La Presse Bisontine 49 - Novembre 2004

L’ÉVÉNEMENT

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Il est plutôt rare en France qu’un procu- reur de la République ouvre une enquê- te pour faire toute la lumière sur le fonc- tionnement du greffe d’un tribunal de Commerce. À première vue, on suppose que ce type de société à vocation com- merciale est suffisamment contrôlé pour être au-dessus de tout soupçon. L’affaire du greffe de Besançon tend à démontrer le contraire. Les deux professionnels en charge du greffe bisontin sont entendus par la justice pour répondre des anoma- lies constatées dans la gestion de cette entreprise d’activité juridique. Il leur est reproché notamment l’existence d’un compte parallèle qui échappait à la comp- tabilité globale de la société. Ils n’auraient pas déclaré non plus aux services fiscaux l’ensemble de leurs revenus. Ce mode de fonctionnement leur aurait permis de se constituer un patrimoine confortable. Ils sont traduits devant le tribunal de Gran- de Instance de Besançon le 5 novembre. Tourmente au tribunal de commerce

L’ÉVÉNEMENT

J USTICE Audience le 5 novembre

Le procureur voulait agir vite Tout est allé très vite à partir du moment où le procureur de la République a eu connaissance des irrégularités dans la gestion du greffe du tribunal de Commerce.

A u départ, il ne s’agissait que d’une rumeur. Mais son contenu a inter- pellé Jean-Yves Coquillat, procureur de la République qui s’est intéressé de plus près “au fonctionnement du greffe du tribunal de Commerce.” Sur la base d’infor- mations transmises par les services fiscaux, qui ont déjà constaté des irrégularités dans la gestion du greffe, il a diligenté une enquête en juin dernier. Elle a été confiée à la section économique et financière de la police judiciaire de Besançon qui a mis en évidence les dys-

Jean-Yves Coquillat s’est emparé de ce dossier, dans lequel Robert Caza- li est également pour- suivi pour “usage de faux.” C’est un autre angle de l’affaire qui ne concerne pas directement le fonctionnement du greffe. Le procureur a frappé fort, vite, mais “pas dans la précipita- tion.” Pour gagner du temps, il a choisi de ne

merciale” précise le procureur. L’argent qui alimentait ce compte était de pro- venances diverses tels que des dépôts desti- nés à financer le travail des experts nommés par le tribunal de commerce dans certaines affaires. “Il arrive que pour des dossiers jugés par le tribunal, une des parties demande une expertise. Dans ce cas, elle avance une certai- ne somme d’argent qui est directement provi- sionnée par le greffe” précise le conseil natio- nal des tribunaux de commerce. Cet argent servira à rémunérer l’expert une fois sa mis-

Jean-Yves Coquillat, procureur de la République : “Nous sommes en présence d’une infraction commerciale commise dans le cadre d’une société commerciale”.

sion terminée. Sur ce compte, qui échappait une fois encore à la comp- tabilité générale de l’entreprise, les frères Cazali ont ponctionné 55 094, 35 euros en 2001 et 2002. Le second élément reproché aux deux associés-gérants est “le tra- vail dissimulé.” C’est-à-dire qu’ils ne déclaraient qu’une partie de

fonctionnements de cette société privée au service du tribunal de Commerce. Deux reproches sont faits aux associés-gérants du gref- fe, Jean-Yves et Robert Cazali (ce dernier a aujourd’hui cédé ses parts à son frère et quitté le gref- fe) : “abus de bien sociaux” et “tra- vail dissimulé.”

“Agir vite, mais pas dans la précipitation.”

L’audience publique est fixée au 5 novembre au tribunal de Grande Instance. Jean-Yves et Robert Cazali qui ont été entendus par la jus- tice doivent être jugés à cette date pour les faits qui leur sont reprochés. “Nous verrons à ce moment-là s’ils sont condamnés ou pas, car pour l’instant, ils sont présumés innocents.” Ils peuvent être condamnés à une amende voi- re à une peine d’emprisonnement. En atten- dant, Jean-Yves Cazali est frappé d’une inter- diction d’exercer sa profession de greffier. Deux administrateurs provisoires ont été nommés le 12 octobre pour assurer le fonctionnement du greffe du tribunal de Commerce. ! T.C.

pas ouvrir d’information et ainsi de ne pas sai- sir de juge d’instruction. “Les Parquets n’ont pas cessé de réduire l’ouverture d’informations car nous avons d’autres méthodes qui nous per- mettent de résoudre des affaires plus vite. On réserve l’ouverture d’information pour des dos- siers qui demandent des investigations pous- sées. Nous n’avons pas non plus voulu recou- rir à une procédure de comparution immédiate pour permettre aux frères Cazali d’organiser leur défense” dit-il. Le procédé employé par le procureur dans l’affaire du greffe du tribunal de Commerce de Besançon avait aussi pour but de mettre fin sans attendre aux pratiques des deux “affairistes” , alors qu’une informa- tion aurait probablement duré plusieurs années.

leurs revenus mensuels (1 800 euros) alors que chacun d’eux a perçu jusqu’à 10 fois plus. S’il n’y a pas de honte à gagner beaucoup d’argent dans le cadre de son activité professionnelle, car être riche n’est pas une infraction, il faut au moins se tenir en règle avec les services fis- caux. Les intéressés auraient d’ailleurs fait l’objet de plusieurs redressements fiscaux. Tout est allé très vite à partir du moment où

Dans le premier cas, “on leur reproche l’exis- tence d’un compte tenu hors de la comptabili- té de la S.E.L.A.R.L. (société d’exercice libéral à responsabilité limitée). Les frères Cazali ont effectué plusieurs ponctions sur ce compte, même si nous avons relevé quelques rembour- sements partiels des sommes perçues. Nous sommes en présence d’une infraction commer- ciale commise dans le cadre d’une société com-

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