La Presse Bisontine 54 - Avril 2005

L’ÉCONOMI E

31

L ES SOLUTIONS Responsabilité des politiques L’innovation, recette miracle à la délocalisation ? Comment faire pour lutter contre les délocalisations et main- tenir le tissu industriel à Besançon ? Syndicats et patronat sont d’accord sur un point : il faut innover, toujours plus.

“O n n’a aucune arme contre la déloca- lisation. Vouloir l’interdire, c’est raisonner à très court terme, ça ne peut pas être viable. Notre seul atout, c’est notre savoir- faire” reconnaît le délégué géné- ral du M.E.D.E.F. du Doubs. Pour une fois, syndicats et patronat sont d’accord sur un point. Un seul. Ce n’est qu’en innovant dans la haute tech- nologie et en développant des savoir-faire toujours plus poin- tus que l’on pourra résister à la concurrence des pays asia- tiques. “Il n’y a ni fatalité ni résignation. La France a des atouts. Il y a certes des produits qui vont disparaître, mais il y a des créneaux à prendre sur de nouveaux marchés, martè- le Jacques Bauquier, membre

du comité régional de la C.G.T. Il faut que les entreprises déve- loppent tout ce qui relève de la haute technologie.” Une muta- tion qui passe principalement par la formation des salariés. “Certaines entreprises, comme S.N.O.P., ont mené un vrai tra-

de liens entre chercheurs et entreprises privées.” La C.G.T., elle, insiste avant tout sur la “responsabilité des politiques et des entrepreneurs” dans la délocalisation. “Il faut des lois, contraignantes, qui obligent les grands donneurs

d’ordres à avoir une responsabilité socia- le vis-à-vis du bas- sin d’emploi où ils sont installés. S’ils partent, ils doivent être obligés de trou- ver une activité de remplacement et d’accompagner leurs

vail d’élévation de la qualité, en formant ses salariés. Résul- tat, ils sont plus per- formants, plus com- pétitifs. C’est ça l’exemple à suivre” , explique Gérard Thi- bord, secrétaire de l’union départemen-

“Il n’y a ni fatalité, ni résigna- tion.”

tale de la C.F.D.T. La mise en place d’un pôle de compétiti- vité autour desmicrotechniques à Besançon, serait pour le syn- dicat un atout de plus, “parce qu’il y a pour l’instant trop peu

salariés jusqu’à ce qu’ils aient retrouvé un emploi définitif, affirme Jacques Bauquier. Car comment rester compétitif si on ne produit plus rien en France ?” ! S.D.

Jacques Bauquier, de la C.G.T. : “C’est de la responsabilité des politiques et des entrepreneurs.”

F RALSEN

E NTREPRISES Trois P.D.G. témoignent “Si on part, c’est par nécessité” Pression des fournisseurs, conquête de nouveaux marchés, ils ont décidé de s’implanter à l’étranger, en Asie ou en Europe de l’Est. Trois entrepreneurs bisontins expliquent leur démarche.

141 licenciements après délocalisation À Fralsen, les ouvriers entre “peur et dégoût” L’usine, spécialisée dans l’horlogerie, transfère une par- tie de sa production en Chine. D’ici 2007, 141 des 262 salariés devraient être licenciés.

“C e n’est pas par volon- té qu’on part, c’est par nécessité” affirme André-Pierre Augé, à la tête de l’entreprise Augé Décou- page. L’entreprise, déjà au Maroc, doit s’implanter pro- chainement en Malaisie et a annoncé de prochains licen- ciements sur le site de Besan- çon. “Pour certains produits, on produit à perte en France. Ce n’est pas viable.” La haus- se de l’euro a accéléré les dif- ficultés de la P.M.E. “Sans rien faire, je suis devenu 30 %moins compétitif en un an.” André- Pierre Augé affirme vouloir toutefois garder un “gros centre à Besançon. On mise sur les produits haut de gamme, sur la technologie.” Certains donneurs d’ordre exi- gent également que leurs four- nisseurs les accompagnent.

P.D.G. de l’entreprise de trans- port LDI, Christophe Bosson- net a développé un service d’ai- de logistique pour conseiller ses clients qui souhaitent s’im- planter à l’étranger. “Nous les conseillons. Quand ils me par- lent de la Hongrie, je leur demande de réfléchir, mainte- nant, il faut aller encore plus à l’Est.” LDI a ouvert des antennes en Europe de l’Est et au Maghreb. “Notre objectif, c’est de maintenir les effectifs en France mais de les aug- menter à l’étranger. Notre déve- loppement se fait surtout là- bas.” “Ce qui se passe en France est inquiétant. Mais tout le mon- de est responsable, conclut André-Pierre Augé. Quand vous achetez un lecteur D.V.D. à 50 euros, il ne peut être fabri- qué qu’en Chine.” ! S.D.

“Ils reçoivent des subventions de la part des pays où ils s’im- plantent à la condition qu’une partie de leur approvisionne- ment provienne du pays en question. Donc, même si on res- te plus compétitif en France, ils ne nous prennent pas” , pour- suit le P.D.G. d’Augé. Raymond Bourgeois, à la tête de l’entreprise Bourgeois, refu- se lui le terme de délocalisa- tion. “Si nous sommes partis là-bas, c’est pour continuer à nous développer en Europe. Les délocalisations conduisent sys- tématiquement à une réduc- tion de l’emploi en France.” L’entreprise a ouvert un site en Chine, il y a 7 ans. “Nos clients nous ont demandé de les accompagner.” Sous enten- du, “si vous voulez continuer à être notre fournisseur enEuro- pe, vous devez nous suivre.”

“O n va mettre des gens au chômage pour quelques cen- times d’économie, ça me dégoûte.” À 39 ans, Bru- no (*) affiche 18 ans de service chez Fralsen, tous au service décolletage, le plus visé par la

délocalisation en cours. Tous les jours, il voit son atelier se vider de ses machines. “C’est devenu un gruyère. Depuis le début, une vingtaine de machines est déjà partie enChine, 17doivent suivre bientôt.” Bruno a deux enfants, de 8 et 5 ans. “Alors oui, j’ai

peur. Quel avenir ils vont avoir mes gamins ? Il va falloir qu’on parte, qu’on vende la maison ? On ne sait pas, c’est l’incertitu- de. Ce qui est sûr c’est que sur Besançon, nous ne sommes pas les seuls à être licenciés et à cher- cher du travail. Alors il faudra peut-être s’expatrier en Suisse. Même si je n’en ai pas envie” , avoue-t-il. Le transfert de la production a pris du retard en Chine. Une première vague de licenciements devait être annoncée fin mars mais pourrait être repoussée. “Il y a du fatalisme, mais aus- si un peu d’espoir, de ne pas être traités comme des moins que rien” , affirme Nicole Flexas, 47 ans. Entrée à Fralsen à 16 ans, ladéléguée syndicale de laC.G.T. a vu l’entreprise se vider peu à peu de ses salariés. “On a connu délocalisation sur délocalisa- tion depuis 30 ans. On était 3 000, on n’est plus que 250. Ce qui est en train de partir, c’était la fierté des salariés, notre savoir-faire. C’est déplo- rable.” La plupart des salariés ont plus de 50 ans, ils ont tou- jours été dans l’entreprise. “Certains vivent pour le tra- vail. Ils sont laminés, ils vivent ce qui arrive comme un échec personnel” , ajoute Nicole. ! (*) le prénom a été changé

Ces entreprises qui ont un pied à l’étranger

semblage, EM Techno- logie, implanté à Saint- Vit par l’intermédiaire de sa filiale E.M.T. 25, a ouvert deux sites en Tur- quie et en Hongrie. À Boussières, l’entreprise P.M.P.C., est en pour- parlers pour s’installer en Roumanie. Augé décou- page, déjà présent au Maroc part en Malaisie. - La S.N.O.P., qui produit

des pièces pour l’indus- trie automobile, a ouvert un site en République tchèque et en Espagne. L’entreprise Bourgeois, dans le même secteur, emploie 80 personnes sur son site en Chine depuis 7 ans. - Dans la microtechno- logie, F.C.I. est implanté en Inde. Basée à Besan- çon, S.L.I. développe de

nouveaux produits qui sont ensuite, pour une partie, fabriqués chez des sous-traitants en Répu- blique tchèque ou en Tunisie. Fralsen déloca- lise en Chine. - Dans le secteur de l’im- primerie, Imprimgraph envisage aussi de trans- férer une partie de son activité enEurope de l’Est ou au Maghreb…

Dans tous les sec- teurs d’activité, les P.M.E. bisontines sont nombreuses à avoir fait le choix de l’étran- ger. Petite liste non exhaustive… - Dans le secteur du découpage et de l’as-

Nicole Flexas, 47 ans, travaille à Fralsen depuis 1974.

Made with FlippingBook - professional solution for displaying marketing and sales documents online