Journal C'est à Dire 168 - Juillet 2011

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P L A T E A U D E M A Î C H E

Politique Jean-François Humbert : “Je n’ai plus l’âge de forcer ma nature” On le dit isolé, en rupture avec l’U.M.P., il se définit toujours comme un élu “libre et indépendant.” Le sénateur Humbert fait état de son actualité, mais aussi des échéances passées. Franc et direct, et pas là pour plaire à ses anciens amis.

C’ est à dire : Membre de la commission des affaires européennes du Sénat, vous avez rédigé récemment plusieurs rapports d’information après vous être rendu dans plusieurs pays européen en crise : Grèce, Irlande, Portugal… Les affaires européennes vont inté- ressent désormais plus que la vie politique française ? Jean-François Humbert : Je rappelle juste que des dizaines de décisions prises par la Com- mission Européenne influent sur la vie quotidienne des Fran- çaises et des Français. La mis- sion que le Sénat m’a confiée était de vérifier, de facto , ce qui se passe dans ces pays. J’ai audi- tionné beaucoup de responsables dans ces pays et obtenu des infor- mations de première main qui m’ont permis de rédiger ces rap- ports parlementaires. À chaque fois, en deux jours sur place, les rendez se sont enchaînés non- stop du matin au soir. Si ça peut rassurer, je n’y étais pas pour faire du tourisme…

Càd : Vous avez rencontré des interlocuteurs déprimés par la situation de leur pays ? J.-F.H. : Non, mais des gens bien conscients des difficultés qui sont devant eux. L’Europe connaît actuellement de graves difficultés qui rejaillissent sur l’euro, ce qui montre qu’il y a plus que jamais lieu de travailler pour conforter l’euro et donc l’Europe. Dans des pays comme la Grèce, s’il n’y avait pas eu l’euro, la situation du pays aurait été encore bien pire.

à 27 membres, le dernier élar- gissement est certainement un peu lourd à digérer. Mais la constitution d’une Europe soli- de reste indispensable pour l’avenir de tous ses pays membres. Càd : Vous dites aussi que ce travail parlementaire vous permet de vous ouvrir à autre chose. Marre de la politique française ? Et où en êtes-vous dans vos rapports avec l’U.M.P. ? J.-F.H. : Je suis tou- jours membre, jusqu’à preuve du contraire, du groupe U.M.P. au Sénat. Ce qui ne m’oblige pas à être adhérent à l’U.M.P. J’ai quitté l’U.M.P. du Doubs il y a trois ans. Càd : Pourquoi cette ruptu- re ? J.-F.H. : J’en avais assez de fer- railler avec l’U.M.P. Dans ma situation, je conserve au sein de mon groupe parlementaire tou- te ma capacité d’expression et de choix. Mais sur le plan local,

Jean-François Humbert, sénateur “libre et indépendant”, ne mâche pas ses mots.

Càd : Le dialogue est donc totalement rompu avec ces élus U.M.P. ? J.-F.H. : Ma grand-mère qui était directrice d’école m’a appris une chose notamment, c’est la notion de politesse. Alors je leur dis bonjour… Ensuite, on n’est pas obligé de poursuivre une conver- sation… Je n’ai plus l’âge aujour- d’hui de forcer ma nature. Je n’ai pas à être souriant, loqua- ce et sympathique avec des gens qui ne sont ni loquaces ni sym- pathiques avec moi. Désormais, je fais ce que je veux, quand je veux. Je suis libre et indépen- dant. Càd : Votre candidature avor- tée aux dernières régionales ne vous a-t-elle pas un peu plus marginalisé ? J.-F.H. : La situation a voulu que celles et ceux qui ne doivent qu’à moi seul le fait d’être des élus régionaux ont préféré cou- rir après “l’idole des jeunes” (N.D.L.R. :Alain Joyandet). Enco- re une fois, on a vu le résultat… Je vais vous dire la véritable rai- son pour laquelle j’ai dû renon- cer : c’est une histoire d’argent. J’ai “bouffé” 35 000 euros pour la pré-campagne. Si j’allais jus- qu’au bout, c’était 70 000 euros. Ma sagesse d’homme de Plaim- bois-du-Miroir fait que je ne vou- lais pas finir “à poil”. Voilà la vraie raison. La deuxième, c’est le travail de sape de certains élus pour détricoter ma liste. Càd : Et cet autre rendez-vous manqué aux municipales de 2008 à Besançon…Aura-t-on l’occasion de vous revoir un jour candidat ? J.-F.H. : Je n’ai jamais eu de plan de carrière. Pour être can- didat à une telle élection, il faut qu’il y ait concordance entre une volonté et la situation telle qu’elle se présente à ce moment précis. Il ne faut jamais dire “jamais” en politique. Mais je le répète, mon objectif actuel est d’assumer pleinement et totalement mon mandat de sénateur que j’essaie de remplir le mieux possible au Sénat et dans mon département. Je suis certainement le seul sénateur de Bourgogne et Franche-Comté à rendre visi- te à tous les maires de mon département. Je soutiens de plus en plus le mandat unique. Les semaines de 120 heures de travail, ça va bien quand on a 45 ans. Il y a un âge pour tout. Càd : Pourquoi donc cette élection municipale avait été avortée à Besançon ? J.-F.H. : Quand on est candidat à une élection par scrutin de lis- te, la personne chargée de mener la liste a plein pouvoir pour com- poser sa liste. On voulait m’imposer Jean Rosselot en tout

je suis en désaccord profond avec les dirigeants locaux de l’U.M.P. (N.D.L.R. : le président dépar- temental de l’U.M.P. est le dépu- té Jean-Marie Binétruy). J’emploie volontiers cette for- mule au sujet de l’U.M.P. du Doubs : “On ne change pas une équipe qui perd…” Càd : Vous êtes dur… J.-F.H. : On ne se sent bien dans une formation politique que lors- qu’on a son mot à dire. Main- tenant, je n’ai plus envie d’assumer les revers de straté- gie de ce parti : il suffit de regar- der les résultats des dernières municipales, des dernières régio- nales et plus récemment encore des dernières cantonales. On ne peut pas dire que ce soit bien brillant pour l’U.M.P. du Doubs. Càd : Y compris dans votre ancien canton du Russey qui a basculé à gauche ! J.-F.H. : Daniel Leroux a voulu pousser son fils et ne voulait voir que lui à sa place, c’est un cui- sant échec. J’avais voulu rester neutre pendant la campagne en évitant de venir sur le canton. Mais si on m’avait dit de reve- nir pour tenter de conserver ce canton à droite, je serais reve- nu. Càd : Vous semblez vous iso- ler de plus en plus M. Hum- bert. Quel est votre avenir politique localement ? J.-F.H. : Mon objectif aujour- d’hui est d’assumer pleinement mon mandat de sénateur. Càd : En visant déjà un troi- sième mandat de sénateur en 2014 ? J.-F.H. : Clairement oui, je serai candidat en 2014. Je ne peux pas avoir voté la retraite à 65 ans et me retirer à même pas 61 ans. Je rappelle juste pour certains que je suis toujours le plus jeune sénateur du Doubs… Càd : On n’oublie pas que vous n’avez été réélu qu’à 9 petites voix en 2008… J.-F.H. : C’est neuf fois plus que Robert Schwint à l’époque qui n’avait été élu qu’à une voix ! (rires). Une fois de plus, l’U.M.P. du Doubs s’est complètement trompée sur cette élection séna- toriale. Annie Genevard était venue vers moi en m’annonçant triomphante qu’elle était inves- tie par le parti. On a vu le résul- tat : elle a terminé bonne der- nière ! Je pense que l’U.M.P. aurait été bien inspirée de fouiller un peu plus les bons can- didats potentiels. Quant à moi, si j’ai été élu avec neuf voix d’avance seulement, c’est aus- si parce que je ne suis pas sûr que tous les élus U.M.P. aient voté pour moi…

début de liste alors que je lui avais proposé la 8 ème position. Quand on a un peu de carac- tère, on ne se soumet pas à ce genre de demandes. Là enco- re, on a vu le résultat des muni- cipales avec la liste conduite par Jean Rosselot. Càd : Mais la politique, c’est aussi l’art de savoir compo- ser ! J.-F.H. : On compose avec des sensibilités ou des courants dif- férents quand ça apporte un plus. Mais on n’a pas à négocier quand on voudrait nous impo- ser une liste. Càd : Alors pour Besançon en 2014, chat échaudé… ? J.-F.H. : Je suis convaincu que Besançon sera encore une fois très difficile à faire basculer à droi- te. Si il y a un candidat meilleur que moi, je le soutiendrai. Càd : Il y a l’hypothèse Jacques Grosperrin à droi- te ? J.-.F.H. : … C àd : Où en est votre asso- ciation “Certifié Franche- Comté” en sommeil depuis son lancement en 2010 ? J.-F.H. : J’ai justement l’intention de la réactiver avec un certain nombre de personnalités qui viendront livrer leurs analyses sur l’évolution de cette région. Càd : Une mini-polémique au début de l’été était née sui- te au versement à tous les sénateurs français d’une pri- me de plus de 3 500 euros cor- respondant à un “rattrapa- ge exceptionnel sur un com- plément d’indemnité repré- sentative de frais de man- dat.” L’avez-vous touchée ? J.-F.H. : Ils me la donnent, je la prends. Il ne faut pas être hypo- crite, je n’ai jamais pleuré michotte, mais cette “prime” cor- respond à 99 euros par mois sur trois ans. Je vois ce que je gagnais avant d’être élu, je vois ce que je gagne maintenant. Avec les heures que ça représente, je ne suis pas avantagé aujour- d’hui. Càd : Borloo ou Sarko ? J.-F.H. : J’attends de voir quel sera le projet de chacun pour me positionner. J’ai loyalement soutenu jusqu’à maintenant le président de la République. Je n’ai pas pour habitude de chan- ger mes habitudes. Càd : Un secrétariat d’État en ligne de mire ? J.-F.H. : J’ai passé l’âge et enco- re une fois, je ne cours pas après les responsabilités.

“On ne change pas une équipe qui perd…”

Càd : Vous qui avez commencé votre engagement poli- tique en soutenant Valéry Giscard-

d’Estaing, vous continuez donc à croire aux vertus de l’Europe ? J.-F.H. : Je reste un Européen convaincu. Mon engagement politique repose en effet sur cer- taines valeurs, dont l’engagement européen. Je continue bien évi- demment à y croire. Le seul bémol que je pourrais apporter, c’est qu’en passant d’un coup

Propos recueillis par Jean-François HAUSER

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