La Presse Bisontine 59 - Octobre 2005

13 LE DOSSIER

P ATRIMOINE Rénovation sous contrôle

R ÉNOVATION Dix millions d’euros supplémentaires pour la restauration Face à la grogne des professionnels de la restauration du patrimoine, l’État a déblo- qué de nouveaux fonds pour des opéra- tions de rénovation en région.

Toitures abîmées, murs en mauvais état. Pour de nombreuses demeures et châteaux, il faut restaurer sans cesse. Des travaux sont souvent très coûteux. Et l’aide financière de l’État reste limitée. Dans les demeures historiques, le casse-tête de la rénovation

“P our acheter un château, il faut vraiment du courage. Cela demande énormément d’in- vestissement. Même un salai- re élevé de cadre supérieur n’y suffit pas.” Déléguée nationale de la demeu- re historique, une association qui joue gros- somodo un rôle de syndicat des propriétaires de vieilles maisons de charme, MichèleMan- get connaît tous les dessous et les affres de la vie de château. “Quand on sait tout, ça ne don- ne pas forcément envie d’en acheter” , sourit- elle. Maisons demaître, châteaumédiéval ougrand siècle, demeures bourgeoises duXIX ème siècle, la Franche-Comté ne manque pas de bâti- ments historiques remarquables. Ils seraient à peu près 5 à 600 sur toute la région. Et la plupart appartient à des propriétaires privés. Un patrimoine qu’il faut cependant entrete- nir et même parfois remettre entièrement en état. Et cela coûte cher. “Le pire, ce sont les monuments de la fin du XIX ème siècle à res- taurer. Il y avait une vraie débauche demoyens, des choses très compliquées, hors de prix à rénover” , remarque Lionel Estavoyer, spécia- liste du patrimoine à la mairie de Besançon. Toitures à refaire, terrasses et murs à conso- lider, les coûts de travaux peuvent rapide- ment doubler la valeur d’achat. Et plus le châ-

“N otre sentiment, c’est qu’il y a eu une restriction très nette dans le budget. Donc il a moins d’opéra- tions de restauration et comme c’est notre activité économique, c’est plus dif- ficile d’en vivre” , affirme Aubert Gérard, le direc-

D.R.A.C., la direction régionale des affaires culturelles. Pour aider à la sauvegarde dupatrimoine, l’É- tat a une botte secrète, l’avantage fiscal sous forme de défiscalisation jusqu’à100%dumon- tant des travaux en cas d’ouverture au public. Mais si les propriétaires privés ont des aides, ils sont aussi très strictement contrôlés. Impos- sible de rénover sans tenir compte du style et des matériaux originaux. “Quand vous ache- tez unmonument historique, ce n’est pas pour le transformer en lui ajoutant des fenêtres en P.V.C. Vous vous trouvez contraint de garder le caractère d’origine, mais vous l’avez choisi” , explique Marc Wattel, directeur du service départemental de l’architecture et du patri- moine. C’est l’architecte en chef des bâtiments historiques - ils sont 55 dans toute la France - qui supervise les travaux dupatrimoine clas- sé. “Si on juge que cela va à l’encontre de la conservation des monuments, on peut refuser les travaux ou dans le cas contraire se substi- tuer au propriétaire quand le bâtiment est en péril” , poursuit Pascal Migneret. “Il y a deux choses qui tuent lesmonuments : l’absence d’ar- gent des propriétaires qui interdit les restau- rations nécessaires et l’excès d’argent. Car si on se met à tout refaire à neuf, ce n’est plus un monument, c’est Disney.” O S.D.

emplois dans tout l’Hexa- gone, est directement affec- té par le nombre de chan- tiers. “On a eu des difficultés sur les crédits de paiement, cela a créé quelques tensions” , recon- naît Pascal Migneret, à la D.R.A.C. Sensibilisée à la fragilité

teau est grand ou abîmé, plus la tâche est immense et parfois hors de portée des pro- priétaires. Pour cela, il existedesaidespubliques à la restauration des demeures remarquables privées. Une aide de l’État et des collectivi- tés territoriales qui peut aller jusqu’à 50 % du coût des travaux, lorsque le bâtiment est classé aux monuments historiques, c’est-à- dire reconnu d’intérêt national et atteindre 10 à 20 % quand il n’est qu’inscrit aux monu- ments historiques, pour le patrimoine de moindre importance. Mais lesmoyens sont faibles, voire très faibles. Le budget total alloué à la sauvegarde du patrimoine en France atteint les 500millions d’euros en 2005, dont 4 millions sont dédiés à la Franche-Comté. Une somme à laquelle il faut toutefois ajouter la part versée par la Région et leDépartement également. Pas suf- fisant pour couvrir tous les besoins. “Les tra- vaux d’entretien ne sont plus aidés. Seule la restauration peut être financée. Mais quand les dotations diminuent, il faut attendre” , explique Michèle Manget. “Globalement, il n’y a pas eu de baisse dumontant consacré au patrimoine. Mais en 2002, on a recensé les sites avec des urgences sanitaires à traiter en priorité, donc de fait, les crédits ont été concen- trés” , affirme Pascal Migneret, conservateur en charge des monuments historiques à la

du secteur, la D.R.A.C. affir- me “essayer de maintenir un équilibre entre les différents savoir-faire lors du choix des chantiers à

teur du centre de restauration des œuvres d’art et du patrimoine, implanté à Vesoul. Pour faire face à la grogne des

“On ne peut qu’applaudir et encourager l’État.”

professionnels du patri- moine, qui menaçaient de perturber les Journées du patrimoine, le ministère de la Culture a débloqué 10 millions d’euros pour des opérations de restau- rations en région. Maîtres- verriers, tailleurs de pier- re, le secteur de la restauration, 45 000

venir, afin de permettre à toutes les entreprises de continuer à travailler.” Aubert Gérard, lui, se dit satisfait des mesures annoncées. “On ne peut qu’applaudir et encoura- ger l’État. Car le patri- moine, qui est un élément moteur du tourisme, en a besoin.” O

G ENEUILLE Château de la Dame blanche Les châteaux se transforment en hôtel de luxe

Agent immobilier, Michel Bitard a racheté le château de la Dame blanche à Geneuille et l’a transformé en hôtel-res- taurant de luxe. Une façon de tirer parti du cadre.

D ans l’ancien corps de ferme, Michel Bitard déambule entre les planches de bois et les kilo- mètres de fils qui courent sur le sol et tient à montrer l’avan- cée des travaux. Treize nou- velles chambres, de style plus moderne, devraient bientôt venir compléter l’hôtel-res- taurant de la Dame blanche. bilier bisontin l’a acheté il y a trois ans. La demeure est beau- coup trop vaste pour être habi- tée, Michel Bitard décide d’en faire un hôtel ainsi qu’une sal- le de séminaires. Comme la Dame blanche, de nombreux châteaux servent de cadre à des lieux de villégiature ou de loisir souvent haut de gamme. Une façon de tirer profit de la disposition des lieux et de financer l’entretien. “Mais cela coûte cher et prend du temps. Tombé en admira- tion devant ce petit château au milieu d’un immense parc arboré de 7 hec- tares, l’agent immo-

Sans une autre activité, je ne m’en sortirais pas. Tout est démesuré. Les gens ont ten- dance à nous comparer aux autres restaurants du centre de Besançon. Sauf que les charges ne sont pas compa- rables. Il me faut entretenir un terrain immense, chauffer, les frais sont énormes” , affirme Michel Bitard.

L’hôtel est encore déficitaire et perd 200 000 euros chaque année. Mais la clientèle est là. “Pendant la belle saison, on marche très fort,

“Des Allemands qui sont arrivés en hélicoptère.”

surtout avec les mariages et baptêmes. Et la clientèle vient de partout. Des Lyonnais, des Parisiens, des Suisses.” Avec fierté, le propriétaire raconte avoir reçu déjà à plusieurs reprises des artistes du show business , Michel Sardou, l’imi- tateur Laurent Gerra, et des clients fortunés un peu excen- triques, “des Allemands qui sont arrivés dans le parc en hélicoptère.” O S.D.

Michel Bitard, propriétaire du château de la Dame blanche à Geneuille.

Difficile de rentabiliser rapidement un tel édifice.

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