La Presse Pontissalienne 146 - Décembre 2011

L’INTERVIEW DU MOIS

La Presse Pontissalienne n° 146 - Décembre 2011

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Goutte d’eau Plongée dans les abîmes de la dette, l’Europe a bien failli perdre la tête sur un autre volet de ses prérogatives, aux antipodes des tourments de la haute finance : le soutien aux plus démunis. Depuis vingt-cinq ans existe un pro- gramme européen d’aide aux plus dému- nis (P.E.A.D.). Il avait été créé suite au rigoureux hiver 1986-1987. Des stocks excédentaires de produits agricoles, qui auraient fini à la poubelle, furent alors donnés aux associations caritatives des pays membres. À l’échelle européenne, plus de 13 millions de personnes dému- nies en bénéficient aujourd’hui. Sans doute obnubilés par les sacro-saintes notes attribuées par les agences de notation et aveuglés par les courbes abyssales de leurs dettes, les pays membres de l’Union ont été à deux doigts, début novembre, de supprimer purement et simplement ce program- me d’urgence au motif, fallacieux s’il en est, que cette aide tirée du budget agri- cole de l’Union ne soit pas allouée à des politiques agricoles mais humanitaires. Plusieurs États, et non des moindres - l’Allemagne par exemple - prônaient pour sa quasi-suppression. La mobili- sation notamment du gouvernement français a permis in extremis d’obtenir un sursis. Ce programme sera recon- duit pendant au moins deux ans. En France, le P.E.A.D. représente plus de 70 % de l’aide alimentaire distribuée chaque année. Tout un réseau asso- ciatif composé des dizaines de milliers de bénévoles des Restos du cœur, de la Banque alimentaire et autre Secours populaire était suspendu à cette déci- sion des gouvernements européens. Pas un seul instant ils n’imaginaient que cette Europe, portée sur les fonts baptismaux par des notions de solida- rité entre les peuples, en soit arrivée à un tel degré de déliquescence mora- le que ce budget du P.E.A.D. soit presque entièrement raboté. Ce programme d’urgence atteint cette année 480 mil- lions d’euros. Soit à peine 1 % du mon- tant total de la Politique agricole com- mune. Une goutte d’eau dans le budget global de l’Europe qui atteint 142 mil- liards d’euros. Et ces 142 milliards équi- valent à peine à 1 % de la richesse créée chaque année par les États- membres. Alors que pèsent dans toutes ces considérations les besoins des 13 millions d’Européens dont la sur- vie dépend uniquement de ce pro- gramme d’urgence ? Apparemment pas grand-chose. Jean-François Hauser Éditorial est éditée par “Les Éditions de la Presse Pontissalienne”- 1, rue de la Brasserie B.P. 83 143 - 25503 MORTEAU CEDEX Tél. : 03 81 67 90 80 - Fax : 03 81 67 90 81 E-mail : redaction@groupe-publipresse.com Directeur de la publication : Thomas COMTE Directeur de la rédaction : Jean-François HAUSER Directeur artistique : Olivier CHEVALIER Rédaction : Frédéric Cartaud, Édouard Choulet, Thomas Comte, Jean-François Hauser. Agence publicitaire : S.A.R.L. BMD - Tél. : 03 81 80 72 85 François ROUYER - Portable : 06 70 10 90 04 Imprimé à I.P.S. - ISSN : 1623-7641 Dépôt légal : Décembre 2011 Commission paritaire : 1102I80130 Crédits photos : La Presse Pontissalienne, C.C. Mont d’Or-Deux lacs, Sophie Cousin, O.N.F., Ville de Pontarlier.

POLITIQUE

Agriculteur à Frasne Sylvain Marmier l’Européen Le représentant agricole, exploitant à Frasne, vient de sortir au nom du Conseil économique et social régional un rapport sur l’avenir des aides européennes en Franche-Comté. Sur le plan politique, il assure qu’il ne sera plus candidat aux élections européennes, ni à aucun autre scrutin.

Sylvain Marmier est membre du Conseil économique, social et envi- ronnemental de Franche-Comté.

L a Presse Pontissalienne : En tant que membre du Conseil économique, social et environnemental régio- nal, vous venez de publier avec vos collègues un long rapport censé “dynamiser en Franche-Comté la poli- tique de l’Union européenne”. Mais comment rendre visible l’Europe depuis la Franche-Comté ? Sylvain Marmier : Les discussions sont justement ouvertes au sujet de la prochaine politique euro- péenne en matière d’aides financières qui s’étalera de 2013 à 2020. La Franche-Comté a un an pour se positionner car dorénavant pour que les dos- siers francs-comtois soient soutenus financière- ment par l’Europe, il faudra répondre à certaines priorités. D’autre part, l’Europe imposera désor- mais la notion de résultat. La totalité des fonds ne sera pas versée d’un seul coup mais une par- tie 5 ans après, conditionnée à la réussite du pro- jet soutenu. Dans le rapport que nous avons pré- senté avec mes collègues du Conseil économique, on donne une véritable méthodologie de l’action franc-comtoise en matière d’aides européennes. Il faut aussi que les élus régionaux se battent pour que la Franche-Comté soit reconnue en tant que région dite “en transition” et non pas com- mune région riche.À la clé, il y a plus d’aides euro- péennes. L.P.P. : Mais qui peut donc être soutenu financièrement par l’Europe ? S.M. : Tout porteur de projet, associatif, public ou privé. Le problème, c’est que pour l’instant, il y a une grande solitude du porteur de projet. Si vous ne connaissez pas par hasard une personne qui elle-même connaît les fonds européens, vous êtes sûr de passer à côté d’aides potentielles. L’Europe doit être plus visible en région. Cela passe notam- ment par la création d’une plate-forme commune “Europe” où travailleraient toutes les personnes qui s’occupent d’Europe dans les collectivités ter- ritoriales par exemple. Que le moindre porteur de projet, qu’il se trouve à Chapelle-des-Bois ou à Saint-Loup-sur-Semouse sache à qui s’adresser en cas de besoin, qu’il y ait aussi de l’animation sur le terrain, ce qui n’existe pas. Pour faciliter les choses, nous proposons également la création d’un fonds d’amorçage et d’un fonds partenarial qui aide à financer, ou avancer le financement des aides. À travers notre étude, nous faisons appel à l’intelligence collective.

tique. Aujourd’hui les choses sont claires : j’ai vécu des choses sur le plan familial qui m’ont fait me poser beaucoup de questions sur mon engagement politique. Je suis en train de reconstruire ma vie personnelle. En conséquence, je tire un trait sur mon engagement politique. Je ne serai pas can- didat aux prochaines européennes, pas plus qu’à des scrutins locaux ou territoriaux. À 43 ans, j’ai d’autres priorités, notamment familiales, ainsi que mes mandats socio-professionnels. Je suis vice-président de la caisse régionale du Crédit Agricole, je suis à la Chambre régionale d’agriculture, au Conseil économique et social et je siège à l’Euromontana en tant que représen- tant de la F.N.S.E.A. à Bruxelles. Tout cela suffit largement à m’occuper. L.P.P. : Alors la politique ne vous titille plus ? S.M. : J’ai eu le vent en poupe à un moment don- né car j’ai un C.V. un peu particulier sur les affaires agricoles européennes. Mais en politique, je n’ai jamais eu l’occasion de me présenter à une élec- tion, même locale. Je ne me considère pas avoir de légitimité politique. J’ai pris de la distance avec la chose politique. Je ne peux pas déontologique- ment porter fortement mes mandats socio-pro- fessionnels avec un engagement politique. Et je veux pouvoir garder une discussion saine avec les élus de tous bords. L.P.P. : Dans votre agenda, y a-t-il encore une place pour votre métier d’agriculteur à Frasne ? S.M. : Sur le G.A.E.C., j’ai embauché un salarié à l’année qui fait 35 heures par semaine et je fais le reste, soit une vingtaine d’heures par semaine sur l’exploitation. L’équilibre fonctionne très bien avec mes associés du G.A.E.C. Je me suis fixé com- me règle d’or de garder une vraie crédibilité sur notre exploitation pour pouvoir m’impliquer ailleurs. L.P.P. : Et la famille dans tout ça ? S.M. : Justement. Désormais, le côté familial est primordial. J’ai aussi envie de me faire plaisir et pouvoir le week-end traire les vaches, faire du V.T.T., du ski et des bisous à mes gamins. À 55 ans, je ne verrai peut-être pas la vie de la même manière. Mais pour l’instant, c’est comme ça que je l’envisage. Propos recueillis par J.-F.H.

L.P.P. : Donnez des exemples concrets de projets qui ont été soutenus par les fonds européens récemment. S.M. : Par exemple aux Hôpitaux- Vieux où la commune a porté un grand projet d’amélioration pas- torale du grand site d’alpage du Mont de l’Herba. 18 700 euros ont été apportés par les fonds euro- péens, sur un budget global de 150 000 euros.Autre exemple avec la scierie Chauvin à Mignovillard qui a obtenu près d’1million d’euros de l’Europe pour la construction de sa nouvelle unité de sciage. On peut dire que si les fonds euro- péens n’existaient pas, le secteur du sciage en Franche-Comté aurait peut-être disparu. Entre 2007 et 2013, la Franche-Comté aura

“Le côté familial est primordial.”

reçu 284 millions d’euros de fonds européens (sans parler de la Politique agricole commune qui ne fait pas partie de ce même volet). À Besançon, le projet Témis-Sciences porté par la Région (bud- get 33 millions d’euros) a reçu 15,6 millions d’euros, soit près de la moitié. Tout le monde, vraiment,

peut prétendre accéder aux fonds européens. Notre message est le suivant : l’Europe ne nous oblige pas à…, elle nous entraîne vers… L.P.P. :Vous êtes depuis longtemps un“euro- convaincu”, à tel point que vous vous étiez positionné en 2009 pour briguer un man- dat de député européen. Y aura-t-il une candidature Sylvain Marmier au prochain scrutin européen ? S.M. : En 2009, je m’étais engagé politiquement parce que j’avais pensé, comme d’autres l’avaient pensé aussi, que ma candidature pouvait être utile sur le plan natio- nal pour défendre la cause agrico- le. Les choses se sont passées autre- ment et je n’ai aucun regret car je n’ambitionnais aucunement de fai- re une carrière en politique. D’ailleurs je suis plus intéressé par le fait européen que par le fait poli-

“J’ai pris de la distance avec la politique.”

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