La Presse Bisontine 54 - Avril 2005

24 REPORTAGE

Récit Jean-François Hauser

24 HEURES AVEC… Jean-François Maire, étoilé Michelin

Craint, respecté ou décrié, le guide Michelin reste la Bible des gastronomes. Sa dernière livrée distribue bons points et blâmes. Par- mi les plus anciens étoilés du Doubs, le res- taurant le Valentin à École-Valentin a conser- vé son précieuxmacaron. Lemaître des lieux, Jean-François Maire, nous ouvre les portes de son établissement. 24 heures dans la vie d’un chef né sous une bonne étoile.

L’histoire d’un chef autodidacte L a famille Maire achète la maison familiale à la fin des années 60. En 1980, Françoise, la mère de Jean- François, décide de créer un restaurant. Le jeune Jean-Fran- çois n’est pas du tout pré- destiné à la cuisine. Il est alors au lycée, en 1 ère littéraire. À 18 ans, il découvre le monde de la restauration par un passa- ge de 6 mois en salle. Il enchaî- ne par une période de 6 mois de stage en cuisine. Il appren- dra le métier aux côtés d’un chef pendant encore 4 ans, avant de reprendre les rênes du restaurant. Nous sommes en 1985, il a tout juste 23 ans. Deux ans plus tard, en 1987, le Valentin décroche la récom- pense suprême : un premier macaron au guide Michelin. Sandrine rejoint le chef en 1990. Coup de semonce en 1996, le Valentin perd son étoi- le. Sandrine attend leur troi- sième enfant. Trop de travail. “C’est la règle du jeu” consta- te alors le chef. Le Valentin repart de plus belle. Deux ans plus tard à peine, en 1998, le Valentin récupère son précieux sésame. Depuis cette date, le restaurant a toujours conser- vé son étoile. La course à la deuxième étoi- le ? Jean-François Maire ne s’attarde pas sur le sujet. “Pourquoi pas.” Avant d’ajou- ter : “Je ne pense qu’à me fai- re plaisir, tout en faisant plai- sir à nos clients. Si ma cuisine vaut un jour deux étoiles, tant mieux. Mais les gens qui cher- chent à tout prix une étoile de plus sont malheureux et frus- trés. Moi, je suis heureux, et je ne suis pas frustré…”

L a journée-type de Jean-Fran- çois Maire suit invariable- ment le même parcours. Le pick-up bleu quitte la mai- son familiale entre 7 h 30 et 7 h 45, direction l’école Notre-Dame où le chef dépose ses enfants. Cap sur la zone de Trépillot. Premier cigare. À 8 heures, au milieu d’une zone encore engourdie par le froid, notre homme gare sa voiture devant le plus important grossiste en produits ali- mentaires de la région. Sur le par- king, des dizaines de véhicules uti- litaires chargent de la marchandise. On y reconnaît des collègues. Salut amical au chef du chalet Bel’Air de Mouchard. L’Arboisien Jean-Paul Jeunet, le seul “deux étoiles Miche- lin” de Franche-Comté est collé à son portable. La journée est lancée. Dans les immenses allées de cet hyper

des professionnels de la restaura- tion, Jean-François Maire fait son marché. À la main, la copie du fax qu’il a transmis la veille au soir pour la commande du jour. Il tâte les poires. Une moue approbatrice, il charge une cagette dans son caddy déme- suré. Deuxième arrêt au rayon des salades. Troisième pause, on charge un filet de 10 kg d’oignons. Le bou- cher a préparé la commande : aujour- d’hui, Jean-François Maire empor- tera quelques kilos de magret de canard, du filet de bœuf, des ris de veau. Au rayon condiments, le chef se fait plus exigeant. Il veut tel vinaigre balsamique, pas un autre. La cérémonie des bonjours aux col- lègues se poursuit au pas de charge. 8 h 30, première pause café dans le magasin. On règle l’addition, on char- ge le pick up .

8 heures. Jean-François Maire fait son marché chez le plus grand grossiste de la région.

deuxième cigare. Un coup d’œil sur le Palm , répertoire électronique dont il ne sépa- re jamais. Ne pas oublier le rendez-vous de 10 h 30. “J’ai une horloge dans le ventre, mes journées sont très minu- tées” lâche le chef avant de repasser sa veste. Il retrouve Sandrine, son épou- se. Le vendredi, c’est le jour du marché aux fleurs. “Nous y allons ensemble, c’est une des rares occasions que l’on a de discuter une demi-heure dans une journée.”

Retour à Valentin à 9 heures. Petit instant de tranquillité dans le petit salon à l’étage du restaurant. Au milieu de la pièce trône un superbe pia- no quart-de-queue, l’autre passion de Jean-François Mai- re après les cigares. “Je m’échappe plusieurs fois par jour, à raison de 5 ou 10 minutes à chaque fois. J’ai repris le piano il y a 2 ans, je suis reparti de zéro.” Tenace le chef. Sur le pupitre, la par- tition d’une sonate de Mozart. Deuxième café de la journée,

Chargement des provisions de la journée.

Le rendez-vous de M. Maire est déjà là. Un fournisseur de matières premières pâtissières. La discussion portera sur le soutien que cette société est censée apporter à l’association “Étoiles et toques”, créée en décembre dernier à l’initiati- ve de Jean-FrançoisMaire (voir encart ci-dessous). 20 minutes plus tard, le chef revient le sourire aux lèvres. Négocia- tion réussie semble-t-il.

9 h 30, le chef saute dans son pick-up . Cap sur le centre-vil- le de Besançon, aumarché aux fleurs. Là, il laisse faire San- drine. Les fleurs et le froma- ge, Jean-François Maire n’y touche pas. Il laisse ce soin à madame. 9 h 45, passage éclair auMun- go-Park, bise à Jocelyne Lotz- Choquart. “Il n’y a pas de concurrence entre nous. Si on pouvait être 10 étoilés sur

Besançon, ce serait génial.” Direction le fleuriste, toujours au pas de course. Sandrine Maire fait sonmarché : tulipes, amaryllis, jacinthes… On relâche la pression quelques minutes dans le bar voisin, troisième café de la matinée. On rallume le cigare, on récu- père les fleurs, on se presse à la voiture. Penser au rendez- vous de 10 h 30. Il est 10 h 25.

Sandrine Maire choisit les fleurs de la semaine au marché de Besançon.

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