La Presse Bisontine 95 - Janvier 2009

L’INTERVIEW DU MOIS

La Presse Bisontine n°95 - Janvier 2009

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est éditée par “Les Éditions de la Presse Bisontine”- 1, rue de la Brasserie B.P. 83 143 - 25503 MORTEAU CEDEX Tél. : 03 81 67 90 80 - Fax : 03 81 67 90 81 E-mail : publipresse@wanadoo.fr Directeur de la publication : Éric TOURNOUX Directeur de la rédaction : Jean-François HAUSER Directeur artistique : Olivier CHEVALIER Rédaction : Aline Bilinski, Édouard Choulet, Thomas Comte, Céline Garrigues, Jean-François Hauser, Katia Mairey. Régie publicitaire : Besançon Médias Diffusion - Tél. : 03 81 80 72 85 François ROUYER - Portable : 06 70 10 90 04 Imprimé à I.P.S. - ISSN : 1623-7641 Dépôt légal : Décembre 2008 Commission paritaire : 1102I80130 Crédits photos : La Presse Bisontine, C.A.G.B., Dimeco, Johann Bardey, Musée de Besançon, Nansen développement, Jack Varlet. Crise Quʼon la nomme par des circonlocu- tions : dépression, trou dʼair ou ralen- tissement, la crise est bel et bien là. Elle touche désormais nos contrées, pré- servées jusque-là des soubresauts de lʼéconomie. On a commencé, dans cer- tains secteurs dʼactivité comme le bâti- ment à ne pas rappeler les habituels tra- vailleurs intérimaires. On ne renouvelle plus les contrats à durée déterminée. Et même le saint du saint de la pros- périté économique, la Suisse, montre les premiers signes de faiblesse. La cri- se guette le Grand Besançon, elle pour- rait le toucher de plein fouet en 2009. Mais comment tout a pu basculer, en moins de deux mois alors que tous les indicateurs, jusquʼà lʼété dernier étaient au vert ? Au départ, la part de psycho- logie joue un rôle fondamental dans ce marasme généralisé. À force de nous rebattre les oreilles sur ces risques de dégringolade, on a fini par sʼen per- suader. Et la consommation dʼun coup sʼest arrêtée. Pourtant, avant que le chô- mage nʼait commencé à frapper cer- taines familles, le pouvoir dʼachat des ménages nʼavait aucunement baissé, ou en tout cas, il est strictement aumême niveau que trois mois auparavant. Mais lʼannonce même de lʼarrivée éventuel- le de la crise a eu un effet dévastateur sur le moral des ménages. Et patatras, comme un jeu de construction fragilisé par un faux mouvement, lʼédifice de la confiance sʼest brutalement effondré, dʼunemanière exponentielle, à lʼannonce des premiers effets concrets de cette crise sur les chiffres de lʼemploi. Puis même la Franche-Comté, jusque-là bon élève, a vu ses statistiques de lʼemploi dégringoler dʼun coup depuis octobre. À quelques jours des fêtes, le moral en berne des consommateurs habituelle- ment frénétiques, freine tout emballe- ment. Mais ne consomme-t-on pas de peur que les heures noires soient devant nous ou alors parce que, à lʼimage de lʼimmobilier, on attend que les tarifs sʼécroulent encore ? Cercle vicieux inédit quʼil conviendrait de briser lors dʼune période traditionnellement dévolue à un regain de consommation bienfaiteur, si ce nʼest pour le portefeuille, du moins pour le moral. Souhaitons seulement que la crise, omniprésente dans les esprits, soit oubliée le temps de la tra- ditionnelle trêve des confiseurs. Joyeuses fêtes à tous nos lecteurs et si de crise il devait sʼagir durant ces fêtes, ne fût- elle tout au plus que de foie… ? Jean-François Hauser Éditorial

SYNDICALISME

Le secrétaire général de F.O.

Les élections prud’homales, comme d’habitude, n’ont pas déplacé les foules. Le leader de Force Ouvrière continue à battre la campagne et martèle, inlassablement, ses arguments contre la politique sociale du gouvernement. Rencontre. Jean-Claude Mailly : “Je dénonce cette logique de déréglementation”

L a Presse Bisontine :Vous veniez dans le Doubs à la ren- contre des salariés de chez Lu à Besançon, puis de chez Alstom à Ornans, deux entreprises qui se portent plutôt bien. Comment se “sentent” les salariés en cet- te fin d’année ? Jean-Claude Mailly : Les questions de pouvoir d’achat et les inquiétudes sur l’emploi sont palpables. Mais partout, je ressens ce sentiment profond que de l’argent, il y en a, crise ou pas. Le gouvernement ne doit pas se contenter de discours au niveau inter- national et sur le plan national rester campé sur ses positions et ses dogmes. L.P.B. : Qu’attendiez-vous du plan de relance de l’économie annoncé par le président de la République ? J.-C.M. : On attend toujours un vrai plan de relan- ce axé non seulement sur l’industrie mais aussi sur la consommation. Or, il n’y a quasiment rien dans le plan gouvernemental pour soutenir la consom- mation. Il n’y a pas de secret : si l’on veut favori- ser cette consommation, cela passe par des revalo- risations des salaires. Mi-décembre, on attend une vraie confrontation sur ces questions-là avec le chef de l’État. Faire l’impasse sur la consommation serait une erreur fatale. Et dans ses plans de sauvetage, il faut que le gou- vernement aille jusqu’au bout de la logique. Quand il injecte par exemple 10,6 milliards d’euros dans les banques mais sans entrer dans le capital, ce

n’est pas logique, il n’y aucunmoyen de surveiller ce que feront les banques. L.P.B. : Vous avez visité Alstom et c’est justement Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’Économie, qui avait contribué à sau- ver ce groupe en 2004 ! J.-C.M. : Oui, mais justement, à cet- te époque l’État était entré dans le capital d’Alstom. Même de maniè- re temporaire, quand l’État entre au capital, il a voix au chapitre et peut contrôler ce qui se passe. En ce qui concerne les banques, ce n’est pas parce que l’on nomme unmédia- teur et qu’on réunit les préfets et

les T.P.G. qu’on peut s’assurer que les banques rem- plissent bien leur mission. Encore

“On va demander

d’ouvrir les crèches le dimanche ?”

une fois, il y a un grand écart entre les discours internationaux de M. Sarkozy qui plaide pour le contrôle et la régulation des cir- cuits financiers et sur le plan natio- nal où il continue les dérégle- mentations. Il faut être cohérent.

L.P.B. : Que préconisez-vous pour relan- cer la consommation ? J.-C.M. : D’abord qu’il y ait un vrai coup de pouce au S.M.I.C. dès le 1 er janvier. On demande aussi que toutes les exonérations des cotisa- tions patronales dorénavant soient conditionnées dans les entreprises à un accord sur les augmentations salariales. Et que chaque fois que le S.M.I.C. augmente, l’on ajuste tout de suite les minima salariaux de toutes les conventions collec- tives. Enfin que le gouvernement se positionne tout de suite sur des questions comme la “prime trans- port”. Sur ce point, on demande un dispositif obligatoire. L.P.B. : Quelle est votre position sur la question sensible, surtout au moment des fêtes, du travail le dimanche ? Beaucoup de salariés y sont favorables ! J.-C.M. : Le problème, c’est que le jour où le dimanche sera un jour

Jean-Claude Mailly, secrétaire général de F.O., a visité plusieurs entreprises du Grand Besançon fin novembre.

de travail comme les autres, il sera banalisé et payé comme un jour normal, il ne faut pas se leurrer. Pour l’instant, le dimanche est dérogatoire, c’est pour cela que les salariés bénéficient d’un revenu supérieur ce jour-là. Le problème, c’est que nous sommes en France dans une logique de dérégle- mentation, ce dossier est très mal abordé. Du cas atypique de la zone commerciale de Plan-de-Cam- pagne (Bouches-du-Rhône), on veut faire une géné- ralité alors que c’est un cas unique créé il y a 50 ans et qui n’a pas vocation à être généralisé. Alors quand tout le monde pourra travailler le dimanche, que va-t-on faire ? On va demander d’ouvrir les crèches le dimanche par exemple. Cet- te question est un vrai problème social et sociétal. L.P.B. : La révision générale des politiques publiques (R.G.P.P.) est en cours. Vous reconnaissez qu’il y a des économies à faire dans certaines administrations ? J.-C.M. : Le problème est que le gouvernement cherche le moyen de rentrer dans les clous européens sur le plan des déficits mais tout cela est en train de voler en éclat avec la crise. Ce que je reproche avant tout, c’est qu’aucun travail préalable et concerté n’ait été engagé sur les missions des services publics. On ne doit pas faire cela en catimini comme c’est le cas actuellement. Il doit y avoir un vrai débat, qui n’existe pas pour l’instant. Et mon avis, c’est que si la France résiste peut-être un peu mieux que d’autres pays à la crise actuelle, c’est aussi grâce à son réseau efficace de services publics. Propos recueillis par J.-F.H.

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