La Presse Bisontine 217 - Février 2020

26 DOSSIER I l Débat

La Presse Bisontine n°217 - Février 2020

Une réunion tendue “Vos 16 policiers, on ne les voit pas !” Le préfet du Doubs et le maire de Besançon ont été poussés dans leurs retranchements par des habitants en colère qui répètent la même chose depuis des années.

handicapé de 800 euros. J’étais assuré au tiers. J’ai tout perdu, je venais d’ache- ter cette voiture trois jours avant l’in- cendie et maintenant on me demande 180 euros pour la sortir du parking. Du coup, elle va à la casse. Que font Joël Mathurin et Jean-Louis Fousseret ? Rien. J’ai tout perdu” s’énerve-t-il. La mairie a voté au conseil municipal une aide. L’association France Victimes peut conseiller ces personnes. l Fusillade “La présence de policiers, c’est au quo- tidien qu’on la veut. Ce n’est pas votre action avec la B.R.I. devant les caméras qui change quelque chose, lance cet homme, énervé. J’y étais quand la fusil- lade a éclaté. On n’a pas vu un policier. Vos 16 policiers, on ne les voit pas, on ne les voit jamais !” l Commissariat Lorsque le préfet a annoncé que le commissariat de l’avenue du Parc était ouvert dès 8 heures, toute la salle a ricané. Il ouvre plutôt en fin de mati- née. Les habitants demandent une présence le soir et week-end. Le préfet y réfléchit.

L a salle du Centre Nelson-Man- dela était pleine à craquer mer- credi 15 janvier. Des habitants (souvent âgés), des bénévoles associa- tifs, des futurs candidats aux munici- pales, ont répondu à l’invitation du maire de Besançon et du préfet du Doubs, venus expliquer et apporter des réponses aux craintes des habitants sur l’incendie du parking de la fourrière municipale, quant à la pollution de l’air, et à l’insécurité. Le dialogue a parfois tourné court avec un préfet qui a parlé d’un quartier “en reconquête républicaine” , ce que ne semblent pas constater sur le terrain les habitants. La réunion a duré trois heures.

l Intermarché C’est une des priorités : proposer aux habitants des produits de première nécessité. Adrien Vitte, gérant d’In- termarché l’a promis : “Je ne lâcherai pas le quartier. On reviendra plus fort.” Un lieu devrait être proposé, proche de Cassin. L’association Arcade s’est proposé d’organiser un système de navettes pour conduire les personnes à mobilité réduite dans d’autres super- marchés. l Voitures Touchante l’histoire de cet homme qui a perdu sa voiture dans l’incendie de Planoise : “Je vis d’une allocation adulte

Si elles l’ignoraient encore, les autorités ont pu prendre conscience du ras-le-bol et de l’inquiétude des habitants de Planoise lors de cette réunion mi-janvier.

l Parents Le représentant de l’État veut que les parents responsabilisent leurs enfants. “Vous prêchez des convaincus. Les gens qui sont ici à la réunion ne posent pas de problème” , dit une retraitée. Réponse

du préfet : “On a deux liens avec les parents : l’école et la C.A.F.” Est-ce à dire que les gamins qui sèment le trou- ble vont priver leurs parents des allocs ? n E.Ch.

l Interview

Le préfet du Doubs “La sécurisation renforcée de Planoise est en route” Manque de policiers, multiplication des actes délictueux, sentiment d’insécurité en hausse : l’État est sous le feu des critiques. Son représentant dans le Doubs affirme vouloir passer à la vitesse supérieure.

Maintenant, il faut passer à la phase suivante. L.P.B. : Qui consistera en quoi ? J.M. : Cela passe notamment par le lancement rapide du nouveau Plan de rénovation urbaine (P.R.U.) pour lequel 180 millions d’euros vont être injectés pour la création de 1 000 logements. Cela explique aussi en partie la situation actuelle car sur un îlot comme Champagne où nous déjà avons relogé de nombreuses familles, il n’en reste qu’une dizaine et forcément, les espaces laissés libres sont investis par les délinquants. Il faut désor- mais faire en sorte que les der- nières familles soient relogées ailleurs au plus vite et qu’ainsi puissent être condamnés défi- nitivement les logements vides. C’est la raison pour laquelle je rencontre aussi régulièrement les bailleurs sociaux pour que soit accéléré ce processus de relogement. Les situations dans lesquelles certaines familles refusent jusqu’à huit fois des solutions de relogement doivent cesser. Au bout de trois refus désormais, nous utiliserons la contrainte. Le deuxième volet est l’aspect judiciaire et sur ce point, le pro- cureur de la République va lui aussi accélérer les procédures. Et pour être tout à fait cohérent, il ne faut pas oublier le volet prévention en jouant le plus tôt possible sur cette notion d’es- pérance républicaine. C’est tout l’objet de la cité éducative, un dispositif dont bénéficiera Pla- noise comme 80 autres quartiers en France, avec des moyens en face.

touche tous les milieux. Que faites- vous contre ces consommateurs ? J.M. : C’est en effet fondamental. Il y a déjà le volet répressif sur lequel le procureur de la Répu- blique a également décidé d’ac- célérer les choses avec toute une palette de sanctions et d’actions très répressives. Il y a aussi le volet prévention et cela explique la présence de l’Agence régionale de santé dans notre dispositif depuis un an. Son directeur s’ap- prête àmettre en place un centre d’addictologie de niveau 2 pour prendre en charge tous les toxico-dépendants. Ce centre entrera en fonction dès cette année. L.P.B. : L’évolution de la situation à Planoise vous inquiète-t-elle ? J.M. : Je ne suis pas inquiet, je suis très déterminé. Si nous n’avions pas de stratégie, là, je serais inquiet. Mais ce n’est pas le cas. J’ai d’ailleurs été nommé ici à Besançon en partie pour ça, pour déployer une stratégie pour ce quartier. Notre méthode a déstabilisé le système, il faut cette fois accélérer. J’annonce aussi que nous allons renouveler régulièrement les rencontres avec la population comme nous l’avons fait le 15 janvier à Man- dela. La prochaine devrait avoir lieu en avril. Entre-temps, j’ai demandé à la C.A.F. d’aller cher- cher les personnes qui ne vien- nent pas spontanément à ce genre de réunions. La C.A.F. a les moyens de mobiliser ces per- sonnes de façon proactive et j’ai demandé qu’elle le fasse. Je suis extrêmement résolu sur ce sujet. n Propos recueillis par J.-F.H.

L.P.B. : Que répondez- vous aux habitants de Planoise qui déplorent que le commissariat ferme ses portes à 17 heures et le week- end, et l’insuffisance des effectifs de police ? J.M. : La sécurisa- tion renforcée de Planoise est en route. Des unités de force mobile (C.R.S.) arrivent en renfort pour venir en appui des acteurs de l’îlo- tage. Je garantis que les habitants

L a Presse Bisontine : Les règle- ments de compte semultiplient, les trafics de drogue continuent de plus belle, les habitants en ont ras- le-bol… Que leur répondez-vous ? Joël Mathurin : Nous n’avons pas attendu les derniers événements pour agir. Depuis que le quartier fait l’objet d’une stratégie de reconquête républicaine, comme une quinzaine d’autres quartiers en France qui dysfonctionnent, une cellule de lutte contre les trafics de stupéfiants qui réunit la police, la gendarmerie, la douane, la P.J., le groupement d’intervention régional, se retrouve tous les mois autour de la même table pour affiner cette stratégie. Cette cellule a

déstabilisation. Je l’affirme, cette logique est tout à fait efficace. L.P.B. :Sans doute efficace,mais appa- remment insuffisante au vu des évé- nements récents ? J.M. : Cela n’est pas encore suf- fisant mais on voit bien que ça produit déjà ses effets. Planoise avant été organisé, réseauté, avec de vraies logiques mafieuses. En faisant du har- cèlement permanent, on a désta- bilisé ces réseaux, de gros pois- sons ont été mis en prison et forcément, quand un caïd n’est plus là et qu’il est enfermé, d’au- tres veulent prendre sa place. C’est cela qui explique les récents règlements de compte.

permis de cartographier et de quadriller la situation du trafic à Planoise avec les points de deal, les réseaux et leurs logiques. Nous définissons régu- lièrement des cibles et en un an, 257 procédures pénales ont été engagées et 239 interpella- tions effectuées. Nous avons déjà démantelé une douzaine de points de deal sur Planoise et c’est justement à cause ou grâce à notre travail que nous sommes dans cette situation actuellement à Planoise : dans les douze premiers mois de notre action depuis que Planoise a été déclaré Quartier de reconquête républicaine par l’État, nous sommes dans une logique de

“Je ne suis pas inquiet, je suis très déterminé.”

de Planoise vont se rendre compte qu’il y a du “bleu” dans le quartier. La question des plages d’ouverture du commis- sariat est en effet une des demandes du conseil citoyen. Je leur ai donné acte de deux choses : d’abord qu’on trouve en effet un espace ouvert plus tard le soir car, 17 heures, c’est trop tôt. Et qu’au-delà des horaires d’ouverture et du week-end, il est nécessaire que les habitants trouvent un interlocuteur et pas une porte fermée. Nous nous inspirerons de ce qui se passe en zone gendarmerie où quand le bâtiment est fermé, un visio- phone permet néanmoins d’avoir un interlocuteur directement. Ce genre de dispositif technique facile à mettre en place peut être une réponse rapide. L.P.B. : Les trafics n’existeraient pas s’il n’y avait pas de consommateurs de drogues. Cette consommation

Le préfet du Doubs Joël Mathurin (photo archive L.P.B.).

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