SANTE MAGAZINE 520

Quel genre de père êtes- vous avec Émile, votre fils ? On apprend le métier de père en même temps que l’on a des enfants. J’ai fait comme tout le monde. Émile, mon fils, a tourné pas mal de films, il écrit, mais il ne suit pas mes traces. Il est vraiment différent, il a une autre façon d’aborder ce métier, sa vie. On s’entend très bien, on parle beaucoup. C’est une génération qui m’intéresse, que je trouve parfois durement menée par la société. On se comprend bien mais il y a eu des périodes différentes, dans un rapport père/fils on ne perçoit pas son enfant de la même façon à 3, 16 ou 25 ans. Vous parlez de génération, l’âge vous préoccupe ? Oui c’est préoccupant, l’âge provoque une accélération du temps. Même si j’accepte mon âge, je ressens des abîmes métaphysiques avec la mort, avec le temps, avec mille choses. Aussi avec un corps qui se transforme. Je l’assume. Mais l’âge, c’est aussi dans le regard des autres qu’on le voit. C’est d’ailleurs ce qui différencie le théâtre et le cinéma, au cinéma, on le voit, ce qui est pénible. Le théâtre renvoie une énergie, une sensation, une émotion, pas une image, le cinéma, oui. Pour cette raison le cinéma est plus dur, parfois plus difficile à supporter. Comment aimez-vous décompresser ? En naviguant. J’adore faire du bateau, de la voile, plutôt du monocoque mais j’aime aussi beaucoup le catamaran. On a l’impression de voler au-dessus de l’eau, c’est magique. CE QUI M’APAISE L’amour. CE QUI ME DONNE DE L’ÉNERGIE La voile. CE QUI ME RÉCONFORTE Jouer. L’art dramatique sous toutes ses formes.

Qu’est ce qui vous met de bonne humeur ? Voir la jeune génération s’enthousiasmer et constater la capacité de l’être humain à évoluer. Par exemple, j’ai été éduqué à manger de la viande ou du poisson tous les jours, mais on apprend à manger autre chose, cela me rend joyeux. Et de mauvaise humeur ? La mauvaise foi et lorsque je suis trop fatigué. Quand je me dis que j’en fais trop ! Quel est votre moteur dans la vie ? Le désir, la passion, l’art. Grâce à l’art on peut rencontrer les autres, essayer de faire évoluer la société dans laquelle on vit. On s’interroge beaucoup au Théâtre Liberté. Comment peut-on aller vers les gens, leur proposer des créations qui vont les rendre plus libres ? L’art est l’une des seules choses aujourd’hui qui permet de De ne pas y arriver, lorsque j’ai le sentiment que cela ne sert à rien. Vous êtes un homme engagé. Aujourd’hui quelle est la cause qui vous tient le plus à cœur ? Je suis en contact avec les membres de l’Aquarius. Ils font un travail rare, unique, important. Il faut les soutenir. Tout être humain en danger sur l’eau doit être sauvé, on ne peut pas laisser les gens crever sous des prétextes politiques. Au Théâtre Liberté nous avons reçu des migrants, leur parcours est terrible. Lorsqu’on regarde la réalité en face, on en a une autre idée. J’invite tout le monde à regarder ce problème en face. 1. Éditions Le Passeur, après Les Joueurs et Aujourd’hui, Maman est morte . 2. Il est sorti en salles le 2 janvier. 3. Premier film d’Emmanuel Hamon. 4. Il codirige le Théâtre Liberté de Toulon depuis 2011. se sentir encore libre. Et votre principale angoisse ?

scène. Tout se complète et s’enrichit. C’est comme lorsque l’on me demande si je préfère jouer au théâtre ou au cinéma. Je fais partie de ces gens qui ont pratiqué les deux assez jeune. Le jeu au cinéma a fait évoluer le jeu au théâtre depuis quarante ans et c’est tant mieux. J’ai la chance de pouvoir toucher à tout. Dans mon dernier livre, j’ai mis quelques dessins, cela ne me dérange pas de les publier, même si je reste lucide. Il est bon de ne pas se sentir empêché par le regard des autres. Comment réussissez-vous à tout concilier ? C’est une question d’organisation, mais il est vrai que j’en fais un peu trop. La parution du livre, la sortie d’ Un beau voyou , réalisé par Lucas Bernard, le tournage du nouveau film de Nicolas Boukhrief écrit par Pierre Lemaître, d’après son livre Trois jours et une vie, avec Sandrine Bonnaire, Pablo Pauly, Philippe Torreton... Je me sens fatigué. Je suis arrivé à la force de ma volonté là où je ne voulais pas ( Rires ). Ce qui vous fait dire oui ? Je fonctionne beaucoup au feeling. Pour le film de Lucas Bernard, j’étais intrigué par le scénario. Puis je l’ai rencontré, et j’ai été conquis par l’originalité de ce garçon. J’ai aussi envie d’incarner des personnages que je n’ai jamais faits, et c’était le cas pour Un beau voyou , comme pour le film de Nicolas Boukhrief. Avez-vous encore un rêve d’artiste ? Je n’en ai jamais eu parce que j’ai eu la chance de toujours les réaliser. À chaque fois, j’ai des projets nouveaux pour maintenant, pour l’an prochain. Que faites-vous pour garder la forme ? Rien ou plutôt je fais l’amour, c’est le meilleur remède pour garder la forme.

SON ACTU Les Exfiltrés, un film d’Emmanuel Hamon. Avec Swann Arlaud, Jisca Kalvanda, Finnegan Oldfield, Kassem Al Khoja. En salles le 6 mars.

© EPITHETE FILMS

127 SANTÉ MAGAZINE I avril 2019

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