Journal C'est à Dire 132 - Avril 2008

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D O S S I E R

Émilie Joriot a recueilli la mémoire de mai 68 Histoire Professeur d’histoire à Belfort, la jeune femme originaire de Villers-le-Lac avait consacré un mémoire de maîtrise aux événements de mai 68 dans le Haut- Doubs. Plus de 200 pages d’anecdotes locales. Interview.

C’ estàdire:Pourquoiavoir choi- si de vous pencher sur mai 68 dansleHaut-Doubsalors qu’a priori, les événements n’avaient pas défrayé la chronique dans cette région ? Émilie Joriot : Mon directeur de maî- trise, François Marcot, m’a proposé ce sujet qui m’a tout de suite emballée. Il existait des travaux de recherche sur les événements de mai 68 à Besançon, mais rien sur le Haut-Doubs. Après réflexion, je me suis dit qu’il n’y avait pas de rai- son pour que ces événements n’aient pas concerné aussi le Haut-Doubs. En plus,

aussi au fonds Robert Charles, du nom d’un important syndicaliste de l’époque. Càd : Dans leVal deMorteau, la pério- de de mai 68 a donc été agitée ? É.J. : Des usines se sont arrêtées parce que le personnel était en grève. À l’usine Cattin de Morteau notamment où une minorité bloquait les locaux, M. Cattin avait été obligé de fermer. Dans d’autres entreprises locales, Magister ou Parent à Villers-le-Lac, il y a eu également des mouvements. Les revendications princi- pales de l’époque étaient comme partout en France l’augmentation des salaires et

essayaient aussi d’entraîner les élèves. Des réunions se tenaient au café de la Poste qui était le Q.G. des intellectuels de l’époque. Sur Pontarlier, c’est inté- ressant de consulter la presse de l’époque. “Le Pontissalien”, qui était un journal de droite, a complètement passé sous silen- ce ces événements. Et ils avaient fait leur une du défilé de fin mai à Pontarlier en soutien au général De Gaulle. Càd : Le milieu rural s’est-il senti concerné par mai 68 ? É.J. : Le monde agricole, notamment via le C.D.J.A., n’a pas souhaité rester en dehors du mouvement. Les agriculteurs du Haut-Doubs sont allés à Besançon rencontrer les étudiants, ils ont cherché à comprendre, ils avaient envie de savoir. Les jeunes du C.D.J.A. étaient des per- sonnes formées à la J.A.C. (la jeunesse agricole chrétienne) dont la devise était : “Voir, juger et agir”. Le M.C.R. (mouve- ment des chrétiens ruraux) et le M.R.J.C. (mouvement rural des jeunes chrétiens) ont également cherché à comprendre le mouvement de mai 68, sans jamais le condamner. Càd : Les travailleurs frontaliers se sont-ils impliqués dans mai 68 ? É.J. : Il y avait déjà un millier de fron- taliers à l’époque. La Suisse n’a quasi- ment pas été touchée par le mouvement mais les frontaliers français ont voulu marquer leur solidarité. L’Amicale des frontaliers avait organisé une quête au bénéfice des grévistes. Propos recueillis par J.-F.H.

ma génération n’a pas connu ces épisodes. J’ai donc été d’autant plus intéressée de savoir ce qui s’était vraiment passé, notamment dans le Val de Morteau dont je suis ori- ginaire.

la reconnaissance d’une section syndicale dans les entreprises. Bien sûr, là aussi, les patrons étaient très réticents. Càd : Quel a été l’événement le plus retentissant ? É.J. : Paradoxalement, ça a cer-

“Le monde agricole n’a pas souhaité rester en dehors du mouvement.”

Càd : Comment avez-vous procédé pour défricher ce sujet vierge au départ ? É.M. : J’ai déjà décortiqué tout ce que je pouvais trouver aux archives dépar- tementales du Doubs où avaient été notamment déposées les archives syndi- cales de la C.G.T. et de la C.F.D.T. Puis j’ai obtenu l’autorisation de consulter les archives des renseignements généraux. Je suis allée également à Pontarlier consul- ter les coupures de presse de l’époque. Cela m’a permis de retrouver des noms de personnes qui ont vécu ces événements et je suis allée à la rencontre de ces gens pour recueillir leurs témoignages. Pour Morteau et Villers-le-Lac, j’ai eu accès

tainement été la manifestation du 30 mai 1968 organisée à Morteau par le patro- nat en soutien au gouvernement de l’époque. Cette manifestation avait ini- tié le mouvement national, suivi juste après par Besançon et les autres grandes villes puis Paris. Càd : Le Haut-Doubs a-t-il été mar- qué par un mouvement étudiant ? É.J. : Oui, mais uniquement sur Pon- tarlier où il y avait un lycée. Il y a eu des manifestations dans les rues, de nom- breux meetings qui se tenaient place des casernes Marguet et au lycée. Il y avait des leaders étudiants comme Serge Filip- pini par exemple. Les profs de gauche

Émilie Joriot, originaire de Villers-le-Lac, est aujourd’hui enseignante dans le Territoire-de-Belfort.

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