BVA_NUDGE_2018

Éditorial

Une approche similaire consiste à utiliser un essai aléatoire afin de définir une catégorie de consommateurs avisés, que l’on peut ensuite comparer aux autres. Allcott et Taubinsky (2015) ont mené une étude pour essayer de comprendre l’écart d’efficacité énergétique dans le cas de l’achat d’ampoules à basse consommation. Pour ce faire, ils ont mis en place un dispositif de traitement de l’information qui leur indiquait le coût énergétique des différentes ampoules d’éclairage résidentiel. L’objectif de ce traitement était d’obtenir uniquement des données précises afin de comprendre et minimiser les effets sur la demande et d’autres éléments potentiellement perturbants. Ils qualifient ce dispositif de « nudge pur » en ce qu’il donnait des informations sur tous les consommateurs non avertis et concentrait toute l’attention sur les coûts énergétiques, sans autre effet. Partant de cela, ils pouvaient estimer la disponibilité des consommateurs à payer pour les ampoules, comme si ces derniers agissaient de manière rationnelle. Ils ont ensuite montré que la demande pour les ampoules à incandescence (ampoules peu efficaces) était importante, même lorsque les consommateurs disposaient d’informations exhaustives et qu’ils étaient attentifs. Cela signifie que si les gouvernements interdisaient les ampoules à incandescence, les coûts seraient supérieurs aux bénéfices. En d’autres termes, l’information imparfaite et l’inattention ne justifient pas à elles seules une interdiction des ampoules à incandescence traditionnelles. Ces approches avaient pour objectif de mieux comprendre les choix du consommateur rationnel. Il y a fort à parier que nous verrons de nombreuses études empiriques visant à démêler les frictions et les lacunes mentales sur les marchés, ainsi que les conséquences de chaque facteur sur le bien-être des consommateurs. Les expériences portant sur les mécanismes ( Ludwig et al., 2011 ) peuvent servir à comprendre pourquoi il existe des différences dans les frictions et les lacunes mentales. Cette approche est mise en lumière dans l’excellent article de Bhargava et al. (2017a), dans lequel les auteurs s’efforcent à comprendre pourquoi les consommateurs américains choisissent des assurances santé sous-optimales. À la lumière des données obtenues, ils ont constaté que la majorité des salariés choisit une couverture maladie coûteuse (par exemple, certains salariés sont prêts à payer 500 $ de plus en primes annuelles pour réduire leur franchise de 1 000 $ à 750 $). En d’autres termes, il s’agit d’assurances maladie sous-optimales. Grâce aux expériences AmazonMechanical Turk, ils ont également constaté que le fait de clarifier le lien entre les diverses primes et franchises déductibles et les frais de santé totaux permettait de réduire le taux de participants choisissant des couvertures sous-optimales de 48 % à 18 %. Cette étude de Bhargava et al. Intervient juste après des études similaires suggérant que l’inertie des consommateurs sur les marchés de l’assurance pouvait coûter de l’argent aux individus et qu’il est difficile d’apprendre de ses erreurs ( Handel, 2013 ; Ericson, 2014 ). Le fait de séparer les mécanismes d’inattention (friction et lacunes mentales) influence de façon significative les modalités retenues par les gouvernements et les entreprises afin de modeler leurs interventions visant à modifier les comportements. Pour que ces acteurs puissent fournir des informations importantes ou des incitations à leurs concitoyens ou à leurs clients réguliers, il nous faut étudier plus avant ces mécanismes afin de comprendre les effets de l’information sur le bien- être humain. En bref, il y a fort à parier que le fait d’orienter le comportement

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35 Guide de l'Économie Comportementale - 2018

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