BVA_NUDGE_2018

Applications

Les chercheurs ne s’étant jamais posé ces questions, il nous a fallu nous pencher dessus pour y apporter des réponses. L’objectif de cet article est de montrer comment nous avons condensé les données fondamentales de l’économie comportementale afin de créer une typologie globale des stratégies décisionnelles irrationnelles prévisibles, qui décrit les différents ressorts psychologiques qui sous-tendent les choix humains, plutôt que d’observer simplement les effets individuels. Pendant plus de dix ans, nous avons appliqué cette typologie dans le cadre de projets internationaux dans le domaine du marketing, de la tarification et des ventes, dans les secteurs B2C et B2B. Nous souhaitons désormais apporter des exemples et des études de cas qui soulignent la valeur ajoutée de cette typologie et la façon dont elle facilite l’application systématique de l’économie comportementale dans un contexte commercial. Brève présentation de la typologie GRIPS ® L’objectif ultime des stratégies de marketing, de tarification et de ventes est d’orienter les décisions d’achat. Les professionnels du marketing doivent donc comprendre pleinement le processus décisionnel humain afin d’atteindre leurs objectifs. Cela étant, s’efforcer d’appliquer systématiquement les principes de l’économie comportementale en situation réelle peut être une tâche ingrate, notamment si l’on souhaite dépasser les cadres de recherche universitaire. Dans notre cas, nous souhaitions aller plus loin que la simple analyse des effets individuels pour extraire l’essence des informations collectées et concevoir nos interventions sur cette base. À ces fins, il nous a fallu d’abord trier, relier et combiner les nombreux effets publiés – plus facile à dire qu’à faire ! La frustration nous gagne déjà lorsque l’on essaie d’éliminer les contradictions qui accompagnent les référencements les plus communs des heuristiques et des biais ( Benson, 2016 ). Il est étonnant de constater que certaines répercussions sur les stratégies de marketing sont contradictoires : dois-je proposer une option pour éviter le paradoxe du choix ( Schwartz, 2004 ), deux options pour utiliser la seconde comme point d’ancrage ( Jacowitz et Kahneman, 1995 ) ou trois options pour profiter d’un effet optimal ( De Ridder, 2008 ) ? Par ailleurs, les effets sont nommés de manière totalement incohérente : certains le sont par rapport aux biais qu’ils impliquent (« actualisation hyperbolique » par exemple), d’autres par rapport à l’heuristique sous-jacente (« élimination par aspect »). Certains le sont par rapport à un élément déclencheur exogène (« cadrage ») et d’autres le sont par renvoi à la cause psychologique associée (« aversion au risque »). De plus, il existe parfois plusieurs formulations pour décrire des choses assez similaires selon des points de vue académiques différents (par exemple, l’aversion à la dépossession, qui décrit un effet d’un point de vue économique, par rapport à l’aversion à la perte », qui décrit la cause de cet effet d’un point de vue psychologique). Enfin, certains effets font l’objet d’explications qui s’apparentent à des galimatias de concepts, ce qui crée de la confusion au lieu de faciliter la compréhension du processus décisionnel humain. Par exemple, l’« effet de leurre » est souvent expliqué par renvoi à l’« effet d’ancrage » ( Smith, 2016 ), alors que les ressorts psychologiques réels de ces deux effets sont assez différents, comme nous le verrons par la suite lorsque nous constaterons que certaines stratégies décisionnelles sont plus sensibles à l’effet d’ancrage qu’à l’effet

2

85 Guide de l'Économie Comportementale - 2018

Made with FlippingBook - Online catalogs