité au sein de l’agglomération bisontine a ses effets pervers, mettent en garde les chefs d’entreprise. “Cela ades consé- quences négatives sur l’emploi. On est sur le frein de l’embauche” , affirme Philippe Régnier. Selon la C.C.I., une entreprise de 50 salariés de l’agglo- mération aurait ainsi vu le montant de son versement transport passer de 18 500 euros à 26 600 euros entre 2006 et 2009. Résultat, certaines entre- prises préféreraient quitter l’agglomération pour s’implanter en Haute- Saône ou dans les communes voisines, où la fiscalité est moindre. “Cette augmentation supplémentaire est extrêmement dangereuse. C’est une invi- tation à partir dans certains cas, hors duDoubs oude laC.A.G.B.” , reprend M. Dabrowski. Selon une étude réalisée par l’U.I.M.M. auprès de ses adhé- rents, le niveau de la fiscalité arrive en deuxième position parmi les rai- sons qui incitent les chefs d’entreprise à délocaliser leur activité. “Quand vous avez une entreprise de peinture où la masse salariale représente 80 % du chiffre d’affaires, être pénalisé de 1,8%sur celle-ci est énorme. C’est ensui- te difficile de lutter face à des sociétés concurrentes implantées à 20 km et Fuite vers la Haute- Saône. la nécessité de financer son futur projet de transport en com- mun en site propre, estimé à 150millions d’euros. “Onne remet pas en cause les transports publics. Mais ce n’est pas aux entre- prises de financer le coût du transport public carmoins de 10% de nos salariés l’utilisent” , affirme le président duM.E.D.E.F., Philippe Régnier.

ficile d’entrer en contact avec la per- sonne compétente en mairie capable de gérer ce genre de dossier. Le second problème auquel nous sommes confrontés est que les mairies fonc-

“C’est un positionnement durable pour O.C.A.”

Luc Noto : “L’approche des municipalités n’est pas simple.”

tionnent par appel d’offres. Souvent, elles ont rédigé leur cahier des charges sur la base des isoloirs qui se faisaient jusqu’à présent avec une ossature métallique. Le carton est donc exclu des critères. Enfin, le carton souffre d’une image de fragilité apparente. L.P.B. : Le carton est méconnu dans l’usage que vous en faites. Ça vous dessert ? L.N. : Quand vous dites “carton” à quel- qu’un, il vous répond “boîte à chaus- sure”, “emballage”, etc. Mais person- ne ne pense à dire que les Chinois par exemple faisaient des meubles en pâte à papier et que les entreprises de luxe font du carton une priorité. Le carton n’est pas un produit pauvre. C’est un produit naturel spécifique qui est mil- lénaire. Il y a une méconnaissance totale de ce matériau tant sur son usa- ge, sur ses qualités mécaniques, que sur son recyclage. L.P.B. : Alors O.C.A. est avant-gardiste dans ce chantier ? L.N. : Dans l’esprit, je pense que nous passons pour des défricheurs. Nous avons commencé à commercialiser les concepts en carton fin 2005. Après un an, ça commence à faire du bruit. Nous

sommes dans nos objectifs.

dexpo qui organise des salons. Nous sommes ainsi intervenus massive- ment sur le dernier salon Pollutec à Lyon (salon international des équi- pements pour l’environnement). L.P.B. : L’intégration du carton dans l’activité de la société O.C.A. vous ouvre-t-elle de nou- velles perspectives de développement en plus de celle du stand ? L.N. : Le carton a apporté trois nou- veautés à O.C.A. Avant l’utilisation de ce produit, nous étions une socié- té comme une autre. L’utilisation du carton dans la construction de stands nous a mis sous les projecteurs car le procédé était original. Comme nous sommes sur une niche, nous nous sommes rapprochés de nos concur- rents pour leur vendre le concept. Maintenant, nous figurons dans leur catalogue. Ensuite, nous sommes

L.P.B. : Quel avenir économique peut-on donc prédire à votre concept qui s’inscrit en plein dans la mouvance écologique actuelle ? L.N. : C’est une longue marche. Une marche progressive. La prochaine génération naîtra avec cette sensibi- lisation écologique. J’ai bon espoir. D’ici 5 ou 10 ans, la prise en compte de l’environnement dans l’entreprise sera totale. C’est un positionnement durable pour O.C.A. L.P.B. : D’ailleurs, quand avez-vous engagé la réflexion sur le carton ? L.N. : Cela fait cinq ans que nous tra- vaillons sur le carton. Pendant toute cette période, nous n’intéressions ni les fournisseurs, ni les clients. Le déclic s’est produit en 2005. Nous avons eu la chance d’être distingués par Ree-

Repères

compte. “Quand nous avons sorti le carton, nous avons voulu être cohérents jusqu’au bout. Par exemple, avec ces stands, on propose un mode d’éclairage économique. C’est un concept global que l’on vend et pas seulement du carton. Le but est d’être le plus écologique possible.” La société O.C.A. Stands emploie 16 personnes. Ses stands sont présents sur une trentaine de salons en France et en Europe. Elle réalise 90 % de son chiffre d’affaires à l’extérieur de la Franche- Comté. L’activité se concentre sur le dernier trimestre de l’année, période durant laquelle se tiennent la plupart des salons. “On réalise 60 % de notre chiffre d’affaires à ce moment-là.”

capables de créer du mobi- lier en carton qui sort de la norme. Nous avons donc élar- gi notre champ de compétence puisqu’on ne réalise plus seu- lement des stands pour les professionnels, mais avec le mobilier on peut toucher les col- lectivités et pourquoi pas le particulier. Propos recueillis par T.C.

“Elkarton”, la marque qui cartonne

Spécialisée dans la conception et la réalisation de stands d’exposition, la société O.C.A. Stands affiche sa sensibilité à l’environnement. Plutôt que de créer des installations pour des clients qui seront détruites après un salon, elle a mis en place un système de location. “Le mélaminé et stratifié sont jetés. Dans l’industrie du stand, on pollue beaucoup. Pour y remédier, nous avons donc copié ce qui se faisait dans la location de voitures longue durée. Nous garantissons à notre client le prix et l’entretien du stand” indique Luc Noto.

Tous les modules sont stockés dans un espace de 5 000 m 2 à Roche-lez-Beaupré, prêts à être réutilisés sur simple demande. Par son mode de fonctionnement qui s’inscrit dans une démarche de développement durable, O.C.A. se démarque de ses concurrents. Cette société creuse encore l’écart avec la marque “Elkarton” sous laquelle elle commercialise principalement des stands en carton. Par la même occasion, elle jette un pavé dans la mare du stand traditionnel, un secteur où l’environnement n’avait jamais été pris en

qui ne sont pas soumises à ce ver- sement transport” , explique le président départemental de la fédérationdubâtiment. “Les com- munes de Haute-Saône ont de beaux jours devant elles” , pour- suit Jean Garnache, P.D.G. de l’entrepriseGarnacheTransport. Installé à Valentin avec ses 125 salariés, il cherche désormais à s’implanter en dehors de la C.A.G.B. “Je commence à pros- pecter dans la région, voire en Suisse. Être à Besançon coûte cher.” S.D.

Le “versement transport” doit pas- ser de 1,3 % à 1,8 % d’ici 2009. Trop pour les patrons bisontins.

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