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bien qu’ayant changé de propriétaire. Chaque jour, l’église accueille des petites ballerines tandis que s’en échappe une toniquemusique de piano : une reconversion réussie ! De grands hôtels de voyageurs ouvrent. Le premier est le Germania, au nom tristement prédestiné : en août 1869, à la veille de la guerre franco-prussienne et de la chute de l’Empire, c’est là que loge l’impératrice Eugénie, venue assis- ter au centenaire de la naissance de Napoléon I er . Le plus spectaculaire est le Grand Hôtel d’Ajaccio et Continental, construit par l’architecte Barthélemy Maglioli, inauguré en 1894 et géré par le cousin de César Ritz. Il dispose de cent chambres, d’un orchestre, d’un parc et l’on peut y con er ses enfants aux sévères gouvernantes bernoises. Dans son ouvrage Ajaccio station d’hiver (1868- 1916), publié par le Journal de la Corse, l’historien Paul Luc- chini amis lamain sur unmenu du 27 janvier 1895 : potage aux queues de tortue, chaud-froid de perdrix en belle vue, asperges violettes au beurre de Briançon, oie de Stras - bourg rôtie aux marrons. La diététique était alors une pré- occupation secondaire… La deuxième vie des palaces Que sont devenus ces marqueurs de la Belle Époque ? Le Grand Hôtel a connu une reconversion éclatante : il ac- cueille désormais l’Assemblée de Corse. Un peu plus loin, cours du Général-Leclerc, l’hôtel Cyrnos, transformé en appartements, fait le bonheur des professions créatives, architectes et designers. Sa cage d’escalier peinte en cieux et nuages invite à la rêverie. Les cottages Baciocchi, objet d’un scandale retentissant à l’époque (Baciocchi avait ob- tenu les terrains pour une bouchée de pain), plaisent aux sociétés de notaires ou à l’agence du patrimoine. Il reste bien d’autres souvenirs nostalgiques de ce passé révolu comme la Villa des Glycines, ce petit hôtel où séjourna le jeune Matisse (angle de la rue Gabriel-Péri et du boule- vard Sylvestre-Marcaggi), et d’où il peignit son beau Mur rose . Ou encore le princier palais Conti. « Ce fut la première demeure construite dans ce quartier d’Ajaccio en 1855. Cet homme puissant, ancien receveur-général de Gironde, se t muter à Ajaccio, où il présida la Société d’agriculture, des sciences et des arts. Son superbe hôtel particulier servit très brièvement de musée napoléonien, pour une exposi- tion entremai et août 1855. Mais lamunicipalité n’ayant pas eu les moyens de l’acquérir, sa vocation ne persista pas ! » , explique notre guide, Philippe Perfettini, responsable des collections napoléoniennes au musée Fesch.

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1864 une notice dithyrambique sur la Corse et la station d’Ajaccio. Une température hivernale de 13 °C enmoyenne : plus douce que celle qui règne à Nice, dans cette région concurrente qu’un journaliste inventif va bientôt baptiser la Côte d’Azur. Il nemanque plus que l’homme charismatique qui servira de catalyseur. Ce sera une femme… L’in uence deMiss Campbell En 1859, un médecin établi sur place, le docteur James Henry Bennet, tresse les éloges d’Ajaccio dans le Times de Londres. Deux ans plus tard, l’écrivain Thomas Fores- ter encense l’île dans ses Rambles in the Islands of Corsica and Sardinia [aux éditions Andesite Press, en anglais, ndlr] . C’est dans la lignée de ces prédécesseurs britanniques que s’inscrit Miss Thomasina Campbell. Cette énergique Écossaise, célibataire à la poigne de fer, s’installe en 1867 et produit aussitôt sa propre monographie, Notes sur l’île de Corse en 1868 (Hachette) ! Elle investit sans compter sa fortune, achetant des terrains pour bâtir sa villa des Paons, en pierres apparentes, et nançant la construction d’une église anglicane. Il fallait bien veiller à la santé religieuse de ses concitoyens ! Les deux édi ces sont encore debout,

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