La Presse Bisontine 77 - Mai 2007

DOSSIER

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SAGA WEIL : LE DERNIER ACTE Le sort de l’entreprise de confection

Weil sera scellé ce mois-ci. Le tribunal de commerce de Besançon avait jusqu’au 16 avril pour recevoir les éventuelles offres de reprise de la société mise en liquidation judiciaire le 12 mars dernier. Un mince espoir existait encore parmi le personnel encore en place. Le dernier feuilleton de cette palpitante saga industrielle made in Besançon se joue en ce moment. L’épilogue d’une longue histoire à rebondissements démarrée au milieu du XIX ème siècle et qui restera, quel que soit le scénario final, une des plus belles aventures industrielles bisontines. La Presse Bisontine se propose de retracer, avec témoignages et documents d’archives à l’appui, l’histoire de la saga Weil.

EMPLOI Une partie des marchandises bloquée Les derniers salariés Weil sont dans l’attente

Le tribunal de commerce de Besançon avait donné jusqu’au 16 avril aux éventuels repreneurs de la société mise en liquidation pour se manifester. Quelle que soit l’issue, l’ambiance n’y était plus.

L e tout dernier atelier a fermé ses portes en février. Ils étaient cinq pro- totypistes, les cinq derniers de chez Weil. “C’est là qu’on prend conscien- ce de la réalité. Quand il n’y a même plus un seul atelier” soupire une des dernières salariées de l’entreprise encore en poste. Que reste-t-il aujourd’hui du fleuron de l’en- treprise textile qui a fait les grandes heures de l’industrie bisontine ? Presque rien. Il restait mi-avril 90 personnes, salariées de la société nouvelle des établissements Weil, reprise en 1999 par le Parisien Jacques Canet. 90, c’est en comptant le personnel des magasins d’usine répartis dans quelques villes françaises. Sinon, dans le bâtiment historique de la rue de Chaillot, ils n’étaient plus d’une dizaine, une poignée. Les étages ne sont plus qu’une succession de bureaux vides, de pièces encore en l’état où dorment des présentoirs sur lesquels des dizaines de costumes attendent de revoir le jour. À l’heure actuelle, Weil dispose encore de quelques magasins d’usine en France et de

tribunal bisontin donnait à la S.N.E. Weil trois mois pour trouver un repreneur. Il semble que la juridiction ait voulu préci- piter les choses. C’est par requête du 21 février 2007 que Philippe Jeannerot, administrateur judi- ciaire, avait sollicité le tribunal de com- merce de Besançon pour convertir la pro- cédure de sauvegarde en redressement ou en liquidation judiciaire, eu égard à la situa- tion de trésorerie de la société. À la date de l’ouverture de la procédure de sauvegarde - le 11 décembre dernier - une partie des marchandises était bloquée chez les tran- sitaires, les transporteurs ou les fournis- seurs “de sorte que les livraisons n’ont pu être réalisées, ce qui a représenté une per- te de vente de 2 millions d’euros” soulignent les juges. Et par ailleurs, la société n’avait pas versé aux salariés licenciés en début d’année une somme d’environ 150 000 euros et elle n’était pas à jour des salaires du début d’année. “Le besoin de trésorerie de la S.N.E. Weil est de l’ordre de 2,5 millions d’euros” a ter- miné le tribunal pour justifier sa décision de liquidation. D’autant que les créances salariales découlant de la période d’obser- vation ne pouvaient uniquement être garan- ties par le fonds des assurances de garan- tie des salaires que dans l’hypothèse d’une conversion en liquidation judiciaire de la procédure de sauvegarde. Enfin, ce qui a aussi motivé la liquidation, c’est que contrai- rement aux engagements du P.D.G. Jacques Canet, “aucune solution sérieuse n’a été pré- sentée au tribunal, garantissant le main- tien et la poursuite de l’activité de l’entre- prise.”

Au dernier salon du textile, à Paris Le Bourget, 50 000 m 2 dédiés au sujet, avec d’innombrables stands chinois qui vantaient leurs installations dernier cri. Comment lutter ?

28 stands de vente dans des galeries Lafayette en France, où l’entreprise écoule ses vête- ments sous les marques Luc Saint-Alban et Lapidus. C’est tout. Le 12 mars dernier, le tribu- nal de commerce de Besançon prononçait la liquidation judi- ciaire de l’entreprise. Depuis ce jugement, l’actuel patron, Jacques Canet, n’a pas sou- haité faire de commentaires sur l’issue de l’histoire. Dans sa décision de la mi-mars, le

“Une perte de vente de

Le couperet est donc tombé. Le dernier acte de la saga Weil était donc programmé ce mois-ci. Plusieurs repreneurs potentiels s’étaient manifestés. Mais personne n’avait la garantie que l’activité pouvait être péren- nisée et l’emploi sauvé. “C’est comme quand vous vendez un appartement, il peut y avoir beaucoup de visites, par simple curiosité, mais ça ne veut pas dire que la personne confirmera sa volonté d’acheter” illustre une salariée. Ce dernier épisode judiciaire pose toute la question de la pérennité d’une quelconque

activité liée au textile en France. “La réa- lité, c’est qu’aujourd’hui, il n’y a plus besoin d’une entreprise comme Weil. Il suffit d’un agent en Europe auprès de qui on commande tous les vêtements qui seront fabriqués ensui- te dans des usines ultra-modernes en Chi- ne. Nous sommes sur une véritable révolu- tion organisationnelle du commerce mondial” commente un membre de la famille Weil, ancien dirigeant de cette entreprise plus que centenaire. Un constat peu encoura- geant. J.-F.H.

2 millions d’euros.”

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