Journal C'est à Dire 132 - Avril 2008

D O S S I E R

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Le mois de mai 68 a mis la France sens dessus dessous. Étudiants et ouvriers ont lancé ce mouvement qui a cristallisé ensuite toutes les contestations d’une société en crise. De cette période tourmentée, l’histoire en garde d’abord quelques images fortes. On voit les pavés, les C.R.S., la fumée, les banderoles. L’épicentre du séisme était à Paris. A-t-il provoqué des secousses partout en France ? Cer- tainement. Jusqu’aux confins du pays et même dans les terres que l’on dit tra- ditionnelles et conservatrices. Le Haut-Doubs n’a pas échappé à la règle. Du pla- teau de Maîche au secteur de Pontarlier, notre territoire a vécu à sa manière les soubresauts de Mai 68. Retour sur un épisode vieux de quarante ans, presque tombé aux oubliettes et dont le journal C’est à dire se charge, en cette date anni- versaire, de faire ressurgie les souvenirs les plus marquants. MAI 68 : LE HAUT-DOUBS EN ÉBULLITION Histoire Un Mai 68 agité, un rapide retour à l’ordre Le Haut-Doubs n’est pas resté insensible à la grogne générale du mois de mai 1968. Lycéens, enseignants, ouvriers et patronat. Toutes les catégories sociales ont participé à leur niveau aux événements.

À l’époque, on ne parlait pas encore de chôma- ge. Et de surcroît dans ce Haut-Doubs où l’horlogerie, notamment sur le Plateau deMaîche et dans leVal deMorteau,employaient des mil- liers d’ouvriers. Les Trente Glo- rieuses en étaient encore à leur apogée, la crise ne pointerait son nez que quelques années plus tard. Pourtant. Ici comme ailleurs, les soubre- sauts provoqués par les agi- tations étudiantes de Nanter- ment aux vagues souvenirs qu’il reste de cette période troublée, le Haut-Doubs n’a pas été en marge de ce conflit social géné- ral. À plus ou moins grande échelle selon les communes, selon les secteurs d’activités. Si dans un premier temps “l’explosion soixante-huitarde suscita méfiance et incompré- hension” comme le souligne Émilie Joriot, jeune professeur d’histoire qui a consacré un ouvrage au sujet (voir page sui- re, de la Sorbonne, amplifiés par le relais du monde ouvrier, a eu ses répercussions jusque dans le Haut- Doubs. Contraire-

vante), des poches de résistance au conservatisme local mon- trent l’impact local du mou- vement. C’est à Pontarlier, capitale du Haut-Doubs et longtemps bas- tion de la gauche, que le mou- vement contestataire a atteint son apogée. Pour preuve, ces quelques archives photogra- phiques montrant des ras- semblements qui ont parfois réuni plusieurs milliers de contestataires. “Les défilés étaient quasi-quotidiens, les Quelques usines - Gurtner, Nestlé, Schrader… - ont été aussi touchées par des mou- vements de grève. Pontarlier à l’époque est aussi la seule ville du Haut-Doubs à abriter des établissements d’enseignement supérieur. Le lycée du Doubs (aujourd’hui lycée Xavier-Marmier) est alors le théâtre de rassemblements fréquents. “L’impulsion a été donnée par quelques professeurs de gauche, puis relayés par des meetings journaliers sur la place des casernes Marguet réunissaient chaque soir des centaines de personnes.”

élèves avides de se “dépuceler politiquement”. Le comité d’action lycéen a été actif.” Dans le milieu horloger, c’est naturellement dans le Val de Morteau que la contestation a été la plus marquante. ÀMor- teau, notamment sous l’impulsion d’un charismatique personnage, Robert Charles, alors fer de lance du commu- nisme dans le Haut-Doubs, c’est la C.G.T. qui était dominante. Les usines ont connu des débrayages de plusieurs jours et la mairie était le théâtre de nombreux meetings . Les syn- dicalistes ont su également mobiliser les troupes sur le Pla- teau de Maîche, plus difficile- ment dans les entreprises hor- logères de Villers-le-Lac. Mais tout autant que l’esprit réactionnaire des acteurs du mouvement, c’est la réaction du patronat et des défenseurs du général De Gaulle qui aura marqué les esprits en cette fin mai 1968 dans le Haut-Doubs. L’ordre d’avant, malgré les quelques progrès sociaux obte- nus par les accors de Grenel- le sur le plan national, a vite été rétabli. J.-F.H.

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