Journal C'est à Dire 124 - Juillet 2007

D O S S I E R

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Val de Morteau Les agences intérim font grise mine La rentrée est dure pour les agences de travail temporaire qui trouvent de moins en moins de main-d’œuvre pour combler les postes dans les entre- prises du Haut-Doubs qui ont besoin de personnel.

Suisse

L’horlogerie recrute à tour de bras ! L es prévisions annoncées par la Convention patro- nale de l’industrie hor- logère suisse sont spec- 2 100 nouveaux emplois devraient être créés dans l’horlogerie suisse d’ici à 2010. Le phénomène frontalier n’est pas à la veille de s’essouffler.

L a fuite de la main-d’œuvre vers la Suisse est telle que les agences intérim du Val de Morteau galèrent pour trou- ver du personnel aux entreprises duHaut-Doubs qui en ont besoin. “C’est un contexte que l’on a enco- re jamais vu” indique l’agence Vediorbis. Tous les métiers sont touchés. Qu’il s’agisse de micro- technique, d’agroalimentaire, du bâtiment ou de travaux publics, les “clients” ne se pressent pas au portillon pour pouvoir les postes proposés en France. “Beau- coup de gens qui étaient en mis- sion avec nous sont allés de l’autre côté de la frontière.” L’ambiance est morose dans les enseignes de travail temporaire. Les observations sont identiques chez Manpower. En cette ren-

trée, “l’hémorragie se confirme. Des contrats que l’on a signés cet été ne sont pas forcément recon- duits car les personnes ont pris un poste un Suisse. C’est inquié- tant.” Les agences intérim n’ont

vent jongler avec le turn over des employés. L’organisation évolue sans cesse. Et si jusqu’à présent ils pouvaient espérer remplacer les éléments manquants de leur équipe en faisant appel aux

taculaires : d’ici à 2010 la filiè- re recrutera 2 100 nouveaux pro- fessionnels. Soit une augmenta- tion de 18 % de personnel. Avec de tels besoins le phénomène frontalier n’est pas prêt de s’es- souffler. L’industrie horlogère qui est en excellente santé, crée de l’emploi de façon constante. “Les effectifs de la branche ont atteint 44 444 travailleurs en 2006. Ce qui signifie que 2 700 personnes (+ 6,5 % par rapport à 2005) ont rejoint ses rangs en une année” révèlent les conclu- sions du recensement qu’effec- tue chaque année cet organis- me. Avec de telles perspectives, les Helvètes ont le moral, mais gardent la tête froide. “Les pré- visions que nous annonçons sont liées à la conjoncture actuelle. Nous ne pouvons pas prédire l’avenir non plus.” Dans l’immédiat, tous les indi- cateurs sont au beau fixe. Aucun signe ne laisse présager que la tendance pourrait s’inverser. Ce dynamisme suisse inquiète les acteurs de l’économie française qui redoutent notamment que nos voisins en profitent pour fai- re du dumping social en allant chercher de la main-d’œuvre meilleur marché en Europe de l’Est par exemple grâce aux accords bilatéraux. “Les syndi- cats nous reprochent parfois de faire du dumping salarial. Mais cela n’a jamais été prouvé. Ce n’est pas un problème qui touche notre industrie qui a recours à

même plus deux mains et deux bras à mettre à dis- position des entrepreneurs à la recherche d’opéra- teurs, de polisseurs, de techniciens, pour faire

agences intérim, cette piste commence à prendre la forme d’une impasse. “C’est affolant” confie-t-on chez Manpo- wer.

“C’est affolant”

dit-on chez Manpower.

fonctionner leur ligne de produc- tion. Sans ces hommes et ces femmes, l’entreprise est frei- née dans son développement. C’est la raison pour laquelle les entrepreneurs commencent à fai- re les yeux doux à des métiers qui se font rares pour les conser- ver. En attendant, les patrons doi-

Même les étudiants qui venaient jusqu’à présent frapper à la por- te des sociétés de travail tempo- raire pour trouver un job d’été, n’hésitent plus maintenant à passer directement la frontière. “On galère même pour trouver quelqu’un pour tenir un panneau de signalisation en bord de rou- te sur un chantier.” C’est dire. ■

Plus de 2 000 emplois nouveaux doivent être créés d’ici trois ans.

dont le dynamisme entre en concurrence directe avec le Haut- Doubs où les armes commencent à manquer pour valoriser ce qui reste de notre industrie horlogè- re. ■

un personnel formé et qualifié.” L’horlogerie suisse se répartit principalement sur quatre can- tons : Genève, Neuchâtel, Vaud et Berne. Des zones géogra- phiques en pleine expansionmais

Même les étudiants passent la frontière pour un job d’été.

Swiss made Produire en Suisse et rien qu’en Suisse La Fédération Horlogère Suisse a entrepris les démarches pour renforcer le swiss made. Une décision lourde de conséquences notamment pour le réseau de sous-traitants si elle devait se concrétiser.

L’ entrée en vigueur en 2004 de la clause de libre circulation des personnes dans le cadre des accords bilatéraux a accéléré la fuite de la main- d’œuvre en territoire helvétique, tout en favorisant l’implanta- tion de nouvelles entreprises. Ajoutez à cela l’arrêté Bonny qui accorde aux sociétés des avantages fiscaux “extravagants” (exonération de taxe profession- nelle pendant pouvant aller jus- qu’à 10 ans) selon François Mazière, directeur de la chambre de commerce du Doubs et on comprend pourquoi les entre- prises françaises sont à la pei- ne dans le Haut-Doubs. “La mécanique suisse est bien hui- lée” et le dernier rouage qui com- plète la pendule est cette ambi- tion des industriels helvétiques de renforcer le swiss made, qui pourrait obliger à terme les sous- traitants tricolores à délocali- ser pour produire en territoire helvétique. Rien ne semble pou- voir aujourd’hui arrêter les hor- logers suisses dans leur démarche. L’heure a sonné ! En juin dernier, la Fédération Horlogère a acté le principe d’un durcissement du swiss made. Ainsi, “serait considérée comme montre mécanique suisse la montre dont 80 % au moins du coût de fabrication est imputable à des opérations effectuées en

Suisse.” Pour les montres élec- troniques, ce taux serait de 60 %, un chiffre qui correspond à celui acté dans l’accord de libre-échan- ge entre la Suisse et L’Union Européenne. La construction et le prototypage devraient être conçus également en territoire helvétique. “Sont exclues du coût de fabrication la matière pre- mière et les pierres précieuses ainsi que les piles” note la Fédé- ration Horlogère. Sous sa forme actuelle, le swiss made stipule que 50 % du mou- vement doit être fabriqué en Suisse. Un taux insuffisant pour pour le renforcement de ce label, quelles qu’en soient les consé- quences dans l’organisation de la filière horlogère. “Les sous- traitants devront s’adapter com- me les marques” annonce un des représentants de l’organisation. Le message est clair. Les seuls qui méritent d’être bichonnés dans cette affaire, ce sont les consommateurs. Actuellement, lorsqu’un client achète une montre frappée du swiss made, il ne sait pas tou- jours qu’il suffit que seul le mou- vement de celle-ci soit fabriqué en Suisse pour qu’elle ait le label. les représentants de la profession. La majorité des membres de la F.H. (52 voix contre 8) s’est donc prononcée

La F.H. redoute que le consom- mateur ait le sentiment à ter- me d’être dupé en investissant dans un produit métissé avec des pièces provenant de Fran- ce ou d’Asie. L’objectif est que la majorité des composants de la montre soient fabriqués et assemblés en Suisse. Cependant, le renforcement du label ne se fera pas jour au len- demain. Il faut compter une dizaine d’années de démarches et de tractations avec l’Union Européenne en particulier qui pourrait juger la mesure protec- tionniste. chambre de commerce et de l’in- dustrie sont eux aussi mobili- sés. Ils sont prêts à constituer une “task force”, un groupe de spécialistes créé pour exécuter une mission temporaire à savoir : aller plaider la cause de la Franche-Comté à Bruxelles pour tenter de réduire le déséquilibre entre nos deux territoires. Insis- ter sur la formation et valoriser l’association française Luxe and Tech présidée par l’entrepreneur du Haut-Doubs Raphaël Silvant font partie des meilleurs atouts du territoire pour qu’il trouve sa place face à la Suisse. ■ “Heureusement, l’Union Européen- ne est mobilisée sur ce sujet majeur” remarque François Mazière. Les repré- sentants de la

Plaider la cause de la Franche-Comté à Bruxelles.

Aujourd’hui, 50 % des composants des mouvements sont fabriqués en Suisse

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