SANTE MAGAZINE 520

9 Expliquer

L’AVIS D’EXPERT

“ La liberté de langage s’accompagne d’un trop grand laisser-aller » Dominique Wolton directeur de recherche au CNRS, directeur de la revue internationale Hermès Dominique Wolton directeur de recherche au CNRS, directeur de la revue internationale Hermès les façons de se parler ? Oui, en 50 ans, la liberté de s’exprimer a augmenté au rythme de la technique toujours plus perfectionnée. Ce qui n’a pas créé plus de respect envers autrui. Au contraire, chaque internaute s’est organisé en forteresse, s’auto- risant avec d’autres, à s’opposer à tout : le “Moi je” s’est imposé, avec l’intolérance, le soupçon, les propos haineux, homophobes, racistes, injurieux, diffamants. La liberté de langage s’accompagne d’un trop grand laisser-aller. En quoi se développe-t-elle sur les réseaux sociaux ? Le paradoxe, c’est que plus le volume et la vitesse des informations s’accroissent, plus cette facilité d’échange renforce le conformisme et les idées dominantes, conduisant à exclure, à scinder les générations, et à invectiver, plutôt qu’à s’ouvrir à des pensées originales. Un constat qui contredit tout ce que l’on avait imaginé il y a 30 ans. L’individu devrait équilibrer l’usage des réseaux sociaux par la lecture de livres et de journaux, la vision de films et des activités militantes. Comment peut-on la contrecarrer sur internet sans l’attiser ? Dans un espace de non-droit, nul ne peut y parvenir. C’est l’affaire des politiques. Il faut arrêter de dire qu’internet ne peut pas être réglementé, et appliquer ce qui existe déjà pour la presse, la télé, la radio : on ne peut pas dire n’importe quoi, n’importe comment, sur n’importe qui, sans sanction. La violence a-t-elle changé de forme et d’intensité dans

le sens des

7 Demander sans exiger ni menacer “Tu dois”, “Tu aurais dû”, “Tu devrais”, “Il faut”. Elles sont légion ces injonctions contraignantes qui acculent l’autre, comme les ordres ou les menaces de représailles. Réalisez à quel point vous utilisez ces phrases couperet, avec qui, combien de fois, en quelles circonstances, afin de les rayer peu à peu de votre vocabulaire. À la place, efforcez-vous de formuler des demandes “crappo”, c’est-à- dire concrète, réaliste, actuelle, positive, précise, ouverte, et donc négociable. Par exemple : “Sophie, serais-tu d’accord de m’aider à ranger tout à l’heure ?”... et non “Quelqu’un pourrait-il m’aider ?” ni “Dorénavant, Sophie tu rangeras la cuisine !” L’idée est de trouver ensemble des arrangements satisfaisants pour chacun. 8 Accepter de ne pas avoir un résultat immédiat Vous voulez que votre conjoint désactive son smartphone quand il rentre du travail. Vous en avez convenu, mais en vain. Et vous le rappelez à l’ordre sans relâche. « Faut-il mettre toute votre énergie dans l’obtention du résultat, au risque d’abîmer la relation, d’aller à la rupture ? Vous le paierez très cher en estime de vous, pronostique Françoise Keller. Soupesez ce qui est le plus important : ceux qui vous sont chers. » Puis, rappelez- lui en douceur que vous souhaitez préserver l’intimité familiale après 20 heures. Peut-il s’y entraîner durant ses congés ? Un discours plus productif à moyen ou long terme.

choses Il râle, s’oppose, vous défie ? Il a peut-être peur de casser, de mal faire. « Certains enfants ou adultes sont vulnérables. Il faut leur redonner des bases de sécurité, les encourager, dire que l’on a confiance en eux, pour atténuer l’anxiété et, du coup, l’agressivité », observe Johanna Henrion-Latché. 10 Différer l’échange si nécessaire « Il est capital de s’assurer de la disponibilité des protagonistes, du moment, de la durée, du lieu adéquat pour discuter d’un sujet sensible, sous peine d’indisposer l’un d’eux (ou soi) et d’aller au clash », recommande Françoise Keller. Ainsi, le recadrage d’un collaborateur s’effectue hors réunion, les reproches entre collègues hors open space, et un désaccord entre parents hors la présence des enfants. « Si le contexte ne convient pas, il faut le dire et demander à se parler ailleurs ou plus tard. »

MA BIBLIOTHÈQUE La communication non violente, Geneviève Bouchez-Wilson et Pascale Mohlo. Leduc.s Éd., 6 €. Pratiquer la communication non violente, Françoise Keller. InterÉditions, 22,50 €. Petit cahier d’exercices de communication non violente, Anne Van Stappen. Jouvence Éditions, 6,90 €. Communiquer c’est vivre, Dominique Wolton, Arnaud Benedetti. Éd. Le Cherche Midi, 18 €.

E. LEGOUHY

125 SANTÉ MAGAZINE I avril 2019

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