BVA_NUDGE_2018

Éditorial

DellaVigna et al. (2017) sont partis de l’idée que certaines personnes peuvent se sentir moins utiles lorsque leurs pairs savent qu’elles n’ont pas voté (honte ou stigmatisation de ne pas être considéré comme impliqué dans la vie civique) ou plus utiles lorsque les pairs savent qu’elles ont voté (fierté, solidarité, etc.). Les auteurs ont élaboré une expérience de terrain à Chicago pour vérifier cette hypothèse en laissant des prospectus sur les paliers de porte des habitants pour les informer qu’ils reviendraient le lendemain pour réaliser une enquête. Les prospectus ne précisaient pas tous si les personnes interrogées auraient à révéler si elles avaient voté lors d’un scrutin législatif récent. Les auteurs disposaient de données qui leur permettaient de savoir si les personnes en question avaient réellement voté. Ils ont constaté que le taux des abstentionnistes ayant reçu un prospectus indiquant qu’il leur faudrait répondre à des questions sur leur abstention et toutefois enclins à répondre à l’enquête était inférieur de 20 points de pourcentage au taux des abstentionnistes ayant reçu un prospectus n’indiquant pas qu’il leur faudrait répondre à des questions de ce genre. Cela montre le sentiment de honte potentiel que ces personnes éprouvaient à l’idée de révéler qu’elles n’avaient pas voté, quand bien même les organisateurs de l’enquête étaient probablement des étrangers à qui les ménages n’auraient plus jamais affaire. Une caractéristique intéressante de cette expérience est que les chercheurs ont varié les incitations offertes pour toute participation à l’enquête. Les auteurs ont constaté que la perspective de ne pas avoir à révéler son abstentionnisme avait la même incidence baissière qu’une diminution de l’incitation financière de 10 $ à 0 $ sur le taux de participation à l’enquête. Ils en ont conclu que cette valeur de 10 $ représentait les niveaux constatés de rotation des électeurs et qu’il convenait de l’intégrer dans l’analyse coûts/bénéfices du comportement électoral. L’image sociale a également servi à comprendre à quoi les étudiants consacrent leur temps lorsqu’ils sont au lycée et à l’université. Ainsi, une femme célibataire suivant un MBA ( Master of Business Administration ) peut être confrontée à des arbitrages entre les incitations du marché de l’emploi d’une part et celles du marché des rencontres dans la mesure où certaines actions susceptibles de l’aider à trouver un emploi peuvent compromettre leurs chances de rencontrer quelqu’un, car dans une société patriarcale, ces actions seraient le signe qu’elles se « comportent comme des hommes ». Bursztyn et al. (2017a) ont découvert dans une étude utilisée par des conseillers d’orientation que les étudiantes célibataires suivant un MBA sous-déclarent leurs ambitions financières, leur disposition à faire des heures supplémentaires et à accepter les déplacements professionnels, ainsi que certains de leurs traits de caractère (tels que l’ambition et le leadership dans les interactions quotidiennes) lorsqu’elles pensent que leurs camarades de classe observent leurs choix. Ces effets sont sensiblement moindres chez les étudiantes mariées (qui n’éprouvent pas le besoin d’envoyer des signaux aux deux marchés) et elles ne se mélangent pas aux étudiants de sexe masculin. Ces préoccupations relatives à l’image sociale peuvent également affecter d’autres décisions, comme le choix d’une carte de crédit. Bursztyn et al. (2017b) ont réalisé une expérience de terrain avec une banque indonésienne qui offre à ses clients une carte de crédit platine réservée aux grandes fortunes, laquelle symbolise un certain

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27 Guide de l'Économie Comportementale - 2018

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