Journal C'est à Dire 147 - Octobre 2009

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L E P O R T R A I T

Morteau Madame Agnès : “Je suis leur psy” Tenancière du bar “Chez Gilles” depuis 34 ans, “Madame Agnès” est la doyenne de la profession à Morteau. Elle évoque ce job qu’il l’a choisie, plus qu’elle ne l’a choisi. Confidences.

D’ ordinaire, elle écoute, réconforte, trou- ve les mots justes en même temps qu’elle sert un café ou nettoie les verres vides. Cette fois, Marie-Agnès Thé- venot change de costume, enlève son habit de barman pour se placer de l’autre côté du comp- toir. À son tour de se confier, d’évoquer sa vie de femme, son travail. “C’est vrai que j’ai davanta- ge l’habitude d’écouter les gens que raconter ma vie” s’amuse cette femme née au Russey et maman d’un grand garçon. Sa particularité : être la doyenne des gérants de bar de Morteau. Le 28 octobre, elle fêtera les 34 ans de son éta- blissement. Trois décennies ont passé, les clients se sont succédé mais le décor de son établisse- ment est resté le même : un peu rétro… “Je ne changerai jamais la décoration. C’est ce qui don- ne l’âme à mon bar. Les anciens me le disent sou- vent” argumente la patronne. Et pour cause. Si “Madame Agnès” n’a rien changé depuis tant d’années, c’est aussi et surtout pour garder intac- te la mémoire de son mari Gilles, décédé subi- tement en 1984 d’un arrêt cardiaque. “On venait de refaire l’établissement depuis une semaine… Cette ouverture lui tenait tellement à cœur que j’ai décidé de poursuivre. Il est décédé un same- di. Le jeudi, je rouvrais alors que ma famille et belle-famille étaient contre cette idée.” De ce job, elle n’y connaissait pas grand-chose. Pire, “les clients ne me voyaient même pas lorsque mon mari servait. J’étais invisible.” Le décès l’oblige à découvrir ce métier et abandonner le sien : celui de secrétaire. “Sans les amis de mon

mari, je n’y serais jamais parvenue !” D’ailleurs, Marie-Agnès ne parle pas de clients mais “d’amis” et tous les jours sauf le jeudi et le dimanche, elle ouvre la petite porte en bois de son bar installé au 1, rue Gilbert Menie. “J’ouvrais le matin mais depuis 2001, j’ai été obligée de licencier une employée. Mon chiffre d’affaires a diminué de 20 %” lâche-t-elle un peu désabusée face à l’évolution de son métier et des mentalités. “Je

reste la psy (sourire) mais les gens s’amusent moins. Le midi ou le soir, beaucoup de Mortuaciens venaient se retrouver pour prendre un “Pont”. Aujourd’hui, c’est fini.” Finie également cette époque ou

“La main sur une femme.”

Marie-Agnès se rendait au théâtre situé juste devant son établissement. “Je faisais en sorte de trouver une place juste à côté de la sortie. Dès que c’était terminé, je filais au bar car les spectateurs venaient ensuite prendre un verre. Parfois, j’avais tellement de monde que des copines me donnaient un coup de main pour laver les verres.” Il est arri- vé que la jalousie s’immisce dans le quotidien : “Une fois, j’ai reçu une lettre anonyme. Peut- être une femme jalouse…” Si elle a affronté les préjugés de “femme barman” , elle n’a jamais eu de problèmes pour assurer la sécurité dans son espace : “ Jamais un homme ne voulait lever la main sur une femme..” Amoureuse de jazz, elle laisse tourner en boucle ses musiques préférées mais les concerts, com- me celui organisé avec le jazzman Jean-Luc Paro- di, sont terminés. Marie-Agnès aime à rappe-

“Madame Agnès” veille sur le bar “Chez Gilles”. À moins que ce ne soit l’inverse…

ler qu’elle fut la première à recevoir les “New Blues Brothers” lors de la fête de la musique en 2002. Nostalgique, la tenancière l’est un peu, surtout lorsque l’on évoque les 30 ans de son bar : “C’était une belle fête. J’avais utilisé les rideaux de couleur orange pour en faire des mini-jupes et cravates à mes amis… Ils étaient bien ces rideaux : ils ne bougeaient pas au lavage, mais j’ai eu le

déclic de les changer lorsque j’ai vu le film Tatie Danielle !” Des souvenirs qui la font avancer au point qu’elle ne pense pas un moment à la retraite. Marie- Agnès aurait trop peur de s’ennuyer. Une vraie femme de caractère. E.Ch.

ESPACE VALENTIN CENTRE BESAN Ç ON (FACE À CARREFOUR) 03 81 80 85 00

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