Journal C'est à Dire 132 - Avril 2008

D O S S I E R

Pour l'achat de lunettes (1 monture+ 2 verres) profitez d'une

17

Morteau Les “anti-68” se sont organisés et rebellés Une poignée de fidèles au général De Gaulle a créé le “comité de défense de la république du canton de Morteau”. Le mouvement anti-68 était né. Il a réuni 1 000 personnes le 30 mai place du champ de foire.

pour 1 € DEUXIÈME PAIRE DE LUNETTES DE SOLEIL OU DE DÉPANNAGE de plus

L’ opposition aux événements deMai 68 n’était pas affir- mée. Dans le contexte de l’époque, les gaullistes évitaient de s’afficher comme tels afin de ne pas risquer une confrontation musclée avec des grévistes viru- lents. “ Personne ne disait rien. Le pouvoir passait de l’autre côté” se souviennent Constant Vau- frey et Pierre Cheval, tous deux anciens cadres chez Cattin. Les

deux hommes percevaient mal la vague de contestation qui glis- sait sur le pays à une période où l’activité économique était

C.G.T. et la C.F.D.T., tentaient chaque jour de démobiliser les ouvriers de leur poste de travail dans les entreprises du Val. Pour

par les syndicats. Toujours est-il qu’avec une poi- gnée d’autres camarades dont Alain Dequaire, Constant Vau- frey et Pierre Cheval ont pro- fité de cette mise à pied géné- rale et forcée pour organiser une contre-manifestation. “Les valets du patron” , c’est ainsi qu’ils étaient surnommés, ont parti- cipé à la fondation du comité de défense de la république du can- ton de Morteau. Cette organi- sation s’était donnée pour objec- tif de rassembler tous les fidèles du général De Gaulle pour qu’ils témoignent publiquement leur attachement au président en défi- lant dans les rues de la ville. “Je me souviens qu’Hilaire Bosa, adjoint au maire, était venu nous dissuader d’engager un tel mou- vement redoutant que Morteau serait mis “à feu à sang.” L’ambiance n’était pas bonne” se souvient Constant Vaufrey. Qu’importe les recommandations de l’élu local, le comité est allé au bout de son projet. “Nous nous sommes réunis aux Fontenottes pour affiner notre action. Nous étions une dizaine. L’idée était que chacun d’entre nous rallie des amis pour manifester de façon silencieuse. Nous voulions mon- trer aux gens que nous n’étions pas d’accord avec Mai 68” rap- pelle Pierre Cheval. Les organi- sateurs pensaient qu’ils par- viendraient ainsi à mobiliser une centaine de personnes. Le rassemblement était prévu place du champ de foire, en fin

flamboyante. C’était le cas à Morteau où l’horlogerie connaissait son heure de gloire. “Toute la France s’arrêtait alors qu’il y

éviter que la grève ne se propage dans son établis- sement, Émile Cattin a pris la décision de fermer purement et simplement l’usine pendant une dizai-

“Morteau à feu et à sang.”

avait du boulot.” Les commu- nistes et les syndicats, dont la

ne de jours. Ce “lock-out” a d’ailleurs été assez mal perçu

(voir conditions en magasin)

9, Rue Montalembert - Tél. 03 81 64 05 33 E.Mail : optique.mainier@ wanadoo.fr OPTIQUE MAINIER .com 25 120 MAÎCHE

OPTIQUE MAINIER

d’après-midi le 30 mai. Ils ne savaient pas alors que De Gaul- le serait de retour de Baden- Baden le lendemain. Les initiateurs du mouvement ont commencé par imprimer des tracts et à les distribuer. “Avec nos voitures sur lesquelles nous avions placé des drapeaux fran- çais, on a sillonné tout le can- ton avec un porte-voix pour annon- cer la manifestation. Par endroits, nous avons reçu des tomates et des pierres” indique ConstantVau- frey. Ce battage a fait mouche. Le soir même, 1 000 personnes étaient

rassemblées place du champ de foire. Le cortège a défilé tran- quillement jusqu’au monument aux morts où fut jouée la Mar- seillaise. “Les anciens combat- tants sont venus nous rejoindre.” Les gaullistes mortuaciens ont marqué l’histoire locale par leur action. Ils sont les premiers à avoir manifesté aussi massive- ment leur soutien à Morteau. Leur initiative a fait boule de nei- ge Puisqu’après cela, des mani- festations identiques se sont déroulées à Pontarlier, Besançon et un peu partout en France.

Pierre Cheval et Constant Vaufrey, deux gaullistes qui n’étaient pas d’accord avec 68.

Loray Les jeunes agriculteurs étaient attentifs au mouvement Le monde agricole avait vécu sa révolution quelques années avant les grèves de 68. Pour autant, il n’est pas resté indifférent à la mobilisation étudiante et ouvrière.

L es jeunes agriculteurs se tenaient en retrait du mouvement de Mai 68. “Nous étions en déca- lage pour la simple raison, qu’il y a longtemps que nous avions remis en cause notre propre sys- tème de fonctionnement” obser- ve Jean-Marie Pobelle qui était à l’époque secrétaire départe- mental des jeunes agriculteurs l’agriculture, les grandes manœuvres ont eu lieu huit ans plus tôt avec les lois Debré (1960) et Pisani (1962) qui ont fondé les grandes lignes de la moder- nisation de la profession. Poli- tique sociale, politique des struc- tures, organisation des produc- tions et des marchés dans la P.A.C. (politique agricole com- mune), création des labels, refon- dation de l’enseignement agri- cole, ces textes ont fixé le cap pour une agriculture moderne. “Nous avions anticipé le débat soulevé en 68. Néanmoins, nous étions attentifs à ce qui se pas- sait dans le monde ouvrier et étudiant.” Comme Jean-Marie Pobelle, plusieurs jeunes agri- culteurs se sont rendus à la faculté des lettres de Besançon pour “se tenir informé et dis- cuter” avec les grévistes. C’était aussi l’occasion pour des repré- sentants du C.D.J.A. de faire partager aux protagonistes de 68 la manière dont l’agriculture avait vécu sa “révolution.” du Doubs. L’année sui- vante, l’actuel maire de Loray sera élu pré- sident de cette orga- nisation. En effet, dans

Dans son étude sur “Mai 68 dans le Haut-Doubs”, Émilie Joriot a intégré deux communiqués du comité départemental des jeunes agriculteurs qui montrent que l’intérêt du C.D.J.A. pour le mou- vement. Le premier indique que l’organisation “comprend les revendications étudiantes et ouvrières.” Il met l’accent “sur une remise en cause de la socié-

qu’ils rencontrent avec l’ouverture du marché européen” par exemple. Des membres du C.D.J.A. ont fini par manifester fin mai à Besançon. “ Ce n’était pas une manifestation complice de celle des étudiants et des ouvriers. Notre objectif était de nous mon- trer devant les pouvoirs publics. Nous avions beaucoup hésité avant d’agir” poursuit Jean- Marie Pobelle. Mai 68 ne fut pas sans conséquence sur le syn- dicalisme agricole. Il a contri- bué à faire émerger des sensi- bilités de gauche qui ont conduit à l’éclosion du “mouvement des paysans travailleurs.”

té et sur la nécessai- re participation des agriculteurs à la trans- formation de celle-ci.” Le second document pointe du doigt les

“Ce n’était pas une manifestation complice.”

revendications spécifiques des agriculteurs face “aux problèmes

Jean-Marie Pobelle : “Nous avions anticipé le débat soulevé en 68.”

Made with FlippingBook - professional solution for displaying marketing and sales documents online