La Presse Bisontine 83 - Décembre 2007

LE PORTRAIT

La Presse Bisontine n°83 - Décembre 2007

43

BESANÇON

Le Conte des mendiants à Montréal Rafik Harbaoui, bâtisseur de ponts Rakik Harbaoui est le créateur de la Boutique

j’ai commencé à donner un coup de main à MadjidMadouche pour les ani- mations à l’Amitié.” Il observe, apprend, s’essaye. 1981 : date fatidique pour lui, et les communautés étrangères : la loi auto- rise les étrangers à monter leur asso- ciation. Rafik saute sur cette liberté soudaine et crée sa première compa- gnie de théâtre. “On en avait un peu marre de l’esprit football dans les quar- tiers. On pensait théâtre.” C’est là qu’il commence à s’initier à la comédie dans cette compagnie des Épines, avec ses potes d’alors. À 22 ans, il a sa révéla- tion. “Après le français et l’arabe, le théâtre est devenuma troisième langue.” Une langue d’ouverture sur lui-même et sur le reste du monde. Le premier personnage qu’il joue, Ali, un déraciné traumatisé par l’exil, le marquera longtemps. Les années quatre-vingt dans le secteur de l’Amitié, c’est le temps des actions intercultu- relles, du théâtre melting-pot . C’est à cette époque qu’il ouvre avec d’autres un centre d’échanges interculturels à Planoise, véritable carrefour des cul- tures. “J’étais alors animateur et comé- dien. Jusqu’en 1986 où j’ai annoncé que je souhaitais créer une compagnie professionnelle.” La Boutique du Conte naît en 1987. À la tête de sa troupe, Rafik Harbaoui construit alors tout un réseau avec les écoles, les associations, les fédérations des œuvres laïques dans toute la Franche-Comté. Devenu “conteur, à force de raconter” , il est appelé pour intervenir auprès des scolaires. En parallèle, il signe des créations théâ-

du Conte, une troupe de théâtre qui va, de place en place, conter les belles paroles. La troupe bisontine vient de s’envoler pour le Québec où elle donne plusieurs représentations.

C omédien, acteur, auteur, sal- timbanque, créateur, meneur de projets, écrivain ? Qui est-il Rakik Harbaoui ? Rien de tout cela ou un peu de tout. Il se définit simple- ment comme “un conteur en éveil. J’ose dire, seulement depuis trois ou quatre ans, que je suis un artiste.” Pourtant, le Bisontin a 25 ans de travail et de créations derrière lui. Le 20 novembre, lui et sa petite trou- pe s’envolaient pour Montréal, la capi- tale du Québec, où ils participent au festival “État d’urgence”. Oh, rien de conventionnel non plus dans ce ren- dez-vous culturel qui a été créé pour les gens de la rue. Cette manifestation prend la forme d’un camp humanitai- re en plein centre-ville de Montréal à destination des exclus. Deux grands chapiteaux ouverts 24 heures sur 24 où une soixantaine d’artistes propo- sent leur démarche dans le but de sti- muler la réflexion sur la condition humaine et la cohésion sociale. “Nous ne faisons que des créations, c’est cela notre force de frappe. Nous avons tou- jours été proches de ce qui se passe dans les transformations sociales. C’est notre démarche, d’éducation populaire, à vocation sociale. Ce festival québécois nous correspond bien” justifie-t-il.

C’est d’ailleurs cet esprit qui fait avan- cer Rafik depuis son enfance dans les tours de l’Amitié à Saint-Ferjeux. Avant de trouver sa voie, il a d’abord fallu que Rafik recolle les morceaux entre la France où il est né et l’Algérie, son pays d’origine dans lequel il est repar- ti tout gamin avant de revenir sur Besançon en 1968 où son père a rap- pelé toute la famille. “Ces racines médi- terranéennes, ces échanges permanents, on les retrouve dans tous mes spec-

Rafik Harbaoui est depuis vingt ans à la tête de la Boutique du Conte. “L’esprit nomade, je l’ai complètement” affirme-t-il.

tacles. Européens et Arabes, nous avons le même passé, il ne faut pas l’occulter.” Dans le quartier de l’Amitié, Rafik doit pas- ser de l’arabe au fran- çais sans transition. Il commence alors son “parcours du combat- tant” : l’école - “pas faci- le” -, puis trois années de C.A.P. jusqu’au diplô- me de chauffagiste, puis un bac technique. “Puis un peu de chômage, c’était l’époque” , avant de travailler avec son père, monteur en chau- dières. “Parallèlement,

À Besançon, on ne le voit que rarement.

trales. Voilà vingt ans que le conteur bisontin, avec son compère Jean-Michel Haffner, parcourt la France, l’Afrique, parfois le reste du monde pour semer sa parole et sa vision du monde. Onirique, toujours axé autour des injus- tices sociales, du dialogue des peuples. Il bâtit des ponts entre les hommes, les cultures, il crée du lien. À Besan- çon, sa terre de naissance (pour le

théâtre), on ne le voit que rarement. La faute à une nomenklatura de la cul- ture officielle qui l’ignore, ou presque. Il le sait mieux que quiconque, nul n’est prophète en son pays… Alors il passe son chemin, le sourire en coin. Persuadé qu’il a en lui la bon- ne parole. Il la distille alors à ceux qui veulent bien l’écouter. J.-F.H.

SOLEVA Automobiles Z.I. THISE 03 81 80 68 31 www.deffeuille-auto.fr

Made with FlippingBook - Online Brochure Maker