Journal C'est à Dire 168 - Juillet 2011

D O S S I E R

17

LA SAGA DES ITALIENS DU HAUT-DOUBS

L’histoire du Haut-Doubs s’est aus- si forgée avec l’apport de popula- tions étrangères qui sont venues s’installer au fil des décennies pas- sées. Parmi ces communautés, il y a les Italiens. Poussées de leur pays par la pauvreté dès le XIX ème siècle, des familles entières sont venues s’établir dans le Haut-Doubs pour y travailler. Du Plateau de Maîche au Val de Morteau, ces Italiens se sont parfaitement intégrés, totalement fondus aujourd’hui dans la popula- tion locale. À tel point qu’ils ont su faire fructifier leur savoir-faire en fon- dant de nombreuses entreprises tou- jours florissantes aujourd’hui, sou- vent dans le secteur du bâtiment. L’histoire des Italiens du Haut-Doubs, c’est le dossier de la rentrée. Pitto- resque et émouvant.

Immigration D’un côté des Alpes à l’autre Les Italiens ont contribué à la construction du territoire français en arri- vant par vagues successives. Pas toujours bien accueillis, ils font désor- mais partie intégrante de la population française.

B iensûr,lesRomains,puisplus tardlesartistesdelarenais- sance commeLéonardde Vinciont,entreautres,tra- versélesAlpespours’installerenFran- ce. Cependant,l’immigrationitalienne demasse adébuté à la finduXIX ème siècle. Puis, à l’heure où d’autres pays ont fermé leurs portes, le mouvement s’est accéléré. En effet, dans l’entre-deux-guerres, la crise économique et les natio- nalismes ont empêché l’arrivée de transalpins en Allemagne ou dans les Amériques. Ceux-ci ont alors privilégié la France com- me destination. Ce mouvement s’est prolongé dans les années d’après guerre puis s’est consi- dérablement réduit avec la fin des années 1960. “Aujourd’hui, on estime que les descendants d’Italiens représentent entre quatre et six millions de citoyens fran- çais, soit de 6,5 à 10 % de la popu-

lation” explique Frédéric Spa- gnoli, maître de conférences d’italien à l’Université de Franche-Comté. Les Italiens, au XIX ème siècle et au début du XX ème siècle, ont migré en majorité à l’Est d’une ligne Le Havre-Montpellier. Ils se trouvaient essentiellement dans le Sud-Est voisin, surtout

Transalpins venaient presque tous du Nord-Ouest de la Botte, de la Lombardie et du Piémont. Durant l’entre-deux-guerres, les régions de Vénétie, du Trentin et du Frioul dans le Nord-Est et de l’Émilie-Romagne et des Marches, plus vers le centre, fournissaient nombre de migrants à la Fran- ce. Et après 1945, les régions du

Une famille italienne dans les années cinquante.

devenus l’un des groupes étran- gers les plus importants du pays. Dès 1901, ils obtiennent la pre- mière place de ce classement où ils devancent les Belges. Place qu’ils perdent en 1962 lors du déclin de la migration transal- pine vers l’Hexagone. L’arrivée des Transalpins était dictée par la recherche d’emploi. Souvent, les immigrés venus de la Botte étaient employés dans les métiers du bâtiment. Ils ont joué un grand rôle dans la recons- truction du pays, notamment durant les Trente Glorieuses. Les

autres travaillaient essentiel- lement dans l’industrie, le sec- teur du bois ou comme artisans. Bien que leur rôle économique ait été essentiel pour la Fran- ce, les immigrés transalpins ont souvent été pris comme boucs émissaires par la population loca- le. L’épisode tragique d’Aigues- Mortes révèle le climat qui régnait alors “en août 1893, les Italiens ont été la cible du plus grand massacre d’immigrés de l’Histoire de France, à Aigues-Mortes” explique l’universitaire. Selon les chiffres officiels, huit ouvriers

transalpins ont été tués par leurs homologues français et une cin- quantaine d’autres ont été bles- sés. Les journaux italiens de l’époque estiment que ce sont près de 150 Transalpins qui ont trouvé la mort. Par la suite, les migrants italiens ont encore été inquiétés, notamment lors des crises et guerres pendant les- quelles les deux pays ont connu des tensions diplomatiques. De quoi faire réfléchir à une époque où l’Italie est devenue une terre d’immigration. T.M.

à Marseille et sa région. La Lorraine, grand centre industriel, attirait égale- ment les immigrés trans- alpins. “Cela s’explique par le fait que les immigrés choi-

Sud de la Péninsule ont, à leur tour, vu leurs res- sortissants partir vers l’Hexagone. Les migrants se fixaient alors sur l’ensemble du

6,5 à 10 % de la population française.

territoire français. Depuis les années 1970, le courant migra- toire est très faible. Cependant, on enregistre toujours quelques arrivées en France. Il s’agit sur- tout de travailleurs très quali- fiés ou d’étudiants et de cher- cheurs. Après toutes ces années de migrations, les Italiens sont

sissaient de prendre la route pour des raisons économiques” préci- se le maître de conférences.Alors que l’Italie ne pouvait donner un emploi à tous ses ressortissants, ceux-ci se tournaient vers la Fran- ce où les conditions de vie sont restées meilleures jusqu’aux années 1960. Avant 1914, les

Made with FlippingBook Annual report