BVA_NUDGE_2018

Éditorial

aux sciences sociales (2) . » Pendant longtemps, même les décideurs politiques de premier plan ont semblé partager ce point de vue, préférant fonder leurs choix sur l’intuition, l’expérience personnelle et les anecdotes. Bien qu’un changement de nom fût nécessaire dans les deux cas (la statistique a laissé place à l’analyse des données et les sciences sociales sont devenues les sciences comportementales), cette époque est révolue. Elle a laissé place à l’ère des « processus décisionnels reposant sur des éléments factuels » au sein des principales institutions de la société (entreprises, gouvernements, médecine, droit, éducation, défense, sports). Dorénavant, on attache beaucoup d’importance aux informations provenant des data analystes et des chercheurs en sciences comportementales. Je ne sais pas comment est survenue la transformation dans le secteur de l’analyse statistique, mais j’ai pu observer, et ce en étant aux premières loges, le rayonnement croissant des sciences comportementales dans le cadre des expériences que j’ai réalisées en tant que chercheur en psychologie sociale et en tant qu’auteur du livre Influence et manipulation . Lorsque le livre Influence et manipulation a été publié pour la première fois en 1984, il a eu un impact très limité. Les ventes ont été tellement décevantes qu’à l’époque, mon éditeur a annulé le budget publicitaire et promotionnel du livre enm’expliquant que, sinon, ce serait de l’argent jeté par les fenêtres. Les lecteurs étaient peu nombreux à s’intéresser à ce qu’un chercheur en psychologie sociale avait à dire sur le processus d’influence. Cette période d’indigence a pris fin 4 à 5 ans plus tard lorsque les ventes ont décollé. Tant et si bien que le livre est devenu un best-seller, statut qu’il a conservé depuis. Je pense savoir ce qui a provoqué ce revirement : l’époque. À de moment-là, l’idée d’un processus décisionnel reposant sur des éléments factuels était de plus en plus acceptée et Influence et manipulation proposait des résultats et exemples concrets – de la recherche en sciences comportementales à la persuasion efficace – indisponibles jusqu’à alors, ou alors pas facilement. Trois facteurs supplémentaires expliquent la popularité actuelle des approches reposant sur les sciences comportementales. L’un de ces facteurs est la comparaison coûts/bénéfices. Même si elles ne sont pas toujours concluantes, ces approches produisent régulièrement des résultats exceptionnels pour des coûts minimes ( Benartzi et al., 2017 ). Ainsi, lorsque les procédures fondées sur les sciences comportementales induisent des ratios coûts/bénéfices supérieurs pour les établissements d’enseignement cherchant à recruter des étudiants à la sortie du lycée ( Bettinger et al., 2012 ), pour les entreprises souhaitant réduire la consommation énergétique des ménages ( Allcott, 2011 ; Nolan et al., 2008 ), pour les cabinets médicaux désireux de réduire le nombre de patients ne se présentant pas aux rendez-vous ( Martin, Bassi et Dunbar-Rees, 2012 ) et pour les employeurs espérant convaincre leurs salariés de souscrire des plans de retraite ( Carroll et

(2) La citation de W. H. Auden’s figure dans Under Which Lyre: A Reactionary Tract for the Times, poème repris par le club Phi Betta Kappa de l’université d’Harvard lors de la cérémonie d’inauguration de 1946.

18 Guide de l'Économie Comportementale - 2018

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