La Presse Bisontine 77 - Mai 2007

BESANÇON

Presse Bisontine n°77 - Mai 20077

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SOCIAL Insertion Ex-prisonnier cherche emploi À l’occasion des états régionaux de la Fédération Nationale des Associations d’Accueil et de Réinsertion Sociale de Franche-Comté, l’heure est au bilan et aux propositions. Le temps de se consacrer à des catégories de populations exclues, et plus particulièrement aux ex-détenus.

Les Entreprises de Travail Temporaires d’Insertion permettent aux personnes en difficul- tés, comme les anciens détenus, de se doter d’une expérience.

E n 2006, la Fédération Natio- nale des Associations d’Ac- cueil et de Réinsertion Socia- le (F.N.A.R.S.) a lancé ses états généraux. Les sections régionales, dont celle de Franche-Comté, ont également suivi. Et le bilan est lourd, les propositions d’actions nombreuses (voir encadré). Certaines parties de la population semblent bien de plus en plus exclues de la société. En particulier les sor- tants de prison. Si l’on consacre, très justement, beaucoup de place médiatique aux conditions carcé- rales, certaines associations œuvrent, elles, pour leur réinsertion. Car une fois la dette à la société payée, l’ar- doise effacée, comment retrouver une place ? Christian Jacquot, directeur de Grou- pement d’Actions et de Recherche contre l’Exclusion - Besançon Tout Travaux (G.A.R.E.-B.T.T.), travaille depuis près de 28 ans dans ce milieu. Psychologue de formation, il connaît bien les difficultés morales, tech- niques, administratives de la réin- sertion des “anciens taulards”. “La prison est un véritable lieu d’in- fantilisation explique-t-il. Car on y est jamais seul. On est nourri, logé, tout est programmé. Tout cela pro- voque une perte de conscience de la réalité. Lorsque l’on sort, qu’il s’agis- se d’une courte ou d’une longue pei-

ne, on est complètement déconnec- té, avec une vision déphasée de la réalité. On y perd la notion du temps, de l’argent, des rouages adminis- tratifs, de la vie. La prison est une expérience qui, inévitablement, meur- tri et détruit la personne.” C’est pour cela que les associations comme G.A.R.E.-B.T.T. sont là. “Pour leur permettre de trouver des repères.” Christian Jacquot ajoute : “Géné- ralement, les détenus nous contac- tent pendant leurs périodes de déten- tion, ou pendant une permission. Ou alors ils attendent d’être sortis et libres.”

ce en soi, en les autres. Ne plus se sentir mar- qué. Puis se loger et retrouver une activité professionnelle. Bref, il faut tout reconstituer.” Un réapprentissage dif- ficile, parfois, doulou- reux, particulièrement “lorsqu’il n’y a plus de liens familiaux.” Mais avec quatre entreprises d’insertion, le G.A.R.E.- B.T.T. a de quoi aider du monde. “Les Entre- prises de Travail Tem- poraires d’Insertion (E.T.T.I.) permettent aux personnes de se doter d’une expérience. Il s’agit

Mais après, c’est un travail de longue haleine qui s’engage. “Nous avons une équi- pe sociale et plusieurs structures et services raconte le directeur de G.A.R.E.-B.T.T. Et nous nous occupons de tous, ex-détenus ou non, courtes peines ou longues.” Il renché- rit : “Il y a énormé- ment de travail avant la mise au travail et l’accession à l’auto- nomie. Il faut d’abord régler fréquemment des problèmes de san- té, retrouver confian-

“Nous travaillons à blanchir le passé des gens”

essentiellement de remettre les gens en situation de réussite, de leur mon- trer qu’ils en ont les capacités et qu’il y a bien une place pour eux dans la société extérieure à la prison sou- ligne Christian Jacquot. L’E.T.T.I. prend les personnes en charge et recherche des postes qui leur convien- nent. C’est un tremplin pour retour- ner dans le monde du travail. En fait, nous travaillons à blanchir le passé des gens.” Au finish , tout cela prend du temps, comme le précise le directeur de la structure. “En un an déjà, nous pou- vons faire un travail significatif.

Mais il y a beaucoup de paramètres, dont la personnalité de chacun. Disons que 30 à 40 % des personnes trouvent quelque chose. Les autres empruntent un chemin différent. Ils prennent plus de temps pour se remo- biliser.” Il conclut : “Enmatière d’em- ploi, nous sommes de toutes les manières tributaires de la situation de marché. Et il faut savoir que toutes ces personnes en précarité, anciens détenus ou non, sont toujours les premiers concernés par les dégra- dations du marché de l’emploi, et les dernières touchées par son amé- lioration.” J.C.

Qu’est-ce que la F.N.A.R.S. ? La Fédération Nationale des Associations d’Ac- cueil et de Réinsertion Sociale (F.N.A.R.S.) exis- te depuis un peu plus de 50 ans. En Franche- Comté, ce regroupement agit avec plusieurs associations pour “aider les plus démunis”. Lors de ses états régionaux, fin mars, la F.N.A.R.S. Franche-Comté a dressé un bilan des différents problèmes auxquels est confrontée une partie de la population, et en a dégagé des solutions éventuelles. Ainsi, en matière de logement, qu’il s’agisse donc d’hébergement temporaire ou permanent, “il faut absolument l’implication des bailleurs sociaux, ainsi que des collectivités, afin de limi- ter les expulsions” propose Christiane Dormois, vice-présidente de la F.N.A.R.S.-F.C. Mais éga- lement “un accompagnement individualisé durable” , car les “parcours d’insertion ne sont pas linéaires.” Et en ce qui concerne l’emploi, d’insertion ou ordinaire, la fédération suggère plusieurs actions significatives, tel qu’un “accom- pagnement dans le travail”, “la mise en place d’un contrat unique d’insertion”, ainsi qu’un renforcement de la formation. Mais la lutte contre la précarité passe également par le droit à la santé, “sans inégalités de traitement et de soin” entre les personnes, passant par un “partena- riat construit entre les personnes, les associa- tions et les médecins.” Enfin, la F.N.A.R.S. propose également la “mise en place d’une allocation, pour les jeunes plus fragilisés, en contrepartie d’un engagement dans un parcours d’insertion sociale et profession- nelle.” Car, comme l’explique Jean-Marie Tonnerre, président de la section régionale : “Le constat est indéniable, la précarité, la pauvreté et l’ex- clusion augmente.” Il ajoute : “Dans le futur, nous allons donc mettre en place un forum public, le 25 mai prochain. Et plus tard à l’au- tomne, une table ronde.” Il conclut : “Tout cela concerne chaque citoyen et nécessite réelle- ment un engagement dans la durée.” F.N.A.R.S. : 03 81 88 56 64 ou www.fnars.org

Christian Jacquot, directeur du G.A.R.E.- B.T.T., tra- vaille depuis près de 28 ans dans le milieu de la réinsertion.

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