La Presse Bisontine 49 - Novembre 2004

L’ÉVÉNEMENT

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Repère

T RIBUNAL DE C OMMERCE 19 juges Marcel Felt : “Nous sommes sereins”

Qu’est ce qu’un tribunal de Commerce ? Le tribunal de Commerce est la seule juridiction faisant appel à des magis- trats non professionnels qui soit com- posée de façon parfaitement homo- gène puisque tous les juges consulaires sont issus du même collège : les com- merçants. Ce tribunal est compétent pour juger tous les litiges commerciaux tels qu’un conflit entre associés d’une société commerciale, les conflits nés de la vente d’un fond de commerce, ou encore les conflits liés aux règle- ments et aux liquidations judiciaires. Qu’est-ce qu’un greffier du tribunal de commerce ? Le statut du greffier du tribunal de com- merce est défini par le code de l’Or- ganisation Judiciaire. Officier public et ministériel, c’est un professionnel libé- ral nommé par le Garde des Sceaux. Il exerce sa fonction sous la surveillance du Ministère Public (procureur de la République). Les règles déontologiques très strictes imposées aux greffiers des tribunaux de commerce garantissent la sécurité et la fiabilité des informa- tions qu’ils détiennent. Le greffier a une double compétence. Judiciaire tout d’abord, car il assiste les membres du tribunal à l’audience et le président dans l’ensemble des tâches juridictionnelles qui leur incom- bent. Il assure son secrétariat. La seconde compétence est extra-judi- ciaire. C’est-à-dire que le greffier assu- re la tenue des différents registres pré- vus par des textes en vigueur.Il effectue notamment les inscriptions au registre du commerce et des sociétés, le dépôt des comptes sociaux, et de tous les actes qui témoignent du changement de situation d’une entreprise (modifi- cation de l’activité, de la gérance, du capital, cession d’activité, etc.).

Le président du tribunal de Commerce de Besan- çon ne souhaite porter aucun commentaire sur une affaire qui ne concerne que le greffe. Il insis- te sur l’importance de faire le distinguo entre gref- fe et tribunal de Commerce.

L a Presse Bisontine : Quelle est l’am- biance en ce moment au Tribunal de Commerce ? Marcel Felt : Nous sommes soudés dans la mission de service public que l’on doit à la Chancellerie. Le tribunal de Commerce n’est en rien concerné par les péripéties des greffiers. Ce sont deux entités biens distinctes avec d’un côté le tribunal et ses juges qui sont élus et de l’autre, le greffe qui est une charge privée. Il n’exis- te aucun lien de subordination entre le tribunal et le greffe, sauf que nous siégeons dans la même assemblée mais pas au même titre. Aussi, l’en- M.F. : Des faits ont été révélés, mis en exergue par le Parquet de Besan- çon. Nous n’avons aucune apprécia- tion à donner sur ce qui se passe en ce moment. L.P.B. : Des rumeurs couraient depuis quelque temps sur l’activité du greffe du tribunal de Commerce. Étiez-vous informé des agissements des deux greffiers ? M.F. : Honnêtement, je ne peux pas porter d’appréciation sur les faits. Certaines choses étaient connues. Tout le monde sait par exemple que le parking de Camponovo appartient à Robert Cazali. Tout le monde savait aussi que les deux greffiers avaient une activité dans l’immobilier qui de semble des juges et moi- même sommes sereins par rapport à la mission que l’on a à remplir. L.P.B. : Avez-vous un com- mentaire à porter sur cette affaire ?

mon point de vue ne me semblait pas compatible avec l’activité de greffier. Mais de là à dire qu’elle était illé- gale… L.P.B. : Vous n’avez pas de droit de regard sur le greffe, ni même sur sa comptabi- lité ? M.F. : Nous n’avons en effet pas de droit de regard sur le greffe. Par contre, on peut exiger que les convo- cations au tribunal soient faites dans les délais, comme l’ensemble des pro- cédures. L.P.B. : Quand une société dépose son bilan par exemple. Quelle est la procédure ? bunal de Commerce, remplit un cer- tain nombre de formulaires qu’il remet au greffier. Ensuite, l’entre- preneur est convoqué par le greffier à l’audience du tribunal de Com- merce la plus proche où il est enten- du. Le juge juge, et le greffier maté- rialise la décision du tribunal. L.P.B. : Combien de juges s’investissent au tribunal de Commerce ? M.F. : Nous sommes 19 juges. Des audiences sont programmées tous les lundis, sauf en juillet et en août. Cela représente au final une qua- rantaine d’audiences par an. Notre mission est la prévention auprès des entreprises. Quand une société est M.F. : Quand un chef d’en- treprise vient déposer son bilan, il fait une déclaration de cessation de paiement. Il se pré- sente au greffe du tri-

“Il n’existe aucun lien de subordination.”

Marcel Felt : “Je ne peux pas porter d’appréciations sur les faits.” (photo archive L.P.B.)

te. Pour la plupart, ce sont des anciens chefs d’entreprise. Pour devenir juge, les élections sont libres, il suffit de faire acte de candidature auprès de la préfecture. Il y a un entretien avec le président du Tribunal pour mesu- rer les motivations du candidat. J’avoue qu’il y a peu de candidat car c’est une tâche qui demande beau- coup de travail. !

en difficulté, nous organisons la pro- cédure. Le tribunal de Commerce est saisi également pour régler le conten- tieux général qui par exemple peut survenir entre actionnaires d’une même société. L.P.B. : Quel statut a un juge du tribunal de Commerce ? M.F. : Nous avons un statut de magis- trat, mais notre activité est totale- ment bénévole. On assure une mis- sion de service public. La moitié des juges sont des personnes en retrai-

Propos recueillis par T.C.

Le greffe est incontournable Le greffe est le passage obligé pour toute entreprise qui crée, qui vit ou qui meurt. Il facture chacune de ses prestations suivant un barème précis. A CTIVITÉ 5 627 chronos par an

Des contrôles qui n’en sont pas L’activité des greffes des tribunaux de commerce est contrôlée tous les quatre ans. Mais l’inspection ne dure qu’une journée et ne porte que sur quelques dossiers. O RGANISATION Tous les quatre ans

G reffedu tribunal deCom- merce est une activité commerciale qui peut se révéler très lucrative.Cette socié- té incontournable dans le par- cours de toute entreprise, quel- le qu’elle soit, facture lemontant de ses prestations suivant un barème précis. Ce barème fixe les émoluments du greffier. Par exemple, le dépôt des comptes estfacturé37,92euroshorstaxes, l’immatriculation d’une entre- prise suite à un transfert d’ac- tivité revient à 203,91 euros (H.T.) ouencore ledépôt desactes de constitution d’une société est égal à 6,04 euros (H.T.). Au final, la fréquence de l’acti- vité peut constituer “un chiffre d’affaires” confortable qui don- ne de la valeur à cette société. Un greffe de tribunal de Com- merce se vend, dès l’instant où lesdirigeantsdécidentdesesépa- rer de leur charge. “Il est diffi- cile de donner un prix de vente

d’un greffe, souligne le Conseil national des greffes des tribu- naux de Commerce. Les plus petits greffes qui ne réalisent pas plus de 1 000 chronos par an se vendent dans un maximum de 100 000 euros. Mais Besançon n’est pas un petit greffe.” Le nombre de chronos corres- pondau total des formalités, des immatriculations, de tous les actes enregistrés par le greffe du tribunal de Commerce. En 2003, le greffe de Besançon a réalisé 5 627 chronos, ce qui signifie que cette entreprise commerciale à une valeur qui excède largement les 100 000 euros. À titre indicatif, le capi- tal de la société d’exercice libé- ral à responsabilité limitée (S.E.L.A.R.L.), forme juridique du greffe de Besançon, est de 392 708,67 euros. Aujourd’hui, les deux greffiers du tribunal deCommerce inquié- tés par la justice bisontine “res-

tent propriétaire de leur char- ge quelle que soit l’issue de l’af- faire qui les concerne. Ils auront toujours le choix de s’en sépa- rer” note une source proche de ce dossier. Rien ne semble empêcher non plus les frères Cazali de pour- suivre des activités annexes. En plus de diriger le greffe, leur nom est associé à une douzai- ne d’autres sociétés telles que des sociétés civiles immobilières, ou un commerce qui a une acti- vité de vente de pizzas sur Besançon. Pour le conseil national des gref- fiers des tribunaux de Com- merce, la fonction de greffier n’interdit pas “d’être respon- sable d’une société civile immo- bilière. Par contre, un greffier ne peut pas diriger une autre société, mais cela ne lui inter- dit pas de prendre des partici- pations dans une entreprise com- me tout le monde.” !

L es greffes des tribunaux de commerce sont contrô- lés tous les quatre ans. C’est une obligation fixée “par le code de l’organisation judi- ciaire” indique le conseil natio- nal des greffes des tribunaux de commerce. Comme les 191 greffes de Fran-

naux de commerce en Fran- ce. “Le contrôle est fait par le procureur du Parquet local et deux greffiers des tribunaux de commerce désignés par le ministère de la Justice” pré- cise le conseil. En clair, on ne sort pas de la maison, puisque ce sont des greffiers qui super-

C’est court, mais avant d’agir, le procureur oriente l’inspec- tion” indique le conseil natio- nal des greffes des tribunaux de commerce. En réalité, quelques dossiers sont analysés au hasard lors de ces périodes de contrôle où les investigateurs n’ont ni le temps, ni les moyens maté- riels de passer le greffe à la loupe comme c’est le cas par exemple chez les notaires. Selon une source proche de ce dossier, le véritable problème “est la nature de ces contrôles qui sont formels.” Des inves- tigations plus poussées per- mettraient peut-être de pré- venir certaines dérives qui surviennent parfois dans les greffes des tribunaux de com- merce. ! T.C.

visent le travail d’autres greffiers, tout cela sous l’œil du procu- reur. Cette inspection est succincte

ce, celui de Besan- çon a été inspec- té il y a moins de deux ans. Le rap- port ne mention- ne pas d’anoma- lies particulières

“Le procureur oriente l’inspection.”

puisqu’elle ne dépasse pas une journée. À moins d’une effi- cacité à toute épreuve, ces “ins- pecteurs” n’ont pas le temps de faire le tour de quatre années d’activité. “En effet, à l’heure actuelle, le contrôle se déroule sur une journée selon la formule prévue par le code.

sur sa gestion. Pourtant, au regard des dysfonctionnements mis en évidence par le Par- quet suite à l’enquête de la section économique et finan- cière de la police judiciaire de Besançon, on peut s’interro- ger sur l’efficacité de la pro- cédure de contrôle des tribu-

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