La Presse Bisontine 124 - Septembre 2011

L’INTERVIEW DU MOIS

La Presse Bisontine n° 124 - Septembre 2011

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POLITIQUE

Le sénateur du Doubs Jean-François Humbert : “Je n’ai plus l’âge de forcer ma nature”

L a Presse Bisontine : Membre de la com- mission des affaires européennes du Sénat, vous avez rédigé récemment plu- sieurs rapports d’information après vous être rendu dans plusieurs pays européen en cri- se : Grèce, Irlande, Portugal… Les affaires européennes vont intéressent désormais plus que la vie politique française ? Jean-François Humbert : Je rappelle jus- te que des dizaines de décisions prises par la Commission Européenne influent sur la vie quotidienne des Françaises et des Français. La mission que le Sénat m’a confiée était de vérifier, de facto, ce qui se passe dans ces pays. J’ai auditionné beaucoup de respon- sables dans ces pays et obtenu des informations de première main qui m’ont permis de rédiger ces rapports parlementaires.À chaque fois, en deux jours sur place, les rendez se sont enchaînés non-stop du matin au soir. Si ça peut rassurer, je n’y étais pas pour faire du tourisme… L.P.B. :Vous avez rencontré des interlocuteurs déprimés par la situation de leur pays ? J.-F.H. : Non, mais des gens bien conscients des difficultés qui sont devant eux. L’Europe connaît actuel- lement de graves difficultés qui rejaillis- sent sur l’euro, ce qui montre qu’il y a plus que jamais lieu de travailler pour conforter l’euro et donc l’Europe. Dans des pays comme la Grèce, s’il n’y avait pas eu l’euro, la situation du pays aurait été encore bien pire. L.P.B. : Vous qui avez commencé votre enga- gement politique en soutenant Valéry Giscard- d’Estaing, vous continuez donc à croire aux vertus de l’Europe ? J.-F.H. : Je reste un Européen convain- cu. Mon engagement politique repose en effet sur certaines valeurs, dont l’engagement européen. Je continue bien évidemment à y croire. Le seul bémol que je pourrais apporter, c’est qu’en passant d’un coup à 27 membres, le dernier élargissement est certaine- ment un peu lourd à digérer. Mais la constitution d’une Europe solide res- te indispensable pour l’avenir de tous ses pays membres. L.P.B. : Vous dites aussi que ce travail parle- mentaire vous permet de vous ouvrir à autre chose. Marre de la politique française ? Et où en êtes-vous dans vos rapports avec l’U.M.P. ? J.-F.H. : Je suis toujours membre, jus- qu’à preuve du contraire, du groupe U.M.P. au Sénat. Ce qui ne m’oblige pas à être adhérent à l’U.M.P. J’ai quit- té l’U.M.P. du Doubs il y a trois ans. toujours comme un élu “libre et indépendant.” Le sénateur Humbert fait état de son actualité, mais aussi des échéances passées. Franc et direct, et pas là pour plaire à ses anciens amis. On le dit isolé, en rupture avec l’U.M.P., il se définit

Jean-François Humbert, sénateur “libre et indépendant”, ne mâche pas ses mots.

Miroir fait que je ne voulais pas finir “à poil”.Voilà la vraie rai- son. La deuxième, c’est le travail de sape de certains élus pour détricoter ma liste. L.P.B. : Et cet autre rendez- vous manqué aux munici- pales de 2008 à Besan- çon…Aura-t-on l’occasion de vous revoir un jour can- didat ? J.-F.H. : Je n’ai jamais eu de plan de carrière.

ça apporte un plus. Mais on n’a pas à négocier quand on voudrait nous impo- ser une liste. L.P.B. : Alors pour Besançon en 2014, chat échaudé… ? J.-F.H. : Je suis convaincu que Besan- çon sera encore une fois très difficile à faire basculer à droite. Si il y a un candidat meilleur que moi, je le sou- tiendrai. L.P.B. : Il y a l’hypothèse Jacques Grosperrin à droite ? J.-F.H. : … L.P.B. : Où en est votre association “Certifié Franche-Comté” en sommeil depuis son lan- cement en 2010 ? J.-F.H. : J’ai justement l’intention de la réactiver avec un certain nombre de personnalités qui viendront livrer leurs analyses sur l’évolution de cette région. L.P.B. : Une mini-polémique au début de l’été était née suite au versement à tous les séna- teurs français d’une prime de plus de 3 500 euros correspondant à un “rattrapage exceptionnel sur un complément d’indemnité représentative de frais de mandat.” L’avez- vous touchée ? J.-F.H. : Ils me la donnent, je la prends. Il ne faut pas être hypocrite, je n’ai jamais pleuré michotte, mais cette “pri- me” correspond à 99 euros par mois sur trois ans. Je vois ce que je gagnais avant d’être élu, je vois ce que je gagne maintenant. Avec les heures que ça représente, je ne suis pas avantagé aujourd’hui. L.P.B. : Borloo ou Sarko ? J.-F.H. : J’attends de voir quel sera le projet de chacun pour me positionner. J’ai loyalement soutenu jusqu’à main- tenant le président de la République. Je n’ai pas pour habitude de changer mes habitudes. L.P.B. : Un secrétariat d’État en ligne de mire ? J.-F.H. : J’ai passé l’âge et encore une fois, je ne cours pas après les respon- sabilités. Propos recueillis par J.-F.H.

J.-F.H. : J’en avais assez de ferrailler avec l’U.M.P. Dans ma situation, je conserve au sein de mon groupe par- lementaire toute ma capacité d’expression et de choix. Mais sur le plan local, je suis en désaccord pro- fond avec les dirigeants locaux de l’U.M.P. (N.D.L.R. : le président dépar- temental de l’U.M.P. est le député Jean- Marie Binétruy). J’emploie volontiers cette formule au sujet de l’U.M.P. du Doubs : “On ne change pas une équi- pe qui perd…” L.P.B. : Vous êtes dur… J.-F.H. : On ne se sent bien dans une formation politique que lorsqu’on a son mot à dire.Maintenant, je n’ai plus envie d’assumer les revers de straté- gie de ce parti : il suffit de regarder les résultats des dernières munici- pales, des dernières régionales et plus récemment encore des dernières can- tonales. On ne peut pas dire que ce soit bien brillant pour l’U.M.P. duDoubs. L.P.B. : Y compris dans votre ancien canton du Russey qui a basculé à gauche ! J.-F.H. : Daniel Leroux a voulu pousser son fils et ne voulait voir que lui à sa place, c’est un cuisant échec. J’avais voulu rester neutre pendant la cam- pagne en évitant de venir sur le can- ton. Mais si on m’avait dit de revenir pour tenter de conserver ce canton à droite, je serais revenu.

65 ans et me retirer à même pas 61 ans. Je rappelle juste pour certains que je suis toujours le plus jeune séna- teur du Doubs… L.P.B. : On n’oublie pas que vous n’avez été réélu qu’à 9 petites voix en 2008… J.-F.H. : C’est neuf fois plus que Robert Schwint à l’époque qui n’avait été élu qu’à une voix ! (rires). Une fois de plus, l’U.M.P. du Doubs s’est complètement trompée sur cette élection sénatoria- le. Annie Genevard était venue vers moi en m’annonçant triomphante qu’elle était investie par le parti. On a vu le résultat : elle a terminé bonne dernière ! Je pense que l’U.M.P. aurait été bien inspirée de fouiller un peu plus les bons candidats potentiels. Quant à moi, si j’ai été élu avec neuf voix d’avance seulement, c’est aussi parce que je ne suis pas sûr que tous les élus U.M.P. aient voté pour moi… L.P.B. : Le dialogue est donc totalement rom- pu avec ces élus U.M.P. ? J.-F.H. : Ma grand-mère qui était direc- trice d’école m’a appris une chose notamment, c’est la notion de polites- se. Alors je leur dis bonjour… Ensui- te, on n’est pas obligé de poursuivre une conversation… Je n’ai plus l’âge aujourd’hui de forcer ma nature. Je n’ai pas à être souriant, loquace et sympathique avec des gens qui ne sont ni loquaces ni sympathiques avec moi. Désormais, je fais ce que je veux, quand je veux. Je suis libre et indépendant. L.P.B. : Votre candidature avortée aux der- nières régionales ne vous a-t-elle pas un peu plus marginalisé ? J.-F.H. : La situation a voulu que celles et ceux qui ne doivent qu’à moi seul le fait d’être des élus régionaux ont préféré courir après “l’idole des jeunes” (N.D.L.R. : Alain Joyandet). Encore une fois, on a vu le résultat… Je vais vous dire la véritable raison pour laquel- le j’ai dû renoncer : c’est une histoire d’argent. J’ai “bouffé” 35 000 euros pour la pré-campagne. Si j’allais jus- qu’au bout, c’était 70 000 euros. Ma sagesse d’homme de Plaimbois-du-

“Je fais ce que je veux, quand je veux.”

Pour être candidat à une telle élec- tion, il faut qu’il y ait concordance entre une volonté et la situation telle qu’elle se présente à ce moment pré- cis. Il ne faut jamais dire “jamais” en politique. Mais je le répète, mon objec- tif actuel est d’assumer pleinement et totalement mon mandat de sénateur que j’essaie de remplir le mieux pos- sible au Sénat et dans mon départe- ment. Je suis certainement le seul sénateur de Bourgogne et Franche- Comté à rendre visite à tous les maires de mon département. Je soutiens de plus en plus le mandat unique. Les semaines de 120 heures de travail, ça va bien quand on a 45 ans. Il y a un âge pour tout. L.P.B. : Pourquoi donc cette élection munici- pale avait été avortée à Besançon ? J.-F.H. : Quand on est candidat à une élection par scrutin de liste, la per- sonne chargée de mener la liste a plein pouvoir pour composer sa liste. On voulait m’imposer Jean Rosselot en tout début de liste alors que je lui avais proposé la 8 ème position. Quand on a un peu de caractère, on ne se soumet pas à ce genre de demandes. Là enco- re, on a vu le résultat des municipales avec la liste conduite par Jean Rosse- lot. L.P.B. : Mais la politique, c’est aussi l’art de savoir composer ! J.-F.H. : On compose avec des sensibili- tés ou des courants différents quand

L.P.B. : Vous semblez vous isoler de plus en plusM. Hum- bert. Quel est votre avenir politique localement ? J.-F.H. : Mon objectif aujourd’hui est d’assumer pleinement mon mandat de séna- teur. L.P.B. : En visant déjà un troi- sième mandat de sénateur en 2014 ? J.-F.H. : Clairement oui, je serai candidat en 2014. Je ne peux pas avoir voté la retraite à

“On ne change pas une équipe qui perd…”

L.P.B. : Pourquoi cette rupture ?

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