PEPS_28_BasseDef (1)

137

Bilbao Cité starchitecturale Le 19 octobre 1997 marque certainement la renaissance de la capitale du Pays basque espagnol. Ce jour-là, sur les quais du Nervión, est inauguré un bâtiment biscornu, à la belle carapace de titane : le musée Guggenheim. Dans son sillage éclôt une série de constructions plus expérimentales les unes que les autres, autour de sa Vieille Ville au charme suranné. Texte de Rafael Pic – Photographies de Bertrand Rieger / Détours en France Q uand on arrive de l’aéroport, il surgit soudain, en contrebas, au détour d’un dernier virage, sous un pont d’un rouge éclatant. Sous le ciel gris de Bis-

a élaboré un pont transparent, devenu un autre emblème, auquel on a donné le nomde Zubizuri (“pont blanc”). Et qui a aussi été la source d’un con it : la passerelle de verre n’étant pas adaptée au climat humide de la Biscaye, la mairie en a recouvert le sol de plaques antidérapantes, suscitant l’ire de Calatrava. L’architecte, davantage soucieux de son droit d’auteur que du confort des piétons condamnés à la glis- sade, a usé des tribunaux pour faire reconnaître son pont comme uneœuvre d’art. Ce qui semble aller de soi aujourd’hui, personne ne l’aurait imaginé, même dans les rêves les plus fous. Il y a trente ans, la ria charriait un ot boueux, parfois pestilentiel, et les chocs entre la police et les grévistes étaient quotidiens. « Bil - bao était alors sinistré » , nous explique notre guide Sergio Iriarte, en nous menant dans les ruelles de la Vieille Ville. « Au début des années 1980, le taux de chômage avoisinait les 40%. La fermeture des hauts fourneaux, la crise des chan - tiers navals, l’abandon progressif de l’industrie lourde avaient saigné la ville à blanc. Regardez cettemarque sur lemur, bien au-dessus de vos yeux. Elle indique le coup de grâce : le ni - veau de l’inondation catastrophique du 26 août 1983 qui t plus de 30morts et mit la ville à genoux. » Bars à pintxos et restaurants étoilés Avec ses façades pimpantes, sa cathédrale – monument gothique qui porte témoignage de la fondation de la ville au XIV e siècle, objet d’une soigneuse restauration entre 1997 et 2000 –, sa PlazaNueva, version XIX e siècle de la typique plazamayor espagnole et dont les bars à pintxos (tapas) ne désemplissent pas de la journée, Bilbao a che une inso - lente prospérité. Des conversations joyeuses semblent re éter cet enthousiasme retrouvé : des groupes de jeunes, bière à la main, sont occupés à leur pèlerinage quotidien, de bar en bar. Avec de petites rations cependant, pour faire durer le plaisir. Ils font bien de porter un toast à la patronne locale, la Vierge de Begoña, dont on voit une petite sculp- ture au croisement des rues de la Pelota et Santa Maria. Ces verres chiquitos ont exactement la forme des porte- cierges qui servaient à sa dévotion. Faire la tournée des

caye, cette province du nord de l’Espagne, c’est un musée, dit-on, même si on n’a jamais rien vu de semblable dans la galaxie artistique. À son ouverture, en 1997, beaucoup remettaient en question l’avenir du Guggenheim Bilbao. Aujourd’hui, le doute n’est plus permis : cet ovni architec - tural signé Frank Gehry a attiré plus de 20millions de visi- teurs depuis son ouverture. Et entraîné une transformation complète du tissu urbain. Les abords du musée sont peu à peu devenus un parc de sculptures : Maman , l’immense araignée de Louise Bourgeois ; les Tulipes colorées de Je Koons et son tout aussi gigantesque Puppy , un chiot couvert de eurs et haut de 12 m ; le Grand Arbre et l’Œil, cascade de boules en Inox d’Anish Kapoor ; sans oublier la Fontaine de feu d’Yves Klein, qui crache ses ammes à intervalles réguliers. Un tramway roule sur des pelouses immaculées, des ra- meurs donnent des coups d’aviron sur une eau pure, des joggers slaloment au milieu d’un quartier de constructions futuristes. Dans le sillage de Gehry, une pléthore de “ star- chitects ” ont fait de Bilbao leur terrain d’expérimentation. Norman Foster a travaillé en sous-sol, signant le métro. La bibliothèque de la séculaire Université de Deusto, dessinée par Rafael Moneo, perce la nuit avec ses petits carreaux de verre qui irradient une lumière bleutée.Œuvre deCésar Pelli, la tour Iberdrola propulse ses 41 étages vers le ciel. Les rares privilégiés qui accèdent à la piste d’hélicoptère située sur son toit béné cient d’un panorama superbe vers la mer ou les montagnes basques. En repartant vers la Vieille Ville, le défilé des bâtiments d’avant-garde reprend. Pour remplacer l’ancienne Douane, le Japonais Arata Isozaki a dessiné deux immeubles en vis- à-vis : des tours jumelles qui forment une nouvelle porte symbolique à la ville. Pour traverser la ria, SantiagoCalatrava THE EASTON FOUNDATION, ADAGP, PARIS 2018 - LOUISE BOURGEOIS, MAMAN - ADAJP, PARIS 2018 Terrain d’expérimentation des “starchitects”

Made with FlippingBook flipbook maker