BVA_NUDGE_2018

Éditorial

al, 2009 ) ou les inciter à prendre des mesures préventives en matière de santé ( Milkman et al., 2011 ), d’autres entités sont susceptibles d’essayer d’obtenir des avantages similaires via des procédures similaires. Et c’est le cas ( Makki, 2017 ; « Policymakers around the world »). Deuxièmement, les approches reposant sur les sciences comportementales – notamment sous la forme de nudges ( Thaler et Sunstein, 2008 ) – sont pour la plupart politiquement acceptables. Ainsi, les nudges gouvernementaux que les législateurs progressifs ont tendance à privilégier car ils améliorent le bien-être public ont souvent également la faveur des législateurs conservateurs, car ils n’impliquent pas d’interventions coûteuses de l’État sous forme de taxes, de sanctions financières, de réglementations ou d’autres atteintes aux libertés individuelles. Décrivant l’essor et la propagation des « nudges units » gouvernementales, Halpern et Sanders (2016) évoquent cette considération politique. Le dernier élément ayant contribué à la popularité actuelle des approches fondées sur les sciences comportementales mérite une attention toute particulière, car c’est celui sur lequel nous jouissons du plus grand contrôle. C’est la volonté nouvellement affichée des chercheurs en sciences comportementales de présenter leurs travaux au grand public et d’en expliquer l’intérêt. Lorsque j’écrivais Influence et manipulation , la plupart de mes collègues chercheurs en psychologie sociale ne se sentaient pas à l’aise, en tant que professionnel, à l’idée de s’adresser par écrit au grand public. En effet, si la psychologie sociale avait été une entreprise, elle aurait été réputée pour ses services de recherche et développement de pointe, mais pas pour sa capacité à promouvoir ses travaux. Nous n’avons rien promu, à l’exception d’articles publiés dans des revues universitaires sur lesquels aucun lecteur lambda n’était susceptible de tomber. Le juriste James Boyle formule ainsi ce qu’il considère être la principale explication : « Vous n’avez aucune idée de ce qu’est la condescendance tant que vous n’avez pas entendu un universitaire prononcer le mot « vulgariser » (3) . La situation est radicalement différente aujourd’hui. Une myriade de chercheurs en sciences comportementales communique désormais dans des proportions inédites auprès du grand public, par le biais de blogs, de podcasts, d’éditoriaux, de vidéos et au moyen de livres à destination du grand public (mon canal de communication préféré). Par ailleurs, ils le font dans un langage clair qui facilite l’interprétation des effets des sciences comportementales, et permet au grand public d’en saisir l’intérêt et à divers acteurs de les utiliser, des gérants de fonds caritatifs aux gérants de fonds spéculatifs.

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(3) Il est intéressant d’essayer de comprendre pourquoi, depuis la publication de mon livre Influence et manipulation, je n’ai pas eu à supporter la condescendance indignée à laquelle Boyle fait référence, y compris de la part de mes collègues chercheurs les plus conservateurs. Je pense qu’il y a deux raisons à cela. Tout d’abord, contrairement à la vulgarisation des sciences sociales telle qu’elle a lieu dans certains articles de presse, j’ai fait l’effort de citer les publications de mes confrères (plusieurs centaines) sur lesquelles je fonde mes observations et mes conclusions. Le renvoi aux travaux de mes pairs a donné aux puristes – à juste titre – l’impression que, même s’ils ne vérifiaient pas eux-mêmes les données factuelles, j’étais prêt à me soumettre à un exercice de ce type pour étayer mes affirmations. Ensuite, plutôt que de promouvoir des conclusions ou un corpus de recherche en particulier, j’ai davantage cherché à promouvoir une approche permettant d’analyser les réactions humaines, approche fondée sur les sciences comportementales. Ce n’était pas mon intention à l’époque, mais mes collèges s’en sont trouvés désarmés, ce qui a confirmé un proverbe auquel je crois depuis toujours : « Les gens ne coulent pas le navire sur lequel ils sont embarqués. »

19 Guide de l'Économie Comportementale - 2018

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