BVA_NUDGE_2018

Applications

Une typologie positive des stratégies décisionnelles irrationnelles

Florian Bauer et Manuel Wätjen, Vocatus Auteur : florian-bauer@vocatus.de

Introduction Fondamentalement, l’économie comportementale s’apparente à une collection incohérente de biais et d’heuristiques : il n’existe aucune théorie globale établissant des liens entre la plupart des effets et les expliquant sous un même cadre conceptuel. En effet, la plupart de ces effets se chevauchent et il en est même certains qui s’opposent. Cela ne posait pas de problème tant que l’économie comportementale se limitait à une initiative « négative » dont l’objectif était de prouver que les gens ne sont pas des décisionnaires rationnels, contrairement à ce que prétend la théorie économique classique. L’économie comportementale a réussi à démystifier la notion de l’ homo economicus , mais elle n’a pas encore permis de définir un « modèle positif » de choix humain comme alternative à la théorie du choix rationnel. Forts de centaines d’expérimentations, nous connaissons les mécanismes qui privent les gens de la capacité à décider (rationnellement), mais nous ne disposons pas encore de modèle unique expliquant les mécanismes qui sous-tendent leurs prises de décision. De plus, les chercheurs en économie comportementale pure s’attellent à savoir si les gens se laissent prendre au piège d’une heuristique spécifique à une étape particulière du processus décisionnel, provoquant alors un biais prévisible en matière de préférences (exprimées). Par exemple, des chercheurs ont entrepris de découvrir si l’ancrage influe sur les estimations de prix intuitives ou si le cadrage influe sur la valeur apparente d’un produit, et ainsi de suite. L’approche expérimentale classique permet donc d’évaluer minutieusement l’impact des petites différences entre les situations de choix dans une configuration optimale avec un cadre de recherche qui amplifie les effets. Par conséquent, les chercheurs se sont longtemps abstenus de creuser plus avant la notion d’irrationalité systématique des stratégies décisionnelles plus globales destinées à résoudre des tâches décisionnelles plus complexes telles que les décisions d’achat en situation réelle. Si nous nous penchons sur ces tâches décisionnelles complexes, les apports de l’économie comportementale peuvent même se révéler trompeurs en ce qu’ils se concentrent uniquement sur certaines dimensions et étapes. Ainsi, lorsqu’il s’agit de savoir s’il serait préférable d’augmenter le prix d’abonnement à un journal jusqu’à un certain niveau en une seule fois ou en plusieurs petites étapes, la théorie des perspectives recommande une seule hausse soudaine en raison de l’atténuation de la pente de la fonction valeur ( Kahneman et Tversky, 1979 ). Ce principe ne concerne toutefois que la dimension relative à l’ évaluation du prix de cette décision et occulte la dimension relative à la connaissance du prix , ce qui consiste à ne pas considérer qu’en réalité, les hausses de prix seront oubliées au bout de quelques mois ( Bauer, 2011 ). Par ailleurs, une petite hausse est moins susceptible de provoquer une résiliation ad hoc , alors que la probabilité d’une résiliation augmentera substantiellement en cas d’une

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83 Guide de l'Économie Comportementale - 2018

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