La Presse Bisontine 124 - Septembre 2011

ÉCONOMIE

La Presse Bisontine n° 124 - Septembre 2011

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Frontaliers, c’est le moment d’investir Franc suisse au plus haut, taux de prêt en devises attractifs, jamais les conditions proposées aux frontaliers soucieux d’investir n’avaient été aussi favorables. Éclairages avec Stéphanie Poyard, conseillère Habitat au Crédit Agricole. GRAND ANGLE Des conditions très favorables

L a Presse Bisontine : Comment se réper- cute l’envolée du franc suisse sur les salaires des travailleurs frontaliers ? Stéphanie Poyard : Cela représente une hausse de 25 % du pouvoir d’achat entre 2008 et 2010. Un frontalier payé 4 000 francs suisses a vu son salaire de base progresser de 2 453 euros à 3 636 euros. Cela ferait presque oublier la crise de 2008-2009 d’autant plus qu’on est pratiquement reparti sur une situation de plein-emploi depuis 2010. L.P.B. : Les frontaliers investissent-ils diffé- remment ? S.P. : Pas vraiment non. Aujourd’hui plus qu’hier, l’objectif principal des frontaliers reste le projet immobilier. Le gain de pouvoir d’achat leur per- met de concevoir des maisons plus éla- borées. Entre 2010 et 2011, on enre- gistre 35 % d’activité supplémentaire sur l’immobilier. Après l’habitat, les frontaliers investissent prioritaire- ment dans l’automobile. L’épargne de précaution vient en troisième position et ce volet n’a pas progressé de 25 %. Nous ne pouvons donc qu’inciter nos clients à se constituer un capital en prévision de conditions moins favo- rables. L.P.B. :Cette soudaine embellie sur l’immobilier se justifie-t-elle uniquement par le renché- rissement du franc suisse face à l’euro ? S.P. : Non. D’autres facteurs inter- viennent. Les frontaliers ont mainte- nant accès aux prêts à taux zéro. Le climat de confiance qui règne dans les entreprises suisses, dans l’horlogerie

notamment, encourage les frontaliers à investir. On observe aussi une bais- se importante de l’investissement loca- tif mais ce constat est global et ne s’applique pas seulement aux fronta- liers. L.P.B. :Comment réagissent les frontaliers face à l’évolution du taux de change ? S.P. : On note toujours une forte deman- de pour le blocage du taux de change sur leur salaire. Ce contrat garantit le taux de change en sachant qu’il s’agit d’un ordre irrévocable. Bien sûr, l’opération est à double tranchant et contrairement à ce que beaucoup pen- sent, la banque n’a rien à y gagner. On conseille aux clients frontaliers de ne pas bloquer le taux de change sur la totalité du salaire (en prévision de pro- jets à court treme) et sur une durée

“Le taux des prêts en devises n’ont jamais été aussi attrac- tifs”, confie Stéphanie Poyard, conseillère habitat

maximale de 6 mois. On reste aussi pru- dent dans l’évaluation de sa capacité de rem- boursement. Pour effectuer le calcul du taux d’endettement, on ne se base pas sur un taux de change à 1,1 mais à 1,3. On prend ainsi une mar- ge de précaution car personne aujourd’hui n’est capable de pré- voir l’évolution des taux. L.P.B. : Qu’en est-il des taux de crédit en devises ?

“35 % d’activité supplémentaire sur l’immobilier.”

au Crédit Agricole.

l’on prend en compte l’évolution du taux de change, le capital à rembour- ser serait supérieur au montant de l’emprunt initial. C’est le seul risque en sachant qu’il peut aussi évoluer dans l’autre sens. Propos recueillis par F.C.

S.P. : On a des taux qui évoluent de façon intéressante.Actuellement, le taux de prêt en devises avoisine 0.95 % contre 4,20 % pour les prêts fixes en euros. On parle bien sûr de prêts non capés. Le taux du “libor” (indice de référen- ce) a varié dans un écart de 4 points

depuis 10 ans. Il n’a jamais été aussi bas. L.P.B. : Tout joue donc en faveur des fronta- liers ? S.P. : A la seule exception de la reven- te anticipée du bien. Actuellement, si

Taux de change franc suisse /franc français (euro)

La Suisse proche du plein-emploi EMPLOI L’exemple du canton de Neuchâtel

Le franc suisse est fort et pourtant le rythme des exportations suisses ne s’essouffle pas. Tourné vers l’industrie horlogère, le can- ton de Neuchâtel tire son épingle du jeu.

Mais dans l’immédiat, la situa- tion “est au beau fixe” observe Gérard Geiser du service sta- tistique du canton de Neuchâ- tel. Ni l’horlogerie, ni l’industrie chimique et pharmaceutique, deux piliers de l’économie neu- châteloise tournée principale- ment vers l’export ne semblent souffrir du franc fort. “Quand la conjoncture est bonne en Suis- se, elle est encore meilleure dans le canton, et inversement. Cela est lié au poids du secteur indus- triel. On

par le niveau de leur prix. Mais il y a des limites qui sont pro- bablement déjà franchies. La B.N.S. (Banque Nationale Suis- se) a fait savoir le 3 août que le franc était devenu “extrêmement surévalué” au point de menacer l’économie.” Le K.O.F. prévoit d’ailleurs que la force de la mon- naie helvétique qui est devenue une valeur-refuge avec l’or, ne finisse par gripper la mécanique du commerce extérieur. “La crois- sance des exportations devrait ainsi s’abaisser à 3,5 % en 2012.” La B.N.S. cherche des solutions pour stabiliser lamonnaie natio- nale afin de limiter la portée sur l’économie de cette évolu- tion monétaire néfaste à court terme. Selon l’industriel Nick Hayek, le patron du groupe Swatch, “une intervention de politique monétaire est néces- saire et urgente.” Il redoute que le franc fort fasse perdre à l’entreprise “de 800 millions d’euros à 1 milliard de francs de chiffre d’affaires à la fin de l’année.”

N os voisins suisses n’en finissent pas de nous sur- prendre. Leur dette publique avoisine 39 % du P.I.B., alors qu’elle atteint 85 % en France, 120 % en Ita- lie et 144 % en Grèce. L’économie helvétique est solide. Pour l’instant, les inquiétudes de voir les exportations s’effondrer compte tenu de la situation du franc suisse qui s’apprécie face à l’euro et au dollar, ne se véri-

fient pas. “L’économie suisse croît de 2,8 % cette année. Cette évo- lution résulte notamment d’une hausse des exportations de 5,4%” observe le Centre de recherche conjoncturel K.O.F., dans son bulletin d’analyse dumois d’août. Selon l’économiste Jean-Pierre Ghelfi, “la résistance des expor- tations à la hausse du franc tient au fait que les ventes de pro- duits suisses à l’étranger ne sont pas influencées prioritairement

Suisse, y compris des Bisontins. Ils sont doublement motivés par la perspective de trouver un emploi et un salaire attrayant. Si la Suisse redoute la situa- tion de sa monnaie, les fronta- liers eux s’en réjouissent. Ils sont les premiers à bénéficier de l’appréciation du franc suis- se par rapport à l’euro, les deux monnaies ayant presque atteint la parité au milieu de l’été. Le taux de change leur est profi- table. Le salaire de base de 4 000 francs suisses correspond aujourd’hui à 3 500 euros ! T.C.

La Suisse paraît avoir digéré la crise. Le pays renoue avec le plein-emploi. Son taux de chô- mage national est stabilisé à 2,8 %, soit un point de moins comparé à juillet 2010. Dans les entreprises, cela se traduit par un besoin de main-d’œuvre et en particulier de la main- d’œuvre frontalière. Au 1 er tri- mestre 2011, 8 647 frontaliers travaillaient dans le canton de Neuchâtel, soit une progression trimestrielle de 5,2 %. Sur un an, le nombre de frontaliers aug- mente de 10 % ! Beaucoup de Français tentent leur chance en

s’attendait à un frein sur les exportations et on ne le consta- te pas encore” poursuit Gérard Geiser. “L’horlogerie fait preuve d’un grand optimis- me” poursuit encore

“L’horlogerie fait preuve d’un grand optimisme.”

Évolution du taux de chômage Juillet 2011 juillet 2010 Canton de Neuchâtel 4,5% 6,1% Arc Jurassien 3,9 % 5,5 % Suisse 2,8 % 3,6 %

l’économiste Jean-Pierre Ghelfi.

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