1900 Le pays du cognac by L Ravaz

LE PAYS DU COGNAC

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L'édit du 5 juin 1731 avait sans douteété rendu sous l'empire de cette idée que le vin était produit dans notre région en trop grande abondance, et qu'au contraire la culture des céréales n'y était pas en rapport avec les besoins de conso1nmation des habitants. Fausse conception de l'intérêt public dont nous trouvons une merveilleuse réfutation digne des futurs éconon1istes de l'école des Adan1 Sn1ith, des J. B. Say, des Bastiat et des Cobden, dans /'histoire de La Rochelle par le père Arcère, oratorien, publiée en 1757. «J'entends dire, écrit à cette époque le savant historien Rochelais , que les vignobles occupent trop de terrain, ce qui fait que dans les années d'une pleine récolte l'abondance est presque aussi ruineuse que la disette, le bas prix de la vente n'excédant pas le prix des façons de culture et l'achat des futailles. li faut l'avouer, le cas peut arriver quelquefois, n1ais ne l'imputons pas à l'abondance du vin, qui n'en est que l'occasion. Nous en trouverons bientôt la vraie cause. « De quel usage seraient donc nos campagnes, si le propriétaire ne leur donnait pas des vignes à nourrir . Le sol qui en est aride, maigre, pierreux, n 'a guère que quelques pouces de profondeur. Un roc vulgaire1nent no1nn1é banclze en est le stérile fondement. Les grains viennent assez mal sur cette n1ince superficie, la moindre sécheresse les fait languir. Les vignes au contraire réussissent parfaite1nent dans ce terrain qui se1nble fait pour elles. « Dèslors que la na tore se déter1nine pour une sorte de production c'est à nous à la favoriser; si nous la contrarions, elle ne sera pas tnoins rebelle à nos soins ; nos efforts ne la don1pteront pas. « Ici se présente un problèn1e économique à résoudre : est-il expédiant de din1inuer les plantations des vignes? Il importe évidemment à l'Etat que les fond s de terre S')Îent cultivés, 1nais le choix de la culture applicable à ces fonds doit être abandonné au propriétaire; il n'est pas possible qu'il s'égare dans son choix, car l' intérêt est sa règle. Il faut donc le laisser suivre son goût, essayer, hasarder, entreprendre. Quel est son but quand il plante, qu'il sème ou qu'il défriche? C'est de subsister, c'est de gagner. S' il tire de sa culture une subsistance honnête, s'il a du bénéfice, il peut avec ce qu'il a suppléer à ce qui lui manque, et l'Etat partage avec lui les bénéfices dont il jouit; mais s'il perd en se livrant à ces opérations, s'il se met mal à son aise, si plusieurs années d'épreuves et d'expériences le convainquent de l'inutilité de ses travaux, à coup sûr il les abandonnera : l'intérêt l'ordonne, il obéit ... »

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