La Presse Bisontine 52 - Février 2005

LE DOSSI ER

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T ÉMOIGNAGE

Le parcours d’une famille

“9 mois de galère avant de trouver une place”

Lambert Sagniez et sa famille ont été confrontés durant de longs mois à l’attente. Leur mère a été transférée d’un établissement à l’autre faute de place. Au bout de 9 mois, un établissement bison- tin a enfin accueilli cette personne de 83 ans.

ment possible dans les premières semaines de l’année 2005. Nous avons été informés jeudi 6 janvier que notre mère aurait enfin une place. Elle a été transférée à Bellevaux mardi 11 janvier. L.P.B. : C’est le soulagement ? L.S. : Nous sommes déjà agréablement surpris des premiers contacts et de l’approche que le personnel a avec les résidents. Pour l’instant, nous sommes extrême- ment rassurés. On sent qu’il y a une volonté d’ai- der ces gens et de com- prendre que la question du vieillissement se fait souvent dans la douleur. Après ces 9 mois de galè- re, on se rend compte que tout le temps et l’inves- tissement que l’on a consentis n’était vraiment pas du luxe. L.P.B. : Vous comprenez mieux maintenant certains cris d’alarme des personnels ? L.S. : Les médecins qui alertent dans les médias ne le font pas pour se mon- trer. Il y a une vraie problématique et il est temps que le gouvernement réagisse rapidement. ! Propos recueillis par J.-F.H.

l’É.H.P.A.D. Un établissement vieillis- sant, pas très pratique pour une per- sonne hémiplégique. Elle est restée 6 mois à Quingey où il a fallu faire preuve d’une vigilance permanente tant il manque de personnel. L.P.B. : Vous étiez inquiet ? L.S. : Très. Quand ma mère appelait, personne ne venait. Ils n’ont plus la notion de l’urgence tellement ils sont

24 heures sur 24. À l’hôpital, nous avions de plus en plus de pression pour que le lit se libère. Nous avons alors fait une demande au centre des Tilleroyes et à la clinique de l’Oran- gerie, quai Bugnet. L.P.B. : Vous avez obtenu une place ? L.S. : Nous avons eu la chance qu’un des médecins de la clinique connais- se maman. Du 11 mai au 29 juillet, elle a donc été à l’Orangerie mais on nous avait fait comprendre qu’elle ne pouvait pas rester au-delà de juillet et qu’il fallait trouver une solution. De nouveau la pression… L.P.B. : En attendant, vous aviez déposé des dossiers dans des centres de long séjour ? L.S. : Nous en avons visité plusieurs sur le Grand Besançon et avons dépo- sé plusieurs dossiers : à Avanne, à Quingey, à Bellevaux, rue de Belfort, etc. Nous avions une préférence pour Bellevaux. Tous les mois, j’appelais pour dire que nous étions toujours en attente et que nous maintenions notre candidature. Jamais de réponse favo- rable. On nous disait : “Le dossier de votre maman est sur notre bureau.” L.P.B. : Fin juillet, il a bien fallu trouver une solution ? L.S. : Une place s’est libérée à Quin- gey mais pas au long séjour, à

L a Presse Bisontine : Quelle est la situa- tion de votre mère ? Lambert Sagniez : Notre mère a un peu plus de 83 ans. Elle est passée d’un état d’autonomie totale à un état de dépendance suite à un accident vas- culaire cérébral survenu en avril 2004. Conséquence : elle souffre d’une hémi- plégie totale gauche et d’une hémi- négligence, c’est-à-dire qu’elle a oublié son côté gauche, ce qui pose de sérieux problèmes au quotidien. L.P.B. : Vous avez dû réagir très rapidement ? L.S. : Effectivement. Elle a été hospi- talisée du 6 avril au 11 mai. Elle est déjà restée 5 jours aux urgences car il n’y avait pas de place en médecine générale. Bien sûr, faute d’encadre- ment, elle a rapidement attrapé des brûlures. Sans nous avertir, l’enca- drement de l’hôpital a constitué des dossiers pour qu’elle intègre un centre de moyen séjour. Nous nous sommes battus pour qu’elle puisse bénéficier

de rééducation à Quingey ou à Salins, cette demande a été refusée au motif qu’il n’y avait pas eu de signe d’amé- lioration de son état ! Cela cache vrai- ment un manque de motivation des centres de rééducation vis-à-vis des personnes âgées. On semble préférer les jeunes car les progrès sont plus rapides pour eux. L.P.B. : Après l’hospitalisation, quelle était la décision à prendre ? L.S. : Nous avions le choix entre un retour à domicile ou le placement dans un établissement. Le retour à domi- cile, ma sœur, mon frère et moi l’avons considéré comme impensable. Impos- sible de faire entrer un lit médicali- sé dans son domicile, une vingtaine de marches d’escaliers à monter alors qu’elle est désormais en fauteuil rou- lant… Il faut bien se rendre compte que notre mère est désormais dépen- dante pour tout : la toilette, les besoins… Cela nécessite une présence

débordés. Le personnel n’y peut rien, il y a une gros- se part de responsabilité au plus haut niveau. Le personnel est très à l’écou- te mais complètement débordé, il est livré à lui- même. Tous les week-ends, c’est moi qui nettoyais les toilettes de la chambre… On nous répondait : “Il n’y a pas d’A.S.H.” Ma mère

“Ma mère ne pouvait pas assurer un minimum d’hygiène, c’est effarant.”

ne pouvait même pas assurer unmini- mum d’hygiène pour elle, c’est effa- rant. L.P.B. : L’attente a été difficile à vivre, pour votre maman bien sûr mais aussi pour tou- te la famille ? L.S. : Je faisais donc le point tous les mois. J’étais parfois étonné de voir que la liste d’attente n’avançait pas beaucoup. Ce n’est que début décembre que l’on nous a dit que ce serait sûre-

R EPÈRES

28 % de la population a plus de 60 ans

Ce que coûte la vieillesse Avec l’arrivée de l’A.P.A. et l’augmentation constante du nombre de personnes âgées, le coût de la vieillesse ne fait que croître. Il a plus que doublé en 7 ans.

N otre département compte près de 100 000 habitants de 60 ans et plus, soit 28 % de la

population totale. Parmi eux, 64 000 ont entre 60 et 75 ans et 32 600 affichent plus de 75 printemps. Sachant que l’es- pérance de vie augmente de

près d’un trimestre tous les ans, il est estimé qu’à l’hori- zon 2030, 65 000 personnes dépasseront l’âge de 75 ans. Âgé ne veut pas pour autant dire dépendant. Et c’est bien en matière de dépendance que la vieillesse représente un coût pour la collectivité, en l’occur- rence le Conseil général, inter- venant principal en matière de prise en charge financière de la vieillesse. La charge est d’autant plus lourde depuis la mise en place de l’Allocation Personnalisée d’Autonomie (A.P.A.), créée par la loi du 20 juillet 2001. Destinée à amé- liorer la prise en charge des personnes âgées de 60 ans et plus, moyennement ou lour- dement dépendantes, l’alloca- tion est versée aux personnes en perte d’autonomie, moyen- nement ou lourdement dépen- dantes. Le degré de perte d’au- tonomie est évalué par une équipe médico-sociale. “Le nombre de bénéficiaires de l’A.P.A. à domicile est actuel- lement de 3 696, indique le pré- sident du Conseil général Clau- de Jeannerot. En établissement, l’aide concerne 2 261 personnes, ce qui fait un total de plus de 5 900 bénéficiaires. À cela s’ajoute l’aide sociale en héber- gement versée à 935 bénéfi- ciaires.” À domicile, l’A.P.A. est affec-

Le Conseil général du Doubs, à l’image de Claude Jeannerot et Jean-Marie Bart, a décidé de consacrer pour 2005, 50 millions d’euros à la question de la vieillesse.

Ajoutés à cela 12 millions d’eu- ros destinés à l’aide sociale pour l’hébergement et encore 214 000 euros pour le soutien à domicile des personnes “hors A.P.A.”. La facture globale de la vieillesse se monte à 40,574 millions d’euros. C’est plus du double du chiffre de 1997 où le budget consacré à la vieillesse n’était alors “que” de 19,8 millions. En 2005, la seule A.P.A. devrait mobiliser 30,780 millions d’euros, soit une nouvelle hausse de 9 % par rapport à 2004 et pour l’en- semble de la vieillesse, 50 mil- lions d’euros doivent être enga- gés (+ 25 %), avec 4 millions d’euros nouveaux destinés à l’aide aux investissements matériels pour les établisse- ments. Et c’est logique et néces- saire, cette tendance à la haus- se ne fera que se conforter dans les prochaines années. ! J.-F.H.

Département. Le Conseil général du Doubs a décidé dès son arrivée aux affaires l’an dernier de sup- primer le délai de carence de 2 mois qui existait jusqu’ici entre la date de la demande et

tée à la couverture des dépenses figurant dans le plan d’aide élaboré par l’équipe médico- sociale : rémunération d’une aide à domicile ou de la famil- le d’accueil, dépenses d’adap- tation du logement, aides tech-

l’acceptation du dossier d’A.P.A. Cette seule mesu- re coûte la baga- telle de 800 000 euros par an. Les demandes d’A.P.A. ne font que croître. En 2002,

niques et achat de matériel, etc. En établissement, l’A.P.A. sert à payer une partie du tarif dépendance de l’établissement. Pour un centre de long séjour par

Impact financier de l’A.P.A. : 28,2 millions d’euros.

première année de mise en ser- vice du dispositif, 5 326 demandes ont été enregistrées. L’année suivante, 1 946 demandes supplémentaires et 2 039 nouveaux dossiers en 2004. Au total, l’impact financier de l’A.P.A. sur le budget du Conseil général du Doubs s’élève en 2004 à 28,2 millions d’euros.

exemple, le tarif payé par les résidents ou leur famille est de “1 600 à 1 700 euros par mois” selon l’un d’entre eux. Le montant moyen de l’A.P.A. versé mensuellement est de “835 euros pour le plus fort état de dépendance à 340 euros pour la dépendance la moins forte” ajoute Jean-Marie Bart, res- ponsable du secteur social au

Une place en établissement coûte, selonles revenus, entre 1 500 et 2 000 euros par mois, selon le montant de l’A.P.A..

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