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de ronde nous renvoie vite dans un plus lointain passé. Un étroit escalier cou- vert plonge en direction des quais pour suivre le relief de la muraille, découpant dans ses embrasures, des vues sur les bateaux du port. Le chemin de ronde bifurque bientôt puis remonte à l’ouest pour relâcher sesvisiteursdans larue, un peu hagards. En face, une tour arrondie de facture moderne, le Torrione, occupe l’emplacement original des forteresses militaires pisanes puis génoises. Rasée en 1901 car trop visible des ennemis, elle fut rebâtie dans les années 1980 comme mémoire de la citadelle. Le site le plus insolite de Bonifacio se trouve presque au pied de la tour. « 121, 122, 123… » Dans l’escalier du roi d’Aragon, les visiteurs essoufflés comptent les marches en remontant depuis la mer. Il y a en 187, taillées dans une faille naturelle de la falaise, utilisée de tout temps pour accé- der à une nappe d’eau douce. La légende raconte que l’escalier fut creusé en une nuit, lors du siège de 1420 mené par les troupes du roi Alphonse V d’Aragon. Pour ce dernier, il s’agissait de faire capituler Bonifacio après s’être rendu maître de la Corse (dont son père avait été fait roi par le Pape). Le siège fut un échec. 16 H - LES FANTÔMES DU QUARTIER MILITAIRE Près du Torrione, au milieu d’un parterre d’immortelles odorantes, l’église Sainte-Dominique pointe son singulier clocher octogonal et crénelé . À l’époque de sa construction, à la fin du

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Le cap Pertusato, au sud de Bonifacio, spectaculaire plateau calcaire de 6000 hectares. Lecélèbre Grainde sable, drôle de rocher calcaire qui forme un îlot à quelques mètres du rivage, vu des terrasses du

Bastion de l’Étendard.

dans une atmosphère fantomatique. « La garnisonpuis la présence de laLégion fran- çaise ont ouvert Bonifacio sur le monde », souligne Pierre Gazano. Et de rappeler que la population de Bonifacio est res- tée génoise, sans aucun autre apport de

xiii e siècle, des chapelles de confréries ceinturées d’enclos occupaient le vaste espace de l’est de la presqu’île. Au xviii e 8et xix e siècles, les Génois puis les Fran- çais y édifièrent les casernes Montlaur qui attendent désormais une seconde vie

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J E A N - M I C H E L C U L I O L I , L E S L A V E Z Z I A U C ΠU R

« Il y a une vingtaine d’années, des bergers faisaient encore nager leurs vaches depuis la plage dePiantarella jusqu’aux îles Lavezzi pour les faire pâturer. Sur le trajet de 5 km, ils leurmaintenaient la tête hors de l’eau avec un billot de bois », explique Jean-Michel Culioli, en charge de la Réserve naturelle des Bouches de Bonifacio pour l’Office de l’environnement de la Corse, dont fait partie l’archipel des Lavezzi, qui n’a plus de secret pour lui. « Mon oncle était le dernier gardien du phare des Lavezzi, j’ai passé mon enfance ici », poursuit-il. Il a vu arriver les premières navettes maritimes touristiques à la fin des années 1970, a constaté l’intensification de la pêche récréative et observé la fermeture du milieu terrestre après le départ définitif des bergers. Il s’agit de préserver ces fragiles îles granitiques, exposées

à l’intensification du trafic maritime avec des vents et des courants très puissants. « Une première victoire : les navires pétroliers français et italiens n’empruntent plus les Bouches de Bonifacio », précise-t-il. Avec une équipe de 25 personnes, il s’attache à protéger la Réserve et ces îles riches de colonies de puffins cendrés, de patelles (gastéropodes fixés aux rochers) et d’une plante endémique, le limoniumde Lambinon.

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