La Presse Bisontine 59 - Octobre 2005

L’ÉCONOMI E

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C ONSOMMATION Un marché totalement faussé Thévenin-Ducrot : “La hausse des carburants est dramatique pour nous aussi” Le prix de l’essence est la préoccupation majeure des Français actuellement. Contrairement aux apparences, ça n’arrange par les affaires de la société Thévenin-Ducrot, propriétaire de plusieurs stations-services dans le Grand Besançon. Entretien avec le directeur, Nicolas Ducrot.

L a Presse Bisontine : A-t-on déjà ren- contré ce phénomène ? Nicolas Ducrot : Nous n’avons jamais connu de variations aussi impor- tantes. Le baril de brut était à 20 dol- lars fin 1997, il était tombé à 10 dol- lars en février 1999, il est récemment monté à 70 dollars ! Une seule fois, nous avons connu d’aussi fortes varia- tions mais c’était sur une période très limitée, entre août et octobre 1990, au moment de la crise du Golfe. La différence aujourd’hui, c’est que la situation entre l’offre et la demande a changé. L’offre n’est pas élastique, elle n’est qu’1 à 2,5 % supérieure à la demande actuelle. Ajoutons à cela les cyclones aux États-Unis dont on dépend à 100 %, et nous arrivons à une telle situation.

à 2,50 F. Il est aujourd’hui à 4,56 F ! Pour nous, la marge n’est pas plus importante car nous dépendons du prix fixé par les raffineries. Les gens remplissent leur cuve en plusieurs fois, nous allons donc 3 ou 4 fois dans l’année chez le même client, ce sont encore des charges supplémentaires pour nous. Enfin, le fuel domestique est la seule énergie de chauffage à subir la T.I.P.P. (N.D.L.R. : taxe intérieure sur les pro- duits pétroliers). C’est une injustice que nous dénonçons. L.P.B. : La hausse peut-elle se poursuivre ? N.D. : Cela fait six mois que l’on dit que ça ne peut plus augmenter et ça continue ! Il faut préciser aussi, phé- nomène nouveau, qu’il y a beaucoup

N.D. : Au contraire. En ce moment, nous vendons des produits à perte. Sur la seule journée du 31 août, le mètre cube de super sans plomb a connu une hausse de 65 euros, soit + 15 %. C’est impossible de répercu-

Les prix à la pompe n’ont jamais été aussi hauts. Dans plusieurs stations, le super a dépassé 1,52 euro, soit plus de 10 F le litre !

de spéculation de la part des fonds de pension sur le pétrole. Le marché est faussé à cause de cela aussi. L.P.B. : Qui sont les grands gagnants dans cette affaire ? N.D. : Les seuls gagnants sont les grandes compagnies qui possèdent les champs pétrolifères et les pays producteurs qui possèdent les réserves de brut. Leur coût d’extraction reste le même mais leurs bénéfices explo- sent. L’autre gagnant est l’État. Sur 1 euro T.T.C. de super sans plomb, il y a 75,30 % de taxes prélevées par l’État.

L.P.B. : Allez-vous être obligés de prendre des mesures sur les 415 stations que vous gérez ou sur vos 450 salariés ? N.D. : Nous sommes obligés de faire le dos rond en attendant que l’orage passe. Nous avons la chance d’avoir une société saine financièrement qui a su mesurer les risques. En 2001, on s’est diversifié sur les stations d’autoroutes. Mais paradoxalement, sur les autoroutes, ce sont les pro- duits dérivés (alimentation…) qui nous permettent d’enregistrer des bons résultats, et non la vente de car- burants. O Propos recueillis par J.-F.H.

ter sur le prix à la pom- pe. Nous serons obligés de la faire progressive- ment. La hausse du prix des carburants est dra- matique pour nous. Nous passons des moments dif- ficiles car en plus la

“Nous sommes obligés de faire le dos rond.”

consommation est en baisse. C’est le cas aussi pour le fuel domestique. L.P.B. : Comment a évolué le prix du fuel ? N.D. : On va raisonner en francs, com- me le font encore beaucoup de consom- mateurs. Il y a deux ans, il était à 2,10 F le litre. En 2004, il est monté

L.P.B. : C’est bon pour vos affaires !

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